Salut papy! Je sais ça fait un bon boute que je ne t'ai pas parlé, mais de ton côté, tu ne donnes pas souvent de tes nouvelles non plus. Faut croire que rendu là-haut, c'est plus difficile de me répondre et qu'après plusieurs années, tu dois t'être trouvé 1001 projets pour occuper tes journées.
Je t'imagine encore dans ton atelier à « bisouner » sur tes p'tits bancs que tu fabriquais avec fierté. Je t'imagine dans ta cuisine affairé à préparer une fournée de petits pains maison pour le plus grand bonheur de tes enfants et de tes petits enfants. Je nous vois encore aller au dépanneur en haut de la côte, là où je savais tirer les bonnes ficelles pour avoir quelques bonbons… quoique tu étais assez facile à convaincre. Je nous vois encore à la table, en soirée, à jouer à SkipBo avec mamie, mauvais perdant que j'étais, vous deviez sans doute me laisser des chances! Je ressens encore la colère qui montait en moi lorsque tu m'agaçais jusqu'à ce que je perde patience ou jusqu'à ce que ma mère te dise « lâche-lé, tu vas l'faire choquer »! Je t'entends encore dire « hey m'man » pour t'adresser à mamie et j'espère que ça ne vient pas avec l'âge d'appeler sa femme « m'man », car j'ai toujours trouvé ça un peu spécial! Je pense encore à un de nos derniers repas, juste tous les deux, tu étais venu me chercher au terminus d'autobus après un cours au Cégep et nous étions allés manger dans un buffet chinois. La qualité de la nourriture laissait à désirer, mais la richesse de la conversation que nous avions eu à ce moment restera gravée dans ma mémoire.
Si je t'écris aujourd'hui papy, c'est que j'ai envie de te partager une grande fierté, je suis maintenant propriétaire d'une belle petite maison en campagne. Tu sais que dans les dernières années, mamie me racontait souvent les discussions que nous avions toi et moi lorsque j'étais enfant. Elle m'a raconté, entre autre, que je te disais « moi papy, quand j'vais être grand, j'vais avoir ma maison en campagne, comme toi ». Et bien, c'est maintenant chose faite. Et depuis mon acquisition, les souvenirs de toi me submergent. J'ai pleuré en pensant à toi lorsque j'y ai passé ma première nuit. Si seulement tu pouvais voir comme elle est belle cette petite maison. Je retrouve la quiétude et le calme qui régnait chez toi quand je venais vous visiter dans votre campagne. Je retrouve les ciels étoilés, l'air pur et le bruit du vent dans les feuilles. Je retrouve les épines qui tapissent le sol et le noir qui nous enrobe le soir venu. Je retrouve cette sensation que le temps n'est plus important, dès l'instant où j'entre chez moi.
Si tu étais encore là, nous pourrions pêcher ensemble, au printemps, dans la rivière derrière chez moi. Nous pourrions aussi cuisiner ensemble de copieux repas et, par la suite, jouer aux cartes jusqu'à tard le soir. Nous pourrions avoir des discussions sur le bord du foyer pour nous y réchauffer après avoir passé une partie de la journée à profiter de ce que la nature à de plus beau à nous offrir.
Je sais que de là-haut tu me regarderas et sache qu'il y aura un peu de toi dans tout ce que j'entreprendrai dans ma nouvelle demeure.
Je t'aime!