J’ai toujours su que je voulais être mère. Au plus profond de mes entrailles.

Pour moi, c’était mon projet de vie, avoir des enfants. Je n’avais pas d’ambition autre que celle-là. Il n’y a rien ni personne au monde qui m’aurait empêchée d’en avoir.

Je vous dis que j’étais mieux d’être fertile, hein !

Mais de toute façon, j’aurais pris tous les moyens qu’il aurait fallu pour le devenir. Même que je m’étais fixée l’objectif qu’à trente ans, si je n’avais pas de chum, j’allais me tourner vers les dons de sperme. Oui, j’étais prête à aller jusque-là !

Ça fait que j’ai eu la chance de rencontrer l’homme de ma vie et qu’à mes vingt-cinq ans, j’ai eu mon premier bébé. Ensuite, à vingt-sept ans et le dernier à vingt-neuf ans. Je pense que la vie ne voulait pas que je fasse des enfants pas de père, heureusement, parce que je n’aurais pu demander mieux.

Les premières années de nouveaux parents se sont somme toute très bien déroulées. Des bons bébés qui ont fait leurs nuits assez tôt, des allaitements presque parfaits, des enfants en bonne santé, quoi.

On a vu très tôt la personnalité de notre fille. À huit mois, elle voulait se nourrir toute seule. Elle n’avait pas encore quatre ans que je ne pouvais même plus choisir ses vêtements, sinon c’était la crise assurée.

Plus les années avançaient, plus les batailles étaient difficiles à mener. Des crises pour tout et pour rien. Un simple non pour un biscuit pouvait déclencher l’hystérie. Plus elle grandissait, plus les confrontations devenaient intenses et très difficiles émotivement pour moi.

Des années de combats. Des comportements et des attitudes démesurées et confrontantes, qui souvent sortaient de nulle part.

Ça y est, vous avez le portrait ?

Des soirs et des nuits à pleurer parce que je m’étais trop emportée, parce que mes paroles avaient dépassé ma pensée. Parce que mes émotions avaient pris le dessus sur ma raison.

Au final, la culpabilité. Celle qui ronge le corps et la tête en silence. Celle qu’on ne voudrait jamais ressentir envers son propre enfant, mais qui se fraie un chemin tout doucement, au fil du temps.
Je l’ai ressenti, longtemps, et je la ressens encore.

Nous avons finalement décidé de consulter un neuropsychologue.

Quatre lettres. TDAH avec impulsivité.

Non, mais, pardon ? Est-ce que par miracle, nous venions de mettre un nom sur tout ce que nous avions vécu depuis les dix dernières années ?

Tout s’est expliqué ce jour-là, j’ai repassé le fil de notre vie au grand complet. Mon corps s’est vidé d’un flot de larmes trop longtemps retenu. Le barrage a complètement cédé.

J’ai compris tout ce que ma fille était. Une enfant dépassée par ses émotions, chimiquement impossible à gérer pour elle. J’ai compris que ce n’était pas sa faute.

Quelques jours après l’annonce, au milieu des larmes et d’une danse mère-fille, j’ai senti mon cœur se connecter à elle comme jamais. Comme si d’un coup, tout était oublié et qu’on recommençait du début.

Mais, d’abord, je dois fermer ce livre aux pages écornées, là, tout de suite. Pour elle.

Émilie, Maman te doit des excuses.
Image de couverture de Caroline Hernandez
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