J’ai longtemps cru que j’étais une extraterrestre. Déjà mon nom détonnait dans la cour d’école dans la banlieue de mes 15 ans. J’aurais tellement voulu être comme tout le monde. C’est ce que je souhaitais chaque Noël, j’avais besoin d’être rassurée. Je viens d’une famille de médecins qui habite les grosses maisons d’en haut. Plus les bougies sur mes gâteaux d’anniversaire s’accumulaient, plus je savais que je n’allais pas faire comme les membres de ma famille. J’étais tombée amoureuse des mots. Et les histoires, je les inventais jusque dans la cour d’école.
Puis le temps a passé...
« Y’a des jours ou j’ai plus de courage que d’autres, mais ces temps-ci, c’est plus compliqué de sauver mes rêves. J’ai un loyer à payer, t'sais.
Ça me rassure de savoir que le bateau n'est pas parti sans moi. Que je suis dans la gang. Que je ne serai pas perdue en mer, toute seule devant le néant, face à moi-même, dans ma petite chaloupe à ramer toute seule.
Être comme tout le monde, c’est la croisière tout inclus gagnée dans un tirage de Loto-Québec. C’est la ride dans un bateau cinq étoiles. On n’a pas à ramer, le bateau à un moteur et on a juste à se faire griller au soleil.
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Quand mon réveil sonne le matin, je me réveille, seule. Ce n’est pas que je ne peux pas avoir un homme dans mon lit, c’est que j’ai choisi de trouver le bon. Celui qui va me faire vivre tout plein d’émotions, bonnes ou pas bonnes, mais au moins qui va m’en faire vivre. Celui qui m’acceptera comme je suis parce qu’aimer pour vrai c’est un peu ça, j’pense.
7:30 AM. Je me réveille, je me prépare à entrer au bureau à 9 heures. JE SUIS NORMALE.
J’ai une job, je l’aime, pas beaucoup, mais un peu quand même. De toute manière, y’a rien de parfait dans la vie, il faut apprendre à vivre avec les compromis. Je fais pas partie du 2%, je ne suis pas une super star qui monte les marches à Cannes. Je suis comme tout le monde.
JE SUIS NORMALE.
C’est pas moi le mouton noir de la gang, la weirdo qu’on pointe du doigt, ou celle qui s’habille comme personne.
JE SUIS NORMALE.
De toute manière, c’est qui le « pas comme tout le monde » qui a décidé de s’habiller un jour en « hipster » alors que tout le monde s’habillait en « preppy » ou en « yo ».
C’est qui le « comme personne » qui a créé un jour une voiture électrique, la Tesla dont tout le monde parle? Ou le geek qui a créé Face de book? Ou encore l’émigrant hippie qui bossait dans son garage et qui a créé la technologie sur quoi je tape mon texte en ce moment?
Pour être honnête, à force de vouloir être comme tout le monde, je sais plus qui je suis.
J’ai peur d’être véritablement moi-même, que tout à coup, on me pointe du doigt. Que tout à coup, je détonne. Je ne dois pas trop attirer l’attention tout à coup que les projecteurs m’aveuglent ou que je me brûle à force de trop briller.
Je suis tannée de me comparer à une poupée Fisher Price qui ne va pas aux toilettes parce qu’on pense encore que les filles, ça fait pas caca. J’ai peur d’exister pour vrai et de sortir de ma petite boîte en carton imaginaire pis de faire partie peut-être, moi aussi, du 2%. Ou juste de vivre la vie qui me ressemble pour vrai. Est-ce que c’est si l’fun que ça d'être comme tout le monde?
Et si je me dévoilais, là toute de suite. Et si je me déshabillais les sentiments au cas où ça goûterait bon pour vrai.
Aujourd’hui j’ai décidé de dire. D’être. De risquer. Parce qu’un coeur qui bat, qui veut vivre comme si on allait mourir demain, c’est ben plus le fun que de vivre en survie. Le confort est une mort lente. Ce n’est pas le chemin le plus facile, mais j’ai décidé de prendre la route la moins fréquentée pis de partir à l’aventure, même si à l’intérieur de moi, c’est l’alerte au tremblement de terre. Sortir de sa zone de confort, ça déracine un peu.
Et si on apprenait à se connaître pour vrai? Et si on prenait le risque de se voir tout nu, tout nu du coeur? J’ai peur, t'sais.
JE SUIS NORMALE : c’est la phrase que je me répète pour me rassurer, parce que ça fait peur de sauter, pis de toucher à ses rêves. Être comme tout le monde, c’est le moyen que j’ai trouvé pour m’empêcher de faire des crises de panique, avant d’embarquer sur l’autoroute de la liberté.
Est-ce qu’on peut s’embrasser l’après-midi pis se regarder longtemps dans nos yeux avant de coucher ensemble? D’écouter nos coeurs qui battent, parce qu’on entend plus jamais le coeur de l’autre à force de chercher de l’amour artificiel, ou de remplir sa check-list des qualités comme des étapes d’un meuble Ikea. On est des humains, peut-on se traiter avec délicatesse ?
À force de jamais l’écouter notre coeur, pis de vouloir être comme tout le monde, on se cache derrière un personnage. Un personnage que je ne suis pas. Ben non, je suis pas la party animal qui te cale ça du Jemerson, qui peut te cuisiner une moussaka et te faire une bonne pipe, tout ça en un après-midi. Malgré que j’y travaille, c’est un work in progress. J’ai peur souvent, je fais de mon mieux. Mais parfois, je me laisse tomber, pour être comme tout le monde. »
Fin.
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