Il y a de cela pratiquement un an jour pour jour, je quittais mon pays pour vivre une aventure qui me faisait plus peur que l'idée d'aller dans la forêt interdite pour Ron Weasley. J'avais pris la décision de rencontrer mon père pour la première fois de ma vie. Il savait que j'existais. Nous avions même eu quelques échanges par lettres (internet, il ne connaissait pas ça) quelque peu cahoteux. J'ai cessé de lui écrire à 17 ans. Les reproches qu'il écrivait sur ma mère me blessaient de plus en plus à chaque fois. Je voulais une relation avec mon père et non pas lire des insultes sur le parent qui avait toujours pris soin de moi.
Avec les années, mon besoin de le rencontrer se faisait de plus en plus insistant. J'avais besoin de le voir. C'était une part de mon identité que je devais découvrir. Ce n'est pas que je me sentais incomplète, mais une partie de moi était prête à affronter cette réalité quoi qu'elle puisse être. Je vais être honnête : j'étais paniquée. Mais j'étais prête. J'avais pris assez de maturité pour affronter cette rencontre. Quand j'étais adolescente, je voulais un père qui m'aime. À vingt-et-un ans, je n'en avais plus besoin pour avancer dans ma vie. Je voulais simplement tourner la page.
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À La Rochelle, j'ai fait la rencontre de ma famille française. Ma tante, ma cousine, mon oncle et mon cousin. Le premier mois de vacances a été un mois d'adaptation. C'est comme si je vivais dans un rêve. Tu ris avec eux puis tu réalises que c'est réel. Tu manges à leur table puis tu réalises que c'est réel. Ils te disent qu'ils sont heureux de te voir puis c'est comme si tu recevais une brique en plein visage parce que c'est réel. J'ai très bien été accueillie par le frère de mon père. Au-delà de ce que j'avais même imaginé. Le peu de contact que j'avais eu avec mon père avait surtout été empreint de colère et de rancune. Avec ma famille, je découvrais que personne n'en voulait à ma mère. Personne ne vivait dans le passé. J'ai demandé l'aide de mon oncle pour préparer la rencontre avec mon père, qui annulait toujours nos rendez-vous. Il trouvait constamment des excuses. Je pense qu'il était très nerveux. Une semaine avant mon retour à Montréal, j'en ai eu ma claque et j'ai décidé d'aller chez lui sans m'annoncer. C'était pour ça que j'avais décidé de venir en France, j'avais besoin de réponses ou, du moins, d'une minute pour pouvoir le voir de mes propres yeux. J'avais les versions de tout le monde, je voulais maintenant avoir ma propre version.
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Dans la voiture, je tremblais. J'avais la vue brouillée jusqu'à ce que je réalise que c'était mes larmes. J'avais l'impression de vivre le moment le plus important et décisif de ma vie. Pire qu'une entrevue pour une job de rêve. Beaucoup plus stressant que d'annoncer une nouvelle qui risque de changer ton couple à tout jamais. Il n'y a pas de mots pour décrire ça. C'est comme si je sortais de mon corps, mais que je pesais mille kilos en même temps. Mon coeur battait la chamade, mais je ne l'entendais pas battre. Je voulais courir me cacher et en même temps je voulais appuyer sur l'accélérateur pour arriver plus vite. C'est un état qu'il faut vivre pour comprendre. Ce n'est pas comme recevoir une mauvaise nouvelle, encore moins une bonne nouvelle. C'est simplement un fait qui va changer ta vie à tout jamais (c'est intense ce que je viens de dire, mais c'est la stricte vérité).
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Aujourd'hui, la lourdeur que je ressentais par rapport à mon père a disparu. Depuis toujours, j'étais triste lorsque je pensais à lui. Avec cette rencontre, tout ça est parti. Peu importe si ça s'est bien passé ou pas, je suis allée chercher ce dont j'avais besoin. Je suis plus solide qu'avant. Pour le reste, je compte bien retourner à La Rochelle visiter ma famille le plus souvent possible! J'ai eu l'agréable surprise d'y trouver beaucoup mieux que ce à quoi je m'attendais. C'est pour ça qu'il ne faut jamais hésiter à oser, car il existe de nombreux dénouements auxquels on ne pense pas. De retour à Montréal, je suis soulagée que ça soit terminé. Je peux passer à autre chose maintenant. J'ai tourné la page.