Qu’est-ce qui me vient à l’esprit lorsque je pense au Colisée? La grandeur et la majestuosité de la Rome antique? Une prouesse architecturale, répliquée par la suite sur l’ensemble des amphithéâtres de l’empire? Ou bien un simple gros tas de pierres qui, contrairement à bien d’autres ruines de la ville, arrive à se tenir correctement?
La première fois que j’ai vu le Colisée, je m’en souviens comme si c’était hier. On descendait la via Cavour à partir de Roma Termini. On savait qu’au bout du boulevard, sur notre gauche, on allait trouver le célèbre monument. Si nous étions excités? Nous avions tous en tête le célèbre Strength and Honor , et on ne demandait que de pouvoir fouler de nos propres pieds l’arène mythique.
C’est alors que je le vis. Par « surprise ».
Il se dressait là, comme si de rien n’était, paisible et imposant.
Il faut dire que c’est un édifice agréable à regarder visuellement. Du moins extérieurement. De forme ovoïde, il est haut d’une cinquantaine de mètres. Sa façade extérieure possède quatre niveaux. Si vous en faites le tour, vous remarquerez qu’une partie de cette façade à été détruite. Nous vous fiez pas aux albums d’Astérix ; s’il est ainsi abîmé, c’est suite à un tremblement de terre, voire plusieurs. Mais entre nous, je le trouve en assez bon état, deux mille ans après.
L’intérieur est beaucoup moins intéressant. Il ne reste plus rien de la magnificence de l’époque. L’arène d’origine, au centre de l’ovale, a complètement disparu. Les sièges de marbre, les colonnes, les statues, tout a été vandalisé et volé. Les nombreux sacs de la ville par les Wisigoths et les Vandales n’ont pas aidé à la cause.
Comment leur en vouloir, à ces peuples, d’avoir saccagé ce symbole suprême de la violence? Cet endroit, mille fois maudit, témoin malheureux de combats d’animaux sans fin, d’exécutions à mort de condamnés (et je peux vous garantir qu’il y en avait), de reconstitutions de batailles célèbres avec de vrais morts (le réalisme était poussé jusqu’à son bout), et bien évidemment de combats de gladiateurs. Même si les combats à mort entre les gladiateurs n’étaient pas fréquents, toujours est-il qu’il y en avait.
Ce que je pensais alors du Colisée? Malgré toute la « beauté » du site, celui-ci n’arrivait pas à changer cette presque envie de nausée qui m’envahissait de plus en plus. D’ailleurs, si on y pense quelques instants, après les camps d’extermination nazis, le Colisée est probablement le plus grand lieu tragique de l’histoire de l’humanité.
C’est alors que je surpris une anecdote d’une des guides qui présentait le site à des touristes. Je retranscris ici au mieux ce que mes oreilles ont entendu cet après-midi là :
« L’histoire du Colisée, et l’histoire romaine en général, est empreinte d’une violence inouïe que l’on jugerait impensable aujourd’hui. D’ailleurs, l’évolution de la violence à travers l’histoire de l’homme est un sujet assez intéressant.
Cette violence extrême n’empêche pas que parfois, alors qu’on s’y attend le moins, des lueurs de bonté surgissent. Le premier combat de gladiateurs au sein du Colisée est un de ces rares moments de répit au sein de cette période violente. Il impliquait deux gladiateurs : Priscus et Verus.
Ce combat présente une double particularité. La première, c’est celle d’être le tout premier affrontement de gladiateurs lors des jeux d’ouverture pour l’inauguration Colisée. Vous pouvez facilement imaginer l'engouement du peuple romain face à un tel spectacle. Cinquante mille personnes, qui ne demandaient qu’à voir du sang, et César qui ne cherchait qu’à plaire au peuple.
La seconde, c’est que ce combat se termina par un match nul. Priscus et Verus étant de forces égales, et aucun des deux n’arrivant à porter le coup fatal à l’autre, Titus, césar alors, décida de les départager de la manière suivante : en les déclarant tous deux vainqueurs. À la grande joie de la foule déchaînée dans les estrades.
C’était du jamais vu, et jamais plus on ne revit telle chose.
Pour récompense, Titus leur octroya leur liberté. Ils devinrent citoyens romains, un statut hautement privilégié. »
Source image: Unsplash
Cette anecdote me fit rappeler, malgré toute l’adversité et la cruauté que les gens peuvent afficher dans la vie de tous les jours, qu’il est toujours possible de les attendrir et de leur inspirer un peu d’empathie. Qu’il y a toujours un moyen. Comme l’ont fait ces deux gladiateurs il y a plus de deux mille ans, faisant face alors à une foule qui attendait joyeusement le trépas de l’un d’eux.
Et que dans cette vie, il n’y a pas forcément que des perdants. Nous pouvons être victorieux, ensemble.
Finalement, le Colisée, c’était bien.
Ci-dessous, un fragment du poème de Martial qui relate l’histoire de Priscus et Verus :
Tandis que Priscus et Verus, chacun, prolongeait le combat,
Et que depuis longtemps, la bataille de chaque côté était égale,
Des voix s'élevaient à ces deux hommes pour qu'on les libérât.
Mais César suivait sa propre loi.
Ce fut le moment de se battre sans bouclier lorsque son doigt se leva.
Une fin fut trouvée par division à parts égales.
Égaux aux combat, égaux au final.
César leur donna épée de bois et palmes à chacun,
Leur courage et leur force reçurent leur prix.
Cette histoire s'est déroulée seulement sous ton règne, César,
Dans lequel deux se battirent et deux furent victorieux.