En grandissant, j’ai réalisé que je m’attache facilement aux lieux que je visite, mais encore plus aux lieux dans lesquels j’habite. Ayant déménagé au moins six fois dans les deux dernières années, on peut dire que mon cœur a été mis à l’épreuve. Mais son dernier arrêt le plus marquant fut à Tadoussac, décidément.
J’ai eu l’immense privilège d’aller y poser mes valises pour presque quatre mois, l’été dernier. Pour travailler. Jamais je n’aurais pensé qu’un lieu pouvait me changer à ce point. Me faire redécouvrir qui j’étais, en fait.
Dans les deux dernières années, je m’étais perdue. J’étais complètement déconnectée de moi-même. Et de me retrouver dans ce petit village nord-côtier le temps d’un été a ravivé en moi le goût de la vie. Littéralement. J’ai compris tellement de choses sur ma personne, mais aussi sur l’existence que je menais. Qui n’était pas tout à fait en harmonie avec mes valeurs et mes envies.
Tadoussac, avec son énergie de vacances et ses habitants attentionnés, m’a transportée ailleurs. Comme si j’étais dans un autre pays. Et pourtant, j’étais encore au Québec. J’avais visité à plusieurs reprises ce village, mais jamais je ne m’y étais arrêtée aussi longtemps.
J’ai dû me pincer à plusieurs reprises au début de mon aventure, parce que je ne réalisais pas que ce que je vivais était réel.
D’abord, je voyais des baleines et des phoques tous les jours. Pour de vrai. En me rendant au travail le matin, c’était les bélugas qui venaient me saluer. Et le soir en terminant ma journée, c’était les petits rorquals qui venaient me dire au revoir, en s’alimentant tout près du bord de l’eau. Certains jours, la chance me souriait et c’était des rorquals à bosses que je voyais en train de montrer leur nageoire caudale. La magie des premières fois ne s’est jamais estompée. J’étais toujours aussi émerveillée.
Je ne compte même plus le nombre de soirées que j’ai passées, après le travail, assise à la Pointe-de-l’Islet, à chercher des yeux des mammifères marins. Le soleil se couchait dans le fjord du Saguenay et, à chaque fois, je ne pouvais m’empêcher de m’extasier. Quel privilège j’avais d’avoir accès à ça, à cinq minutes à pied de chez moi! Durant mes congés, je courais à la plage et je nageais dans l’eau glacée. Je pouvais profiter du fleuve Saint-Laurent comme jamais auparavant. Et ça me faisait du bien. Tellement de bien.
Et puis il y avait mes collègues, mes colocs. Des amours.
Je les porterai dans mon cœur à tout jamais. Mon été n’aurait pas été aussi mémorable s’ils n’avaient pas été là. Nous avons tissé des liens forts et indéniablement sincères au cours de ces quelques mois. Ils ont été mes partenaires d’observation de baleines, de soirées tacos, de vaisselle et de nuits blanches. On a couru après des baleines ensemble, joué à Mario Kart, regardé des films franchement rigolos et survécu à la Covid-19. On a eu des fous rires incroyables, mais on a aussi connu des moments moins plaisants où les larmes ont coulé.
Ça n’a pas toujours été évident, cette colocation à sept personnes, où l’on se côtoyait aussi durant nos journées de travail (oui, oui, des fois on se tapait sur les nerfs). Mais ce fut rempli de moments qui nous ont rapprochées et qui m’ont montré que la vie peut être incroyablement belle quand on est entouré des bonnes personnes.
Le jour où je suis partie de Tadoussac, les outardes sont venues me dire au revoir alors que je mettais mes bagages dans ma voiture. Je les ai regardées passer en voilier au-dessus de ma tête. C’était beau. On aurait dit qu’elles savaient que je quittais un endroit qui m’était cher.
J’ai essayé de ne pas pleurer. Vraiment. Mais je n’ai pas pu m’en empêcher.
Un de mes colocs m’avait, tout au long de l’été, partagé ses suggestions musicales, que j’ai ajoutées à une liste d'écoute musicale en prévision de mon départ. Le jour où j’ai pris le traversier qui me ramenait dans la grande ville, les chansons qui ont rythmé mon été jouaient dans les haut-parleurs de ma petite Yaris. Et les bélugas nageaient près du bateau.
J’ai pleuré. Incapable de me rendre à l’évidence que c’était terminé. Et pourtant. Il fallait que je m’y fasse. L’été était bel et bien fini. Les feuilles des arbres rougeoyaient et le vent était plus frais. Il était temps que je laisse aller ce pan de ma vie.
Mais Tadoussac, on va se revoir bientôt, ça c’est promis.