Série de textes pour la semaine de prévention du suicide - 30 janvier au 5 février
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Traumavertissement : Mention de suicide
En cette semaine de la prévention du suicide, j’ai décidé de décrire une vision qui, à mon avis, manquait à la place publique et est plutôt absente des médias : les répercussions de ce tsunami qu’est le suicide.
Dans cette série de textes en 7 temps, je vous raconterai les 7 perspectives d'un même événement, dont celle d'Anaëlle. Voici celle de son oncle.
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Je regarde la télévision avec ma blonde, relax. Je reçois un message de mon frère dans lequel il me demande de prendre Anaëlle à la maison le lendemain. Il m'explique qu'elle s'est claquée des médicaments, que ce n'est pas fatal, mais que le geste était là.
Mon cerveau prend littéralement deux bonnes minutes à assimiler l'information. Mes pensées passent de la panique, à la recherche d'une solution, à essayer de savoir ce qui s'est passé au comment je vais annoncer le tout à ma conjointe, qui a perdu sa sœur, suicidée.
Je demande à mon frère s'il est au courant des raisons qui ont poussé Anaëlle à commettre ce geste. Il me dit qu'elle n'a pas donné de détails précis.
Je dois l'annoncer à ma blonde. Je ne suis pas certain comment.
Je lui sors tout d'un coup et je mentionne qu'on ira chercher la p'tite le lendemain. Vu la situation, je lui dis que ce pourrait être plus facile pour elle de parler à Anaëlle...
J'ai passé le reste de la journée, de la soirée et même de la nuit à me demander ce qui peut pousser une personne aussi jeune à en arriver là. Puis, au beau milieu de la nuit, ça me frappe de plein fouet.
Je me suis imaginé une vie sans Anaëlle.
Je n'ai pas d'enfants. J'en voulais, mais ma conjointe était catégorique sur le sujet. Je me suis lancé en affaires environ un an après la naissance de la p'tite. Tous les vendredis, mes parents allaient chercher Anaëlle et Chloé à la garderie et les gardaient chez eux pour la fin de semaine. Je terminais toujours mes journées à midi pour aller voir les filles, jusqu'à ce qu'elles commencent l'école.
Par la suite, ma mère organisait des brunchs le samedi. On y voyait les filles jusqu'au décès de ma mère en 2017. Je donne ces détails pour vous faire comprendre le lien que j'ai avec elles.
Je ferais tout pour elles, sans aucune hésitation et j'en pleure en écrivant ces lignes.
Le lendemain matin, on est chez mon frère vers neuf heures. Anaëlle me donne l'impression d'être au neutre. Je voudrais la prendre dans mes bras, mais je ne sais pas si c'est un move de mononcle qui sera bien reçu. On décide d'aller déjeuner au restaurant. Sans entrer dans le vif du sujet, ma conjointe et moi essayons de tâter le pouls et de prendre de ses nouvelles. On a droit à quelques réponses, même quelques rires. Mais était-ce un masque?
De retour à la maison, j'ai laissé ma conjointe faire 90% de la conversation, sans que ça ait l'air d'un interrogatoire. Je ne savais tout simplement pas quoi dire. Comment lui faire comprendre à quel point elle est importante pour nous, pour moi. J'ai dit quelques phrases en essayant d'y mettre un peu d'humour, mais je ne suis pas très bon. Ma blonde fait un superbe travail, donc je préfère me la fermer!
La journée passe ; on regarde des films et on jase, une fois de temps en temps. Pendant tout ce temps, j'analyse tout ce que Anaëlle dit. Nous n'avons que des brides sur les évènements de sa vie et sur ce qu'elle trouve difficile. Elle nous mentionne qu'il y a quelque chose de plus gros, mais qu'elle ne veut pas nous en parler. On respecte ça, pas le choix, mais je ne peux m'empêcher de penser au pire. Julie lui mentionne d'en parler avec un adulte de confiance et de ne pas garder ça.
Plus tard, on a su qu'elle en avait parlé à quelqu'un d'autre. On ne sait pas qui.
Le soir venu, on décide d'aller rejoindre ses parents et sa sœur dans un restaurant. Tout au long de la soirée, je ne pouvais m'empêcher de penser et regarder Anaëlle. Tout avait l'air tellement normal, presque comme si rien ne s'était passé.
Ça m'a fait très peur. Quand je la reverrai, est-ce que je serai capable de deviner si elle va bien ou pas? Probablement pas.
À la fin de la soirée, dans le stationnement du restaurant, je me suis permis de la prendre dans mes bras. Je lui ai dit qu'elle pouvait m'appeler ou m'écrire à toutes heures du jour ou de la nuit. Que je serai toujours là pour elle et pour sa sœur.
Depuis ces évènements, il n'y a pas une journée où je ne pense pas à Anaëlle et Chloé. Lorsque je les vois, il y a toujours une part de moi qui se demande si ce que je vois et ce qu'elles me montrent est vrais ou n'est-ce qu'une façade... Et je n'ai aucune façon de le savoir. Ce sont deux jeunes filles très différentes, mais tout aussi extraordinaires.
Même si je les vois moins souvent qu'avant, j'ai très hâte de voir quel genre d'adulte elles deviendront.