J’ai 4 ans. J'assiste à mon premier cours de danse. Un cours de ballet et de claquette. Avec sa grâce et sa bonne humeur, c'est ma professeure Amanda qui m'a donné la piqûre de la danse. Elle était cheerleader des Alouettes.

J’ai 8 ans. Je commence les cours de ballet pour les grandes. Mélanie est ma nouvelle professeure. Je suis loin d'être la plus gracieuse, mais elle me pousse toujours à m'améliorer. Mélanie était capitaine des cheerleaders des Alouettes.

J’ai 14 ans. Je rencontre Audrey à un camp de danse qui a le même rêve que moi. Elle aussi, depuis des années, veut devenir cheerleader des Alouettes.

J’ai 18 ans. J’ai enfin l’âge de me présenter aux auditions. Audrey n’y est pas. Mais moi, je fonce dans cette nouvelle expérience. Je ne suis pas choisie, mais je me rends loin. Je suis fière de moi. Cette soirée-là, je dis à mes parents: « Ce n’est pas une question de “si”, mais bien de “quand”. Un jour, je serai cheerleader des Alouettes. »

J’ai 21 ans. Je me présente pour la troisième fois aux auditions. J’ai enfin réussi à faire ma place au sein de l’équipe. Mon rêve de petite fille se réalise. Je suis enfin cheerleader des Alouettes.

J’ai 25 ans. J’ai vécu quatre belles saisons avec l’équipe. Aujourd’hui, j’ai su que je n’en ferai pas partie cette saison. L’équipe ne revient pas cette année. Il n’y aura plus de cheerleaders des Alouettes.

Ça, c’est mon histoire. Mais c’est également l’histoire de plusieurs centaines de jeunes qui ont voulu ou qui ont fait partie de l’équipe. Ayant fait de la danse toute ma vie, faire partie de l’équipe était plus qu’un rêve. Au final, c’est la seule équipe de danse professionnelle au Québec. Ou plutôt, c’était.

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J’ai voulu en faire partie de cette équipe et je pensais savoir dans quoi je m’embarquais, mais non. Personne n’aurait pu me préparer à toutes les belles expériences que j’y ai vécues. La première étant de rencontrer un groupe de femmes (puis d'hommes qui se sont rajoutés par la suite) plus soudées que jamais. Le #GirlPower, c’était ce qui nous représentait le mieux, commençant par Annie Larouche, la coach. Annie, je pourrais écrire un texte complet sur à quel point elle a été marquante pour nous tous. Si jamais vous croisez son chemin, votre vie en sera améliorée assurément. Croyez-moi sur parole.

Et si vous pensez que ça ne peut pas être si beau que ça, eh bien oui. C’est si beau que ça. Julie a célébré sa 15e saison sur l’équipe en tant que danseuse. 15. C’est un record Guinness, je vous l’assure. Puis, les autres qui la suivent de près en étaient à leur 14e, 13e, 11e, 9e saison… Vous voyez le genre? Donc non, ces filles-là ne seraient pas restées aussi longtemps si ce n’était pas de l’atmosphère sain et aimant qu’a réussi à créer Annie.

En plus des heures passées à pratiquer notre sport et à performer sur le terrain, il y avait toutes les heures passées dans la communauté. Visites dans les hôpitaux et à Moisson Montréal, sorties et conférences dans les écoles, camps de Cheer Jr pour les jeunes, etc. Cette dernière activité a, pour moi, toujours été mon moment préféré de l'année. Il n'y a pas de meilleur sentiment que de voir ces jeunes avec les mêmes étoiles dans les yeux que j'avais à leur âge. La relève, quoi. Espérons qu'ils auront la même chance que moi un jour...

Puis, il y a deux ans, l’équipe a accueilli des cheerleaders « stunts ». Tsé comme ceux qu’on voit dans les films (allô Bring It On). Avec la montée fulgurante du sport du cheerleading au Québec, c'était le moment parfait. Je vous dis, ces athlètes sont impressionnants. C’était une belle nouvelle pour ce sport, on y donnait enfin la visibilité qu'il mérite. La nouvelle série Netflix Cheer y est allée récemment dans ce sens aussi. Dommage que ce ne soit plus le cas pour les Alouettes.

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Je suis cheerleader et féministe. Parce que l'un n'exclut pas l'autre.

Et je les ai vus passer les commentaires désobligeants sur les réseaux sociaux à la suite de l'annonce de ce matin. J’ai passé des années à essayer de combattre les stéréotypes, mais ils sont encore clairement présents. Non, cette décision ne venait pas d’une gang de féministes enragées qui ont chialé. La preuve, je suis féministe et cheerleader. Tout comme les joueurs sur le terrain, à chaque match, pendant trois heures, je me donnais corps et âme pour donner un bon spectacle. Au final, c’est ça que les joueurs font aussi, non? Vivre leur passion pour donner un bon spectacle?

Et oui, les costumes sont parfois révélateurs, mais n’est-ce pas le cas dans d’autres sports olympiques? La gymnastique, la natation, le volley-ball de plage, le patinage artistique, name it. Je vous invite à faire un tour dans des compétitions de danse ou de cheerleading, c’est le même genre de costumes que l’on y voit. Ça fait partie du sport (autant de la danse que du cheer). Les joueurs ont leur uniforme, nous avons le nôtre. La façon dont vous décidez de le juger vous revient, mais en connaissance de cause, laissez-moi vous dire que lorsque l’on danse durant une canicule du mois de juillet au gros soleil, cet uniforme est bien approprié. Les matchs d’automne sont réservés à un tracksuit et l’hiver, un manteau d’hiver. Mais ça, on n’en entend pas parler.

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Aujourd’hui, c’est difficile à avaler comme nouvelle. Non pas pour tout ce que cette équipe représente pour moi, mais plutôt pour tout ce qu’elle représente pour les gens qui gravitent autour de l’organisation. Je pense entre autres aux filles et aux gars qui auraient, peut-être, vécu leur rêve cette année. Mais il y en a tant d'autres. Les fans qui nous ont soutenu toutes ces années, ma famille, mes amis, les anciennes qui ont déjà fait partie de l'équipe, nos capitaines, notre coach...

Ce que je veux que vous reteniez, c’est que mon but n’est pas de dénigrer l’organisation, loin de là. Je ne suis pas dans les discussions, je ne peux pas me prononcer sur la décision et ce n’est pas le but de ce texte. Tout ce que je sais, c’est que c’est une grande perte. Beaucoup plus grande que le valeur monétaire associée à cette équipe.

Alouettes un jour, Alouettes toujours…

Source image de couverture: Dominick Gravel
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