Je suis anxieuse. Les activités les plus banales de la vie me stressent, comme prendre le bus ou décider en quoi je vais me déguiser pour l’Halloween cette année.
J'aime être en contrôle. J'aime être capable de prédire ce qui va se passer. Les situations nouvelles me stressent: l'inconnu, le changement. Toutes des choses avec lesquelles je n'ai pas fini de composer si je veux évoluer en tant qu'humaine.
L'anxiété, pour moi, est un sentiment qui grandit, une bête vorace qui sommeille en moi et qui se réveille quand un facteur plus ou moins stressant surgit sous mes yeux. Et je vois noir. À ce moment précis, la Terre pourrait bien être en train exploser.
Je suis une fille intelligente, rationnelle, mais en période de crise, je ne vois plus rien. Je suis aveuglée par l'obscurité; ma vision est compromise par d'immenses ornières qui m’empêchent de voir toute solution, issue, positivité. Je deviens incapable de relativisation, de recul, de pensée logique. C’est un trou qui m’avale, la bête qui rugit, ma tête qui tourne à 100 000 à l’heure comme une voiture de course.
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Attention à ne pas te mettre sur mon chemin, car je pourrais bien te submerger.
Le stress est un mécanisme de défense. Je l’utilise un peu trop bien. Parfois, j’ai cette tendance toxique à trop réfléchir à des situations simples qui ne méritent pas d'être compliquées. Je donne alors naissance moi-même à mon anxiété, dans un contexte où elle n’est pas sollicitée, comme les réactions des gens qui m'entourent sur lesquelles je n’ai aucun contrôle, une situation future pour laquelle je ne peux rien faire présentement ou une situation passée que je ne pourrai jamais changer. L’anxiété n’est jamais le présent, elle n'est jamais le maintenant, elle m’empêche de vivre et de profiter du moment où je me trouve pour me projeter à dans des semaines ou des mois.
Je m’attends toujours au pire, même si je sais logiquement que cette issue est possible à 0.01%. Si je m’attends au pire, je ne peux pas être déçue. Je ne peux qu’être agréablement surprise. Mais en attendant la surprise, l'évènement qui me contredira immanquablement, ce n’est pas une manière de vivre. Ce n’est pas une manière de vivre que d’attendre l’échec à chaque coin de rue, d'anticiper la perte de tous ceux qui font partie de ma vie à chaque moment passé ensemble ou de prédire le fiasco.
C'est cette négativité par défaut, ce doute constant qui me rend dépendante des autres. J’ai besoin d’une vision extérieure où je réalise à quel point mes idées d’anxieuse relèvent de la folie, à quel point elles sont insensées. J’ai besoin que quelqu’un m’empêche de nourrir la bête, qu’elle relativise et réfléchisse objectivement pour moi. Car dans ces moments, je suis faible, inutile, impuissante. Je n’ai qu’à me laisser consumer, me laisser engloutir par le sentiment anxiogène de perte de contrôle.
J’attends. J’attends que le souffle de la bête avide ralentisse, qu’elle se recroqueville doucement au fond de moi où elle restera tapie jusqu’à la prochaine tempête.
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Elle se rendort; je dédramatise. Ma vision m'est redonnée, je vois que ma peur était infondée et complètement irrationnelle. La Terre continue de tourner, mon univers ne s’est pas effondré. On est correct. Le monde ne va pas exploser. Je ne vais exploser.