** Traumavertissement: Suicide, santé mentale. Des ressources d’aide sont listées à la fin de cet article.

J'ai longtemps hésité à coucher mes idées sur papier, à écrire ces lignes entre deux larmes qui roulent sur mes joues. Depuis ma première dépression, j'ai toujours ressenti le besoin d'être forte, de servir d'exemple. Encore aujourd'hui, rares sont les personnes qui connaissent les causes de mon mal-être. Tout en faisant le choix de me taire, j'ai aussi fait le choix d'être optimiste. Chaque fois que j'écrivais dans ma vie, c'était pour offrir un message d'espoir, une lumière pour tous ceux qui s'étaient perdus en chemin et dont l'obscurité les étouffait.

Je ne voulais pas être un fardeau, une ombre dans le bonheur des autres. Au contraire, je voulais contribuer à ce bonheur. Mais je ne pouvais y arriver qu'en embellissant mon histoire. Peut-être que si je relâchais quelques lucioles dans ce long tunnel sombre, la route serait moins pénible. J'ai toujours parlé de ma dépression comme quelque chose qui appartient au passé et dont je me suis relevé. Comme si je l'avais mis K.O il y a quatre ans et qu'elle n'avait jamais réclamé sa revanche.

Lumières dans le noir

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La vérité, c'est que je choisis tous les jours de rester en vie. Certains jours, je parviens à être heureuse. À me dire que ça va aller, que j'ai enfin dépassé les peurs qui m'habitent. Que plus rien ne pourra venir déranger ce bonheur auquel je tente désespérément de me raccrocher. Tous les jours, je choisis de rester en vie.

La plupart du temps, l'orage fait rage quand je suis seule, parfois pendant plusieurs jours. Ça gronde de partout, et je n'arrive pas à calmer la tempête qui m'accable. J'ai l'impression d'avoir été frappé par la foudre. Incapable de bouger, je manque d'air. Je pose la main sur mes pots de médicaments, bien en vue, si facile à atteindre. Une solution facile. Je pose les yeux sur mon rasoir, si accessible. Mais, chaque fois, je puise à l'intérieur de moi pour trouver une force que je ne comprends pas.

Je saisis finalement mon téléphone et compose le numéro de SOS suicide pour une troisième fois, je passe la nuit à l'urgence psychiatrique à essayer de répondre à des questions dont je n'ai pas la réponse. Depuis ma première dépression, on m'a catégorisée comme étant impulsive. Je peux vivre une journée parfaitement normale jusqu'au moment où je dois traverser la rue et que j'hésite à me lancer devant une voiture. Chaque fois que je traverse la rue, je choisis de ne pas mourir.

Seule le soir, je refuse de m'épancher sur mes états d'âme avec mes nouveaux amis. S'ils sont près de moi, ils ne me connaissent pas vraiment bien. Ils ne m'ont jamais ramassé en morceaux quand j'étais en crise, ils ne savent pas pourquoi je manque continuellement d'air pour respirer. Parfois, quand je suis roulée en boule dans mon lit en attendant que l'angoisse passe, je me surprends à espérer que l'un d'eux débarque chez moi sans prévenir, sans que j'aie à les appeler, avec une boîte de kleenex et un pot de crème glacée.

J'ai envie de parler avec mes meilleurs amis, ceux qui sont loin, mais composer leur numéro et me vider le coeur par téléphone n'a jamais vraiment été mon truc. J'ai surtout besoin qu'on me prenne dans ses bras en me disant que ça va s'arranger, et que je suis assez. Que ma disparition serait remarquée, que j'ai de l'importance.

Fille couchée chandelle vie

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Alors non, ce n'est pas vrai que je suis complètement remise de ma première dépression, ni de la deuxième, mineure mais pas moins importante. De surface, j'ai l'air d'aller bien. Et je dis que ça va, parce que c'est vrai. Tout dans ma vie fait du sens en ce moment, et je n'ai pas à me plaindre. Mais alors qu'est-ce que je fais pour combler le vide qui me bouffe de l'intérieur ?

Je vais bien, mais pas tous les jours. Pourtant, chaque fois que les idées suicidaires cognent à ma porte, je décide de leur tourner le dos. Tous les jours, je choisis d'être en vie. Et pourquoi ?

J'ai peur qu'à force de les repousser, je perde de mon énergie. J'ai peur de ne plus avoir la force de leur tourner les talons. Et pourtant, je continue de faire des projets et de penser à l'avenir. Je croque dans la vie à pleines dents, comme on dit. Je saisis chaque opportunité qui passe. Mais j'ai continuellement peur de devoir affronter mes angoisses le soir venu et de perdre la bataille.

Donc voilà cette vérité qui est si difficile à exprimer, peut-être encore plus à entendre. Chaque jour, je fais le choix de vivre. Et j'espère faire ce choix jusqu'à mes cent ans. J'ai tant à offrir et à recevoir de la vie. En attendant, je rêve la nuit du silence de ma maison, de l'absence de ces trois coups à la porte qui me font tant paniquer. Et je choisis de vivre. Encore et encore.

Océan vie main artifice

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