Au Québec, il y a prestige étrange entourant la famille.

Pas celle qu'on se fabrique avec le temps, celle de notre sang. Celle que nous n'avons pas choisie.

Celle qui dit qu'elle sera toujours là, celle à qui on peut faire confiance, celle avec qui c'est important de passer du temps de qualité, celle qui nous soutient.

Mais qu'est-ce que la famille idéale?

Une image de cocon familial privilégié. Deux parents, deux enfants ; idéalement un gars une fille. Très cliché, très blanc, très basique. Mais c'est ce qu'on nous dit qui est le mieux. C'est avec ce genre de modèle qu'on réussit dans la vie et qu'on est heureux dans son foyer. C'est ce qu'on veut atteindre.

Je suis enfant unique. Ma mère est décédée. Il ne me reste que mon père. Nous sommes loin de l'unité familiale supérieure qu'on nous enseigne. Mais mon père ne va pas bien. Je me mets donc à réfléchir comment sera la vie lorsqu'il sera parti. Ma cellule familiale, ça ne sera que moi.

Je serai orpheline.

Et ça me terrifie royalement. 

Pourquoi? C'est la peur de la solitude. La peur de n'avoir plus personne sur qui compter, sans condition. C'est avoir l'impression d'être seule au monde, comme Tom Hanks, mais sans Wilson. Pourtant, j'ai un cercle d'amis incroyable. Je sais pertinemment qu'ils seront toujours là pour moi. Mais ce mot me hante : orpheline.

Le fait que ta famille, ce n'est que ta petite personne. Que tu doives avoir tes propres arrières, tout le temps. Que tu sois ta seule défense entre les dangers de l'extérieur et toi-même. Que ta carapace est tout ce qui te protège du monde. Pas de barrière invisible, pas d'armure. Juste toi. Juste moi.

Pourtant, la famille, est-ce si parfait que ça?

Est-ce que la famille est toujours le pilier irréprochable qu'elle prétend être?

Celle qu'on dit qui sera toujours là, peu importe les circonstances, mais qui place ses parents dans un centre de personnes âgées. Celle à qui on peut faire confiance, mais avec qui on se brouille dès qu'il est question d'argent. Celle avec qui c'est important de passer du temps de qualité, mais qui n'écoute jamais vraiment sauf si ça ne fait pas son affaire. Celle qui nous supporte, mais qui nous fait des commentaires sur comment on s'habille ou ce qu'on mange.

Il y a un moment où un enfant découvre que ses parents sont de vraies personnes, avec de vraies personnalités. Qu'on peut les aimer en tant que parents, mais qu'on ne s'entendrait jamais avec eux autrement. Dans un environnement de travail ou social par exemple. Qu'on les aime, mais qu'on ne les apprécie pas tant que ça. We love them, but we don't like them. (La distinction se fait mieux en anglais)

Alors, qu'est-ce que je perds réellement?

Ma famille, ce sont mes amis. Depuis des années, ils ont pris la place des frères et soeurs que je n'ai jamais eus. Alors, à moins de tous les perdre d'un seul coup, dans un événement catastrophe de fin du monde (je touche du bois), je ne serai jamais vraiment orpheline. Ils ne me laisseront pas faire.

Source de l'image de couverture : Unsplash
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