Maman, ma chère maman. J’ai vraiment de la difficulté à comprendre pourquoi et comment tu t'es rendue là. Là est cet endroit cantonné de murs gris ou beiges ? Je ne sais pas.

Tu auras bientôt 90 ans et malgré que ta vie en apparence a toujours été assez aisée, simple et commode, je sais que ça n’a pas toujours été rose et joyeux. Je le sais parce que tu me l’as dit.

Il n’y a pas si longtemps. Tu t’es finalement ouverte quelques fois à moi pour déballer ce paquet bien ficelé d’amertume et de regrets.

Femme forte, fidèle, intelligente, dévouée.

Tu n’as désormais plus beaucoup de capacité et d’énergie à penser, bouger, parler même. La maladie t’emporte, mais n’y a-t-il pas pire maladie que de te laisser là ?

Dans ce minuscule rectangle de chambre ? J’ai honte, je me sens toute croche… Et malgré tous ces mots, j’évite d’y penser, imagine !

J’aimerais tant aller retrouver ma mère à l’intérieur d’elle-même et lui dire combien elle m’a inspirée, combien elle m’a rassurée et aimée à sa façon, les mots d’affection n’étant que rarement son choix d’expression.

Mais l’amour était là, c’est certain.

Nous, tes enfants, n’avions pas de condition à t’aimer. Ton sourire maintenant lointain commandait la joie, les rires, la confiance et la sécurité. Nous avons été tout pour toi, mais j’aurais aimé que tu t’épanouisses, que tu règnes sur tes propres aspirations avec affirmation et contentement, au lieu d’avoir cette colère de ne pas avoir agi autrement ou de ne pas avoir fait valoir ton point avec plus d’assertions. On dirait que je t’en veux, mais ce n’est pas ça. Juste le sentiment que ta fin de vie aurait pu être autrement. Je n’ai que moi à blâmer.

Je crois avec conviction que le ressenti affecte le corps, biologie totale, dit-on. Qu’une vie passée à refouler ses sentiments véritables sera incarcérée pour être ensuite mise de côté à jamais. Ça cambre un corps et contorsionne l’esprit. De quoi faire réfléchir !

Je me dois de terminer sur un ton un peu plus positif. Vous qui me lisez, quel que soit votre âge, ne perdez pas de temps et réalisez vos rêves afin d’avoir ce sentiment de liberté accomplie.

Peace mother, I love you! Je t’apporte ton chocolat tout à l’heure.
Image de couverture de Jake Thacker
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