J'ai fait le choix il y a longtemps de m'établir dans mon coin de pays. C'est plutôt tranquille et j'ai la chance de contempler de merveilleux paysages et ce sans même sortir de chez moi. Les gens de la grande ville se bousculent chaque fin de semaine pour en profiter et repartent chaque dimanche comme ça a toujours été. Les gens de passage ont pour la plupart toujours été respectueux. Mais ça, c'était avant la Covid. Maintenant, j’ai l’impression que ce qui faisait la beauté de notre village a pris le bord avec les touristes et les très nombreux nouveaux résidents. Je n'ai rien contre la nouveauté, mais je trouve que le prix est cher à payer tant en argent qu'en tranquillité.
Avant, tout le monde se connaissait et même si j’avoue n’avoir jamais cherché m'intégrer, il reste que cette proximité entre les résidents créait une ambiance unique et sécurisante. Il y a une différence prononcée entre nous et les résidents des grandes villes où c'est chacun pour soi. Ici, l'entraide y est plus présente et les gens sont assurément moins stressés. La plupart ont choisi une qualité de vie plutôt que l'argent que pourrait apporter de vivre plus près des opportunités d'emploi. Les seuls bouchons de circulation qu'on connaissait, au moins, on savait les éviter en sachant quand les visiteurs arrivaient et partaient. Maintenant c'est chaque jour et à n'importe quelle heure. Et on se retrouve avec les désagréments d'une ville urbaine sans les privilèges qui viennent avec.
Depuis cette pandémie, trouver un coin de verdure pour se ressourcer est devenu une denrée rare. Pourtant ce n'est pas les endroits qui manquent, mais on est beaucoup plus qu'avant. Il y a du monde au pouce carré et le silence de la nature s'en est allé. La magnifique vue qu'on avait est souvent tronquée par les tonnes de déchets laissés sur place sans aucun respect. Je ne sais pas ailleurs, mais ici les gens trouvaient les poubelles facilement. Mais ça, c'était avant... C’est peut-être moi qui suis trop sensible, mais je trouve que la bienveillance et la paix que je retrouvais dans mon coin perdu diminuent de jour en jour et ça me déstabilise. Je dois m'adapter à cette nouvelle réalité et si je ne désire pas le faire, il me reste l'option de partir. Et j’y pense. Je cherche, mais je n'ai pas encore trouvé. Parce que ce n'est plus si facile à présent.
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Auparavant, on pouvait acheter une maison à un prix raisonnable et se loger sans chercher pendant des mois. Maintenant, il ne reste AUCUNE maison sur le marché. Elles ont été vendues dans les derniers mois à des prix exorbitants. La plupart ont été achetées, mais sont relouées à profit en tant que chalet, au mois ou à la semaine. Les appartements en location sont devenus inexistants et ne sont plus accessibles à ceux qui sont moins fortunés. Les proprios ont l'embarras du choix puisque les gens de l'extérieur offrent de payer plus cher que le montant demandé. Il y a même des surenchères avant même d’avoir visité.
Quand on fait le choix de vivre ici, on compose avec les moins bons côtés. Être éloigné de sa famille et de ses amis en fait partie. Avoir moins de services et payer un peu plus cher les choses courantes de la vie. Ça m'importait peu avant. Mais, si je n'ai plus les moyens de m'acheter une maison, que les cours d'eau sont envahis et pollués, qu’il faut patienter une heure de plus en voiture pour rentrer chez soi et que je ne peux plus me trouver un coin tranquille pour apprécier la vue dans le silence apaisant de ma campagne, je ne sais plus ce que je fais ici. Je n’ai pas non plus le goût de devoir m'exiler encore plus loin quoique ça me traverse l'esprit de plus en plus souvent.
Je ne peux en vouloir à tous ces nouveaux venus d’avoir déserté la folie métropolitaine. La Covid aura eu ça de positif, j'imagine. Prendre conscience que la vie ne se résume pas seulement à travailler, courir et faire des heures de route la fin de semaine pour venir décompresser dans des villes comme la mienne où le calme et la beauté des paysages ont le pouvoir de calmer les plus tourmentés. La vie continue malgré les bouleversements des derniers mois et s’adapter demande du temps. Et si je n'y arrive pas, il n'en reste qu’à moi de choisir si je reste ou pas.
Et même si je dois partir loin d'ici, ça me va. Ce sera un nouveau défi et qui sait, le début d’une nouvelle aventure. Je me trouverai bien un nouveau coin de paradis. Un endroit où régnera le calme et la paix qu'on retrouvait ici avant. C'est ce dont j'ai besoin pour vivre ma vie telle que j’ai besoin qu’elle soit.