J'ai passé la matinée à un brunch familial. Ma grand-mère a fêté ses 90 ans. On lui avait préparé une surprise, elle ne s'y attendait pas. En nous voyant tous: enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, amis, et j'en passe, elle a pleuré. C'était beau. Thérèse c'est cette femme plus forte que la plupart d'entre nous, celle qui a traversé tant d'époques, vu tant de choses, vécu tant de pertes, apprécié tant de petits bonheurs, mais qui, malgré tout, ose s'émerveiller, encore et encore. Thérèse c'est le genre de femmes que j'aimerais devenir à 90 ans: ricaneuse, ouverte d'esprit, allumée et indépendante.
Mon père, le plus vieux de ses enfants a pris la parole pour lancer la fête. Il a parlé de sa vie, d’à quel point elle a été audacieuse pour son époque. Il a ensuite dit que si elle avait été jeune en 2016, elle serait la reine des photos Instagram et des selfies puisqu'elle a toujours aimé les photos et qu'elle adore partager.
J'ai regardé Thérèse. Souriante. Heureuse. Complète.
Elle n'a pas besoin d'Instagram. Ni de Facebook. Ni d'Internet du tout. Elle est bien comme elle est. Et sa vie est une magnifique histoire. Et cette dernière n'est pas finie. Ma mère me compare souvent à Thérèse: le grand sourire, la joie de vivre, le besoin de parler souvent, les gros mollets ( haha). Et je me demande si je serai comme elle à 90 ans.
Me voici maintenant à attendre à l'aéroport. Je quitte pour Los Angeles.
Je m'envole. Loin de Montréal, loin de mon quotidien, loin de tout. Mais la seconde que j'ouvre mon téléphone, petit appareil dont je n'ose pas me passer, me revoilà catapulter dans la réalité de ma métropole, comme si je n'étais même pas partie. Je suis souvent si loin, mais finalement jamais vraiment. Je suis là. Avec Internet, je suis toujours là. À répondre en quelques minutes à des messages, à lire les fils de nouvelles, à actualiser mon compte Instagram. Je suis là sans y être, j'y suis pour garder un lien et une présence.
On ne décroche jamais en 2016. Sauf lors de rares moments comme ce matin. Où je n'avais même pas envie de sortir mon cellulaire. J'ai même oublié de prendre des photos. Les autres le faisaient. Je voulais vivre tout simplement mon brunch en famille.
Mais qui est cette Camille qui prend plaisir à lâcher Internet?
C'est celle qui en a vu les revers. Celle qui trouve que la vie est belle et qui a envie d'en profiter. Celle qui veut avoir un sourire fendu jusqu'au oreilles à 90 ans entouré des siens et d'amour.
Et je prends une grande respiration. Je ne vais pas faire de détox web. Je ne vais pas cesser d'alimenter mes réseaux sociaux. Je ne vais pas disparaître de la toile. C'est ma vie. Mais je vais le faire de manière plus lucide. Je vais le faire en choisissant ce que je lis, ce que je regarde. Je ne veux plus me nourrir de la haine et des mauvaises énergies des autres qui circulent sur le web, je ne veux plus stresser parce que je n'ai aucune photo de qualité à mettre sur mon fil Instagram, je ne veux plus de cela.
Je veux me décharger du poids que je me suis moi-même mis en créant du contenu tous les jours. Je veux me permettre de disparaître par moment tout simplement pour mieux revenir. Et respirer. Loin des écrans.
Pour me réveiller un jour comme Thérèse: avoir encore un amour des photos, des rires, des foules à 90 ans.