Enceinte pour une troisième fois. J’avais 35 ans, deux belles petites filles en santé, un mari, un bon travail. Voilà qu’à douze semaines de grossesse, une échographie démontre que le petit cœur de mon bébé ne bat plus. On me l’a dit froidement, sans détour. On m’a même retourné chez moi. Je devais attendre de perdre le bébé pour qu’on procède à un curetage. Quelques jours plus tard, c’était fait. Je suis rentrée chez moi les bras vides bien sûr, et le cœur lourd. Un deuil lié à une fatalité naturelle.
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La vie a repris son cours et quelques semaines plus tard, je ne sais pas encore aujourd’hui pourquoi, rien n’allait plus pour moi. J’avais un mal intérieur au point où plus rien n’avait d’importance pour moi. Les miens, quand même un peu, mais par devoir. Panique, détresse, incompréhension se sont succédés jusqu’à ce qu’on diagnostique une dépression majeure. Voyons, c’est impossible, pourquoi ? J’avais honte, j’avais mal, j’avais peur. C’est alors que la valse des commentaires des biens pensants a commencé. Allons, voyons fais un effort. Tu as de beaux enfants, un bon mari, etc. Je voulais hurler. Je n’avais pas perdu la tête. Je voyais tout ce qu’il y avait autour de moi. J’étais malade. Parce que oui, c’est une maladie et elle se soigne. Il aurait été préférable que j’aie le cancer pour qu’on sympathise.
Avec l’aide de mes proches, j’ai consulté. On m’a soignée. Le processus a été long. Je travaillais quand même, la mort dans l’âme. J’ai aimé mes filles de toutes mes forces, mais j’ai perdu des amies. Elles étaient démunies, me disaient-elles, face à ma maladie invisible. Elles ne voulaient pas de vraie réponse à la question : comment ça va ? Vingt ans plus tard, je vais très bien. Je demeure fragile. Je suis hypersensible et je prends les choses à cœur. Et surtout, je sais que je ne veux plus JAMAIS vivre cela à nouveau. Je préférerais accoucher encore trois fois. Trois parce que j’ai eu une troisième magnifique fille. J’ai une bonne hygiène de vie, j’évite les conflits et je m’entoure de ceux que j’aime.
La réponse à la question : Comment ça va? Qui semble être devenue routinière et sans intérêt est d’une importance capitale. Si on ne veut pas écouter la réponse, aussi bien ne pas poser la question.
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