Connaissez-vous CE film d’horreur ? Celui où le personnage principal est au bord de l'accident ? Où l'on détourne le regard pour ne pas voir l'impact ? Eh bien, en 2022, j'ai été l'héroïne de mon propre film d'épouvante.

Après avoir entendu les mots fatidiques « possible amputation », j'ai cru que tout s'effondrait. Mon travail, mes activités, mes passions… TOUT. Heureusement, le médecin a annoncé que seuls ma cheville et mon péroné étaient cassés. Un soulagement ! Je pouvais continuer mon métier. Ah oui, précisons-le : je suis policière.

Les premières semaines

Les premières semaines sont un cauchemar. Étant sous l'emprise de médicaments qui m’empêchent de réfléchir et me déplaçant, avec difficulté, en déambulateur, mon moral n'est pas optimal. Habituée à vivre à cent milles à l’heure, je me retrouve clouée sur un divan, la jambe immobilisée pour éviter un caillot de sang. Deux plaques, huit vis, ma mobilité est réduite à néant.

Mon sommeil est tendu. Je fais des cauchemars. Je me réveille en sursaut, à vrai dire, je sursaute tout le temps. Je revois l’événement dans ma tête, cela semble si réel. J’ai mal, tellement mal à ma jambe. Pourtant, je ne devrais pas avoir mal à ce point, avec la quantité de médicaments que je prends. Je ne ressens aucune émotion, excepté la colère. J’oublie sans cesse des choses qui sont toutefois importantes. Ah, je comprends… Je suis en choc post-traumatique (TSPT).

J’essaie de rationaliser. Je suis en vie, ma jambe est intacte, je vis présentement chez ma sœur en plus de voir mes amis lors de visites.

Pourtant, je ressens un vide au fond de moi. J’ai l’impression que tout cela est injuste. Cela aurait pu être évité. Je suis consciente qu’une décision hors de mon contrôle a été prise et cela a mené à mon accident. J’ai fait mon devoir en tant que policière. J’ai voulu aider un confrère. Je me demande constamment pourquoi ce collègue s'est exposé à un tel danger. Je vis de la colère continuellement. Je pleure trop souvent.

De l’ombre à la lumière

À mesure que les semaines passent, la lumière commence à percer l'obscurité. Les symptômes du TSPT s'estompent. Je réalise que ma carrière ne se terminera pas ainsi. J'ai encore tant à offrir, tant de personnes à aider.

J'ai beaucoup de chance. Actuellement chez ma sœur, je passe mes journées avec mon filleul âgé de seulement six mois. Je le vois grandir, évoluer, on apprend beaucoup l’un de l’autre. C'est une nouvelle expérience pour moi, n'ayant pas encore d'enfant. Ce nouveau rôle me plaît.

Je recommence à marcher, je dors mieux, je suis heureuse. La vraie richesse de la vie réside dans les moments partagés en famille. Je le comprends maintenant. J’ai toujours orienté ma vie sur ma carrière, mettant de côté mon cercle social et ma santé. Je me reconnaissais davantage dans le rôle de policière que dans ma propre identité. Ce que je vis présentement n’a pas été un choix, cela m’a été imposé. Pourtant, j’en suis reconnaissante.

Quand la vérité frappe

Étant remise sur pied, je retourne chez moi, à 250 km de ma famille. Il est temps de retourner travailler après plus d’un an d’arrêt. Je suis contente. Enfin, je crois.

Quelque chose ne va pas. Je dors mal. Je perds mon sourire. Je pleure tout le temps. Je ne me sens pas à ma place. Le travail ne me comble pas comme avant l’événement. Les journées sont longues. J’attends patiemment chaque fin de semaine afin de retourner voir ceux avec qui j’ai partagé ma vie cette dernière année.

Comme une révélation, je prends conscience que ma véritable place n’est pas ici. Elle est là où se trouve ma famille. C'est décidé : je quitte la police. Je quitte cette ville.

L’émergence d’une renaissance

Ma démission est remise. Un nouveau bail est signé. Je suis dans un processus d’embauche policier près de chez moi. Bien que mon embauche ne soit pas encore confirmée, je me sens plus légère que jamais. On entend souvent que rien n’arrive pour rien. Cela n’a jamais été aussi vrai. Je crois sincèrement que cet accident m’a sauvée. Sauvée d’une vie que je pensais aimer. Sauvée de l’illusion du bonheur.

Installée dans mon nouvel appartement, sans savoir ce que l'avenir me réserve, je me sens en paix. Assise à l’extérieur, avec mon ordinateur, j’écris ces lignes. Je regarde mon filleul jouer, me regarder, me sourire. Je suis certaine d'une chose : je suis enfin à ma place.

Image de couverture via Canva
Accueil