*Voici le premier texte que j’ai écrit pour le Cabaret littéraire des auteurs du dimanche, et je t’invite par ce fait même à venir faire un tour, soit tous les dimanches à 20h, à la Taverne Jarry.

J’ai toujours eu peur de rencontrer des personnes pour la première fois. En particulier lorsqu’il s’agit d’un ami d’une amie, dont le chum a une sœur qui elle, a un voisin, pis que lui y’est célibataire, et si gentil et qu’on a tellement de points en commun.… En particulier, les rendez-vous arrangés d’une de mes amies qui se mêle jamais de ses affaires et qui s’imagine que je vais mourir vieille fille, dans mon deux et demi d’Hochelaga, avec la tête de mon chat empaillée sur le mur, juste au-dessus de ma collection de films d’amour rangés en ordre croissant du plus triste au moins triste.

Ouin, elle fait chier.

Après tout, ça faisait seulement 4635 heures et 28 minutes que je n’avais pas eu de relations intimes avec un individu du sexe masculin. Ce n’était pas la peine d’en faire un cas, j’ai déjà vu du monde dans de bien pires situations que moi… Les fans de Donjons et dragons, les nonnes, Jésus… 

Mais… Je ne voulais pas prendre de risque, c’est assez traumatisant comme scénario de fin de vie,  donc j’ai accepté le rendez-vous par l’entremise de mon amie cupidon qui elle, se régalait déjà des potins que j’aurais à lui raconter par la suite. (Hé oui, après huit ans de relations de couple, certains vivent leurs histoires d’amour à travers leurs amis). Puis, elle m’a donné son numéro de téléphone et on a finalement décidé de se rencontrer le samedi suivant, au cinéma Beaubien.

Je n’avais aucune idée à qui ou à quoi m’attendre (bon ok, j’avais déjà stalké son profil Facebook une bonne dizaine de fois facile, mais t’sais… J’suis pas freak, je voulais juste être capable de le reconnaître sans avoir un sourire de cave à chaque fois qu’un gars entrerait dans le cinéma.

C’est vrai.

Mon plan, c’était d’arriver un peu avant lui, et de l'observer de loin pendant au moins cinq minutes, pour connaître un peu ses habitudes de vie et ses goûts.  De cette façon-là, si je le vois regarder par exemple, l’affiche d’un film dont j’ignore absolument tout de A à Z, alors j’aurais le temps de googler des informations, et d’aller me présenter en enchaînant une conversation sur le film.

Aussi simple que ça!

Well… dans ma tête.

Non, parce qu’en fait, je suis arrivée en retard de 32 minutes à cause de ma mauvaise organisation du temps, utilisée entre l’application du mascara pis la recherche des vêtements appropriés qui me feraient paraître sexy, mais pas facile d’accès, adulte mais pas: «merci pour la soirée, mais maintenant je dois aller me coucher, faut que j’fasse l’épicerie demain matin» .

Bon, je sais, on allait être dans le noir, mais c’est important la première fois de faire bonne impression, comme ça, quand il va m’apercevoir à travers la porte vitrée, il va se dire : «  Oh wow, est cute » au lieu de « Esti, j’attends comme un con depuis une demi-heure pour ça».

À voir son visage, je ne suis pas encore certaine de ce qu'il a pensé. Faut dire que j’ai fini par enfiler une vieille paire de Converse crottés pis un manteau de fourrure noire synthétique. Je  ne sais pas à quoi je pensais, ça me fait ça quand je suis nerveuse, je perds le contrôle de la situation… Heureusement, je n’avais pas l’air facile d’accès, mais on repassera pour le sexé.

N’empêche que lui, il était beau comme un cœur.  Grand, gêné, maladroit, il avait des petites couettes ondulées comme un petit St-Jean-Baptiste, il portait des petites mitaines découvertes au niveau des doigts, c’était tellement mignon, j’avais juste envie de prendre ses mitaines, et dire à tout le monde que c’est mon chum qui me les a prêtées pour ne pas avoir froid, autour du feu de camp, tout près de notre chalet dans les Laurentides.

Étant donné que le film qu’on voulait aller voir était déjà commencé, on a pris deux billets pour LOVE, un film décrit comme étant érotique. Je ne me suis pas trop posée de questions, je me suis simplement dit que c’était un autre film français montrant des nounes poilues pis des seins aux 15 minutes. 

C’est drôle parce que je n’avais pas eu de date au cinéma depuis mon secondaire, pis même encore là, maudit que j’haïssais ça. Tout le monde sait qu’aller là est signe d’invitation à la perversion sous les lueurs du projecteur.

Mais dites-vous que c’est pire, quand le film commence avec un pénis dans une main.

LOVE

Source: blouinartinfo

J’ai failli m’étouffer avec ma liqueur à quatre piasses format moyen, tellement j’avais la gorge pognée. Pognée comme tout le reste de mon corps qui se crispait de malaises à chaque nouvelle image encore plus révélatrice que les précédentes.  Plus les acteurs s’exécutaient de manière presque trop naturelle, plus j’avais l’impression d’avoir franchi la porte de l’interdit avec un inconnu… Ou du moins la porte du cinéma L’amour.

Pis en plus y’avait un homme louche assis deux bancs plus loin avec son manteau crissement long en simili-cuir, digne d’une caricature de vieux pervers dans le journal Allo Police.

Qu’essé que j’calissais ici?

Le film était commencé depuis une heure et deux minutes, et je n’avais pas osé regarder mon prétendant une seule fois, sauf au début, pour lui faire remarquer que la bande sonore était très bonne. C’est rare pour un film de cul.

Dans quelle merde je m’étais mise encore? Pourquoi fallait-il que ça tombe sur moi?  La pauvre fille pudique se retrouvant malgré elle avec du sperme 3D dans le visage. Tout à coup, le beurre dans mon pop-corn avait un petit goût amer.

Au beau milieu de la scène où le personnage principal s’exhibe avec une prostituée transsexuelle (oui, oui), j’ai commencé à ressentir une main se dirigeant de plus en plus vers le haut de ma cuisse.  Je trouvais que, pour un gars qui avait l’air gêné, il manquait un peu de classe.

Au moment où je m’apprête à repousser ses avances précoces, je saisis une main chaude et humide tout en effleurant ce qui me semble être…une manche de manteau en simili-cuir. 

TABARNAK!

Accueil