La naissance d'une passion
En décembre dernier, j’ai participé au concours de drag amateur Sherby Drag Race, sous mon nom de scène, Teddy Boop. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point il est difficile de retenir un cœur qui veut bondir hors de sa poitrine. Même s'il s'agit d'un stress positif, c'est impossible à gérer. Mais je ne regrette absolument rien.
J'ai été attiré par la drag pour la toute première fois alors que je suis tombée sur l'émission Rupaul’s Drag Race sur les ondes de Musique Plus. Même si à l'époque, la qualité d'image laissait à désirer, j’ai adoré voir ces artistes de la scène s’exprimer avec autant d'audace et montrer la diversité du drag au grand public.
Victoria Parker pour ses formes rondes, Nina Flowers pour son look androgyne ou encore Ongina qui défilait la tête chauve (qui a besoin d'une perruque lorsqu'on est aussi Fabulous?). À partir de ce moment, je me suis dit qu’un jour, je voudrais faire du drag et exprimer ma personnalité de cette manière.
Mais je n’avais pas l’argent nécessaire, les matériaux et le courage de faire les premiers pas. J’ai donc pris mon mal en patience.
Expériences accumulées et rencontres uniques
En 2013, je me suis découvert une passion pour la photographie. Très vite j'ai trouvé mon style, je me suis spécialisé dans le portrait. Cela me permettait de raconter l'histoire de mes modèles, mais aussi de m'amuser avec eux. Au fur et à mesure, j'ai précisé ma pratique pour me spécialiser dans certains types de portraits.
La photographie de lutte, le boudoir, le nu artistique, le noir & blanc et, bien évidemment, les drag-queens.
Avant de débuter dans cette branche, j’avais fait mon baptême de drag en allant, pour la première fois, au mythique Cabaret Mado, à Montréal. J’y suis allé un soir d'hiver en compagnie de l’artiste Stella Stone et d’un jeune couple de demoiselles. La soirée a été mémorable et j’avais des étoiles dans les yeux. Les artistes, dont je ne connaissais même pas le nom de scène, m'avaient totalement marqué par leurs prestations.
Durant cette soirée, j’ai décidé de capturer l'essence de ces artistes par la lentille de ma caméra.
J’ai réussi à prendre plusieurs clichés et j'ai continué de le faire dans différents évènements. Le Coven, show de drag gothique, Fierté Montréal, Simplement Lundi Place à la relève de Sally-D, Drôles de drag, Les jeudis 3D de Jimmy Moore ou encore Strange Night.
C’est grâce à ces spectacles que j’ai été inspiré par le milieu drag.
Plusieurs artistes font aujourd'hui encore partie de mes inspirations: Sally-D pour sa citation : "il n’y a pas d’âge pour faire du drag". Abby Long pour sa magnifique voix. Anaconda LaSabrosa pour sa barbe dans son maquillage. Wendy Warhol pour sa persévérance. Paulette Paillette pour son extravagance et d'autres drag kings de talent, tels que Hercule Sleaze et Niko Lubie.
Quand je vois un artiste de drag faire une performance, je ne peux m’empêcher d’applaudir tout le travail qu’il ou elle a fait pour en arriver à ce résultat époustouflant. Du maquillage à la maîtrise des talons-hauts, en passant par la confection de costumes extravagants et les chorégraphies. C’est l’âme d’un artiste qu’on peut entrevoir, le temps d’une chanson.
Source de l'image: Edward Sanger
Journaliste de drag
Bien que la situation pandémique actuelle m’ait ralenti dans mon processus vers l'obtention d'un stage en journalisme, cela m’a apporté une excellente opportunité : écrire pour En Mode Drag.
Un diplôme maintenant en poche, j’ai commencé à faire des recherches sur l'histoire de ces artistes. Pouvoir leur rendre hommage à travers un texte a été le plus beau des salaires pour moi! Chaque publication sur les réseaux sociaux venait avec son lot de likes, de commentaires et de remerciements en l'honneur de ces gens inspirants.
J'ai pu écrire les histoires et raconter le fierté d'une maman, d'une artiste qui a su se remettre en scène après un grave accident, un jeune drag king à l’avenir prometteur ou encore une drag du Saguenay à l'attitude unique.
Malheureusement, toute bonne chose à une fin. Mon dernier article racontait le parcours d’un artiste aux multiples talents. Ce dernier, connu sous le nom de Lily Flower, raconte que la vie est faite pour s’amuser et qu'elle est trop courte pour avoir des regrets.
Juste après son entrevue, j’avais amassé suffisamment d'éléments inspirants pour enfin créer mon propre personnage.
Source de l'image: Edward Sanger
Teddy Boop : une drag créature sans gêne
Après plusieurs années à voir des artistes merveilleux, je me suis enfin lancé dans cette nouvelle aventure. Choisir mon personnage a été difficile, mais j’ai trouvé ce que Teddy Boop voudrait exprimer : faire de l’art sans aucune retenue.
Après 3 semaines à me pratiquer en talon-hauts, à me barbouiller le visage de fond de teint et de fard à paupières, à m’entraîner pour une chorégraphie (tout ceci avec ma grâce presque comparable à celle d'une roche), j’ai pris mon courage à deux mains et je suis monté sur scène.
En première partie, sur le succès Alive de Sia, j’ai cousu des insultes à la laine rouge sur un smoking (je ne vous dis pas le travail acharné). J’ai mis le paquet sur mes expressions faciales et je me suis lâché devant tout le monde. J’ai enlevé ma perruque et ma veste pour dévoiler un tailleur féminin. Ce n’était pas une révélation choc, mais pour moi, cela faisait écho à une amie qui a appuyé mes ambitions et mes rêves dès le début de l'aventure.
Pour la deuxième partie, c’était un défilé mettant en lumière une couleur qui nous représentait. J’ai choisi le noir et le blanc. J’ai récupéré un ancien costume chic (pantalon noir et chemise blanche) qui traînait au fond de mon placard. Dans une friperie, j’ai trouvé un tailleur pour homme sans manches. Et finalement, j’ai emprunté un kimono à une amie pour conserver l’effet de surprise.
Avec mes talons, j’ai défilé sur la chanson 100 % Pure Love. Je me suis tourné, j’ai laissé tomber le kimono et j’ai flashé le public avec mon appareil photo et mon tailleur recouvert de portraits de mes précédentes sessions avec les artistes. Bref, le noir et blanc fonctionnaient bien pour représenter ma passion de la photographie.
Je n’ai pas gagné le concours, cette soirée-là. En revanche, j’ai gagné bien plus en tissant des liens d’amitié avec des artistes colorés. J’ai appris que le jeune homme timide que je suis peut oser sur scène et montrer de quoi il est capable.
Ma drag est une drag créature qui mélange les genres et n’a pas peur d’essayer. C’est grâce aux expériences de la vie que j’ai pu me permettre d’avancer dans un nouveau chapitre et débuter un nouvel art.
N'ayez pas peur d’oser et de faire ce qui vous plaît. Car la seule personne capable de satisfaire vos envies, concrétiser vos projets et vos réalisations, c’est vous-même.
La vie est remplie de surprises, de paillettes et d’inconnu. C’est à nous d’en tracer le chemin et d’aller à leur rencontre.