Je viens de terminer la lecture d’un livre.
Il y a eu un temps où je prenais en note chaque livre lu durant l’année. Je me dressais une liste, par mois, et j’essayais de battre mon record d’une fois à l’autre. Il me semble que j’avais déjà atteint la quarantaine de livres lus en 2016! J’avais alors seize ou dix-sept ans, dans ma dernière année au secondaire. D’ailleurs, au secondaire, on me voyait toujours avec un livre à la main, comme un accessoire de mode dont je ne pouvais me départir. En cours, les enseignants me reprochaient parfois de ne pas prêter attention à la leçon, alors que je dévorais les chapitres d’une histoire mille fois plus intéressante. En voyage, je ne pouvais me contraindre à n’apporter qu’une seule lecture, j’en avais toujours deux ou trois sous la main. Lors d’un trajet en voiture, même si celui-ci ne durait que cinq minutes, je traînais toujours un compagnon de papier avec moi.
J’ai lu mon premier « vrai » roman en 2e année, je crois.
« Les chevaliers d’Émeraude », d’Anne Robillard (les vrais savent!) Je n’ai vraiment pas tout compris dès le début, je passais souvent les grandes lignes de description pour passer directement aux dialogues, mais cela n’enlève rien au fait que j’adorais me plonger dans cet exercice mental qu’est la lecture. C’est une passion qui n’a cessé de grandir avec moi, et que j’ai partagée avec ma grande sœur. Nous discutions souvent de nos lectures, allant même jusqu’à nous inventer nos propres histoires, dessiner des cartes de nos propres mondes imaginaires et faire des esquisses des personnages de ces aventures. Par la bande, j’ai donc non seulement développé un certain talent pour le français et la littérature (pas pour le dessin, tristement, je dois laisser ce talent à ma sœur!), j’ai également développé une imagination débordante et un grand émerveillement pour tous ces mondes, ces personnages et ces créatures découverts dans mes lectures.
Ma sœur, même passé notre secondaire, a continué dans cette voie et l’a rendue de plus en plus concrète, écrivant peu à peu un récit, qui devint une trilogie, qu’elle a publié à titre d’autrice. Elle lit d’ailleurs encore abondamment, n’ayant pas de limites quant à la quantité de livres qu’elle achète chaque année, si ce n’est que de la place qui commence à manquer dans ses (oui oui, au pluriel) bibliothèques. Dans mon cas, sans trop m’en rendre compte, j’ai malheureusement troqué mes livres fantastiques contre une histoire beaucoup plus concrète et terre à terre : la mienne. Mes études ont pris le dessus sur cette passion que j’avais. Elle s’est d’abord fait engloutir par des soirées de devoirs et d’étude, des soirées de « party », puis peu à peu par les divers écrans qui ont pris beaucoup de place dans mon quotidien. À la manière d’un muscle qui arrête d’être utilisé, mon cerveau perdit l’habitude de voir des mots, de leur donner du sens et de faire jaillir des images dans ma tête à partir de ceux-ci.
J’ai souvent déploré cette situation, sans pour autant y remédier, par « faute de temps », que je me disais.
La vérité, c’est que j’avais tout simplement perdu l’habitude. J’avais oublié les sentiments que je ressentais à la lecture d’un bon vieux livre. J’avais aussi, peut-être inconsciemment, l’impression que, si je me relançais dans cette passion, qu’elle me montrerait que ce que je lis n’est pas la réalité, et que celle-ci s’avère beaucoup plus décevante que prévue. C’est vrai, maintenant que je m’aventure dans cette vie adulte quelque peu imposée, je réalise qu’elle ne me plaît pas tout à fait. Travailler dur, payer des trucs, essayer de se forger un avenir à la hauteur de ses attentes, tout en étant limitée par son portefeuille, et les mille et une paperasses qui arrivent en cours de route, ce n’est pas exactement ce que je souhaitais lorsque je m’imaginais « grande ».
Mais récemment, à mon anniversaire de vingt-quatre ans, ma sœur m’a offert un livre. Un mois plus tard, à coup de périodes de lecture avant l’heure du dodo, dans le bus en me rendant au travail, j’ai achevé ce livre. Et je ne m’étais pas sentie ainsi depuis bien longtemps. Mon cerveau s’est comme réveillé, les rouages de mon imagination se sont mis en marche, et je me suis plongée tête première dans un nouvel univers. Un prince et une princesse, des combats, de la traîtrise, de la fidélité et de l’amour, un royaume menacé…
Ça m’a réellement donné envie de recommencer, de me trouver du temps dans mon horaire un peu chargé pour lire, et ainsi prendre une pause du brouhaha de la vie réelle. Ça m’a aussi ramenée aux sources, ça m’a rappelé pourquoi j’aimais autant ça, et, dans un certain sens, ça m’a aussi rappelé qui j’étais, moi qui m’étais un peu perdue en cours de route (un peu dramatique, je vous l’accorde, mais tout de même vrai, dans une certaine mesure). Je vais très certainement continuer dans cette voie.
Peut-être même que je vais me refaire une petite liste, qui sait?
Image de couverture de Radu Marcusu