Enceinte, il vient un temps de chercher un prénom pour mon enfant à naître. D’origine vietnamienne, je me retrouve face au même choix que mes amis asiatiques de la deuxième génération : laisser ou pas un héritage nominatif à mon enfant au-delà de son nom de famille.
Un prénom usuel occidental est d’emblée acceptable socialement, mais un prénom ethnique moindrement inhabituel à l’écrit ou à la prononciation est porteur de nombreuses difficultés d’intégration. C’est la raison pour laquelle, la plupart des parents immigrants de la première génération (je parle ici pour la communauté asiatique dont je fais partie) ont nommé leurs enfants simplement avec un prénom occidental. Leur intention est de leur enlever l’étiquette immigrante et faciliter leur réussite professionnelle. Il n’est donc pas rare de croiser au Québec des Raymond, Thérèse et Patrice aux yeux bridés, parlant principalement le français et baragouinant leurs langues maternelles.
Pour ma part, mes parents m’ont donné un prénom vietnamien à ma naissance ‘Bich-Thuy’.
Ils ont fait l’ajout de Laura qu’à la garderie. Le prénom asiatique demeure toujours dans mes papiers. Dans mes souvenirs d’enfance, dans la cour d’école comme sur toutes les sphères administratives, mon prénom asiatique a été déformé, cible de moquerie ou de commentaires racistes. Dernièrement cette année, un fonctionnaire au fédéral a recopié fautivement mon prénom en écrivant ‘Bitch’. J’ai dû lui mentionner la grossière erreur péjorative.
Étant témoin de nombreux incidents haineux liés au racisme anti-asiatique durant la pandémie, est-ce idéal de donner un prénom asiatique à son enfant au 21e siècle? Je crois personnellement ces actes haineux sont la preuve qu’il est plus important aujourd’hui de défendre ses origines surtout dans un pays démocratique. Je pense que notre société est plus sensible à cet enjeu, car c’est un sujet d’actualité. Néanmoins, il y a encore beaucoup de chemins à faire. Il est plus normal à présent de corriger les gens sur la prononciation d’un prénom. Certains demandent parfois poliment comment les prononcer. Donc on évolue tranquillement dans la bonne direction… Il reste que c’est notre tâche en tant que parents de mener des discussions tant sur les plans sociaux, académiques et politiques afin d’espérer des changements durables pour la génération future.
Je connais des familles de deuxième génération qui ont donné un seul prénom occidental à leurs enfants.
D’autres qui ont choisi des prénoms asiatiques qui leur étaient importants sans se soucier de l’écriture ni de la prononciation francophone. Dans le cas de mon premier enfant, étant donné que son père est d’origine chinois-cambodgien, on devait trancher sur des prénoms faciles à prononcer pour les trois cultures. Pour information : ce sont trois pays différents qui n’abordent aucunement les mêmes langues, écritures, ni symboles. Mon conjoint et moi communiquons en français, donc évidemment on a décidé de lui donner un prénom québécois. Puis, on a aussi opté pour un prénom vietnamien, car c’était plus facile à prononcer pour tous.
Oui, porter un prénom ethnique est encore un défi au Québec en 2022.
Néanmoins, au-delà de sa prononciation, le prénom culturel est aussi l’unique vestige identitaire légué à son enfant. Pour ma part, il est essentiel que mon bébé en porte un.
Em bé sắp ra đời của mẹ, à mon poupon à naître, afin d’éviter des préjugés inutiles, maman part de ce pas à la quête de ton prénom significatif, mais dépourvu de préjugés potentiels.
Image de couverture de Mélina Desrosiers