** Traumavertissement: fausse couche. Des ressources d’aide sont listées à la fin de cet article.
Je me souviens des papillons que j’avais au ventre lorsque j’ai vu la deuxième ligne apparaître sur le bâton. Un mélange de pur bonheur et d’angoisse à l’idée que j’allais devenir mère pour la première fois.
Un soulagement, aussi. La mauvaise humeur et la fatigue intense des derniers jours avaient une explication.
J’ai rapidement commencé à chercher sur le web quelles étaient les prochaines étapes. La liste de choses à faire semblait s’allonger sous mes yeux. Il fallait, sans plus attendre, m’inscrire au service Ma Grossesse, trouver un médecin pour le suivi, ajouter bébé à la liste d’attente pour une place en garderie, etc.
Chéri et moi, on était sur un nuage tous les deux. On avait tellement hâte de l’annoncer à nos proches, le secret devenait de plus en plus difficile à garder. On lisait partout qu’il fallait attendre trois mois pour en parler. On avait tout planifié : la tasse pour grand-maman, le montage photo mignon pour le groupe Messenger Familial, le souper à la maison avec les amis.
J’attendais mon premier suivi de grossesse avec impatience. On allait entendre le cœur du bébé pour la première fois, un moment unique !
Lors du rendez-vous, tout déboula rapidement. Les questions sur nos antécédents familiaux, sur mes symptômes et sur mes habitudes de vie. Après cet interrogatoire, on me fit allonger sur la table d’examen pour écouter le cœur avec un petit appareil portatif. Le sourcillement du médecin et la pression croissante qu’elle exerçait sur mon bas-ventre devenaient inquiétants. Elle s’arrêta net. Il fallait aller à l’hôpital pour passer plus d’examens. Maintenant.
Dans la voiture vers l’hôpital, j’étais figée.
Je ne pouvais pas parler. Arrivée sur place, on me fit une prise de sang avant de m’envoyer passer une échographie. Il y avait bel et bien un petit, trop petit, embryon. Avec les mots « viabilité incertaine », on me renvoya à la maison en me demandant de revenir dans une semaine. J’aurais aimé plus d’explications, mais je comprenais ce qui se passait. Mon petit monde s’écroulait.
Une semaine plus tard, on répéta les mêmes examens.
Rien n’avait changé, mis à part mon taux d’hormones de grossesse qui avait légèrement chuté. La gynécologue me rencontra finalement et m’expliqua la situation. C’était une fausse-couche manquée. Mon corps ne réalisait pas encore tout à fait que le petit embryon en moi avait cessé de se développer. Trois options s’offraient à moi : attendre (encore), prendre de la médication ou subir un curetage. En discutant avec la spécialiste, j’ai choisi la 3e option. Je ne voulais pas attendre davantage, mon mental n’en pouvait plus.
Je me suis demandé pourquoi et comment cela m’arrivait. Qu’est-ce que j’avais pu bien faire?
J’ai entamé une quête et multiplié les recherches Google, mais la réponse est que ce n’était pas ma faute et que c’était beaucoup plus fréquent que je ne le croyais (environ 10 à 15% des grossesses). Pourquoi personne n’en parlait? Pourquoi avais-je l’impression d’être la seule à vivre ça ? Je compris rapidement que c’était un sujet tabou et que les « futurs parents » qui traversent cette épreuve le faisaient dans le silence.
Si on nous recommande d’attendre 15 semaines pour annoncer une grossesse, c’est bien à cause de ce risque, mais alors, lorsque ça se passe mal, on se retrouve sans filet autour de nous. Je ne voulais pas vivre mon deuil dans le mensonge en inventant des raisons de m’absenter du travail ou pour manquer des activités sociales. J’ai choisi de nommer ce que je vivais. En retour, j’ai reçu énormément de compassion. On a accepté que je prenne une pause ; on comprenait que je vivais quelque chose de difficile. J’ai également eu droit, parfois à demi-mot, à plusieurs témoignages de femmes qui étaient passées par là également. Ça m’a aidé à réaliser que je n’étais pas seule et qu’il y avait de l’espoir.
Si toi aussi tu passes par cette épreuve, tu n’es pas seule. Sache que jamais tu ne devrais avoir honte de ce qui t’est arrivé et que tes émotions sont valides. On n’oublie pas l’orage, mais le soleil finit par revenir...
Ressources
- SOS Grossesse (1 877 662-9666)
- Pour les jeunes, il est possible de clavarder avec un professionnel de Tel-Jeunes par courriel, ou par téléphone en composant le 1-800-263-2266
- Pour tous, il est possible de communiquer avec Tel-écoute par téléphone au 514-493-4484 (Grand Montréal), ou auprès de Tel-Aide par téléphone au 418-686-2433 ou, sans frais, au 1-877-700-2433 (Capitale-Nationale, Bas Saint-Laurent, Gaspésie, Île de la Madeleine). Pour connaître le centre d’écoute de votre région, consultez l’Association des Centres d’Écoute Téléphonique du Québec.
• • Aire ouverte (services pour les jeunes de 12 à 25 ans): Aire ouverte est présentement disponible pour Laval, le Nord-de-l’Île-de-Montréal et Sept-Îles. D’autres points de services verront le jour prochainement.à
Image de couverture de Claire Kelly