Et si j’avais pris mon courage à deux mains pour lui avouer mes sentiments? Et si j'avais réussi à trouver la bonne chose à répliquer? Et si j'avais plus étudié pour cet examen là? Et si en m’habillant ainsi on me jugeait dans le métro? Et si on apprenait à vivre le moment présent?
Je me suis longtemps projetée dans le futur, à m'imaginer ce que tous pourraient penser si je faisais telle ou telle action. Je me perdais aussi dans le passé, à m'imaginer tout ce qui aurait pu être différent si j'avais fait d'autres choix à certains moments. Pendant un bout de temps, me faire des milliers de scénarios en tête m'a empêchée de respirer.
Je réfléchissais tellement que je m'empêchais de vivre.
J’analysais tout, les événements, les gens, les pensées qu’ils pourraient avoir… « Pourraient » étant un temps de verbe important. Je m’imposais tous les jugements inimaginables qui pourraient (encore une fois) être pensés à mon égard. Je m’étiquetais alors que je n’avais même pas encore mis un pied dehors.
Mais tout analyser ne changeait rien; nos comportements, nos paroles et nos actions mènent inévitablement à des réactions impossibles à prévoir. Même un événement qui semble si bien planifié peut être victime d'un imprévu. Alors je me suis dis que j'en avais assez. Je n'étais pas heureuse de vivre en fonction de plaire, de ne rien dire de travers. J'étais malheureuse dans ce constant tourbillon de pensées qui m'empêchait incessamment de profiter du moment présent.
Oui, j’en avais assez des « si j’avais » qui me rendaient plus malheureuse qu’autre chose.
Je devais arrêter de me ressasser le passé et m’imaginer le futur, et simplement vivre dans le moment présent. Simplement étant un adverbe bien ironique, puisque vivre dans le moment présent est une tâche quelque peu ardue à maitriser.
Il est difficile d'apprendre à vivre sans nécessairement réfléchir à toute éventualité. Il est aussi difficile de laisser le passé dans le passé. Pour certaines choses il suffit de se pardonner, pour d'autres il faut avoir le courage d'agir pour les changer. Personne n'est parfait, et même si tout semble être pensé et parfaitement planifié, il finit toujours par y avoir des situations inopinées.
Alors aussi bien ne rien planifier!
Lorsqu'on tente d'apprendre à vivre dans le moment présent on se demande: mais par où commencer? Il faut commencer par être indulgent envers nous-même. Il est normal par moment de regretter une insulte dite pendant un désaccord. Il est aussi normal d'angoisser avant un événement important et de penser aux différentes manières dont ça pourrait se dérouler. Mais il faut aussi se donner une chance de laisser-aller.
Au départ, je n'avais aucune idée comment accepter l'imprévu. Aucune idée comment vivre sans cette routine étouffante, mais réconfortante à la fois. Nous vivons à une époque où tout se fait en vitesse, métro-boulot-dodo comme on dit. Je n'ai pas le temps. L'excuse qu'on se sort bien souvent. Et si on apprenait à prendre le temps?
Prendre du temps pour soi est l'un des meilleurs moyens de vivre le moment présent, mais c'est souvent ce qu'on laisse de côté. Ce peut être un court moment: un petit quinze minutes dans la journée est amplement suffisant. Peut-être est-ce simplement le fait d'aller courir, d'écrire ses états d'âme de la journée, de prendre le temps de savourer un café le matin ou celui de regarder le coucher du soleil avec un bon verre de vin.
Lentement, en prenant le temps de s'écouter et de respirer, on apprend à profiter.
On apprend à profiter de ce qui n'est pas planifié. Tout est dans la manière de percevoir les situations imprévues. Et si plutôt que de s'indigner parce qu'on est pris dans le trafic, on ne se réjouissait tout simplement pas d'avoir plus de temps pour écouter nos chansons préférées?
Quand on prend le temps de profiter des petites choses de la vie, il y a moins de temps pour réfléchir à tout ce qui aurait pu être différent ou tout ce qui pourrait se produire. Lentement, on se surprend à moins prévoir et à moins ressasser. On se rend compte de notre capacité à vivre complètement dans le moment présent, sans pensées envahissantes qui roulent en arrière-plan.
On apprend lentement à patauger dans l'imprévu en toute sérénité.