- Vous n’avez plus de papier de toilette? Ben voyons! C’est ridicule… Vous allez en avoir quand?
- Est-ce qu’il vous reste du beurre? Déjà? Mais la promotion commençait aujourd'hui. Vous donnez des bons d’achats différés j’espère?
- Où se trouvent les désinfectants pour les mains? Ah... et c’est juste à vous qu’il ne vous en reste plus?
- Est-ce qu’il vous reste des masques? Bien sûr que non.
- Une limite de deux par clients? Ah oui? C’est nouveau? Bon, d’accord. Et la limite s’applique même pour ce produit? Pourquoi?
Des phrases comme celles-ci, on nous les a posées des dizaines et des centaines de fois le week-end dernier. À nous, caissiers.ères, mais à l’ensemble du personnel également.
Vous allez me dire que c’est normal d’avoir une telle redondance dans les questions en ces temps de coronavirus. Et je vous répondrai que je suis totalement d’accord avec vous. Même que nous sommes là pour ça.
Par contre, lorsque les gens, à travers ces mêmes questions, véhiculent à la fois frustration et sarcasme dans leurs demandes, il y a lieu à prendre du recul. Et à se poser quelques questions en tant que société.
Déjà, le métier de caissier est une position qui peut être assez difficile pour le moral. Au sein de pratiquement toutes les organisations, c’est le poste qui se retrouve au bas de l’échelle salariale. C’est aussi celui qui, à l’interne, est le moins valorisé et ne suscite pas l’envie auprès des collègues. Même l’équipe de gestion, malgré toute sa bonne volonté, n’arrive pas à inverser la tendance. D’autre part, ce poste se retrouve à être le premier point de contact avec les clients. Et lorsque ceux-ci veulent se plaindre du service, ou de la disponibilité offerte en magasin (comme c’est souvent le cas depuis ces dernières semaines), le caissier est en première ligne pour recevoir le « choc ».
Ça, c’est ce qui se passe en temps normal. Or, depuis quelques jours, nous vivons une situation bien anormale.
Nous devons nous désinfecter les mains plus que régulièrement, et les laver impérativement autant que possible. Nous devons constamment faire attention à ce que nos mains touchent, même avec les gants: autant que possible, pas de manipulation avec de l’argent liquide, aucune émission de titres de transport ni de billets de loterie (expliquez cela à quelqu’un qui pense avoir gagné à la loto), nous ne pouvons pas emballer les achats des clients, ni dans leurs sacs réutilisables ni dans aucun sac tout court (on ne peut donc aider proprement les personnes âgées avec leurs achats). Lorsque les clients attendent en file, nous devons leur faire respecter une certaine distance entre eux par mesure de précaution. Chose pas toujours évidente à faire lorsque la queue est longue. Aussi, le nettoyage du comptoir, de la caisse ainsi que de la machine Interac, des caisses libre-service, du téléphone, etc. au lieu de le faire une fois par jour, ne devons le faire aux trente minutes.
Toutes ces mesures s’ajoutent à notre lot de tâches quotidiennes, et demandent une rigueur primordiale.
Après, lorsque les clients s’approchent trop de nous, ou bien qu’ils toussent en notre direction, ou laissent des kleenex dans les paniers que nous devons ramasser par la suite, nous devons redoubler d’efforts pour nous protéger, et s’assurer que tout est bien propre par la suite pour le prochain client.
Malheureusement, nous n’avons pas la chance de pouvoir travailler à distance. Nous devons être présents physiquement, de l’ouverture à la fermeture (et même plus tard ces temps-ci, afin de remplir les tablettes de stocks). Nous travaillons debout, et surtout devons être en forme. Les gens sont malades, les clients sont dans le besoin: nous assurons l’accès aux services jugés essentiels par les gouvernements.
Donc, si la prochaine fois, un caissier vous dit qu’il n’y a plus de papier de toilette, de masques, ou de lingettes désinfectantes (même si vous voyez qu’il y a des lingettes à l’arrière du magasin, sachez en fait que c’est pour désinfecter nos outils de travail), inutile de vous fâcher contre lui: il ne vous ment pas. D’ailleurs, il n’a aucun intérêt à le faire. Nous voulons que vous soyez en santé. Pour votre bien, et pour le nôtre également. Nous qui risquons, à chaque heure, à chaque transaction, notre santé pour vous. À un bien maigre prix. Mais toujours avec le sourire.