J’avais 16 ans. Tu as pris la décision de changer totalement de direction, laissant derrière toi ta vie de famille, ta femme et tes deux enfants pour vivre une nouvelle aventure avec une récente flamme. Si seulement tu avais su nous garder dans ta vie, mon frère et moi, je ne serais pas en train d’écrire ce texte. Tu as cependant choisi de tout effacer, quittant tes responsabilités en faisant comme si nous n’avions jamais existé.
Je me questionne encore sur le pourquoi de ton geste. Pourquoi un père aimant décide du jour au lendemain de disparaitre sans donner signe de vie à ses propres enfants qui n’y comprennent absolument rien? J’ai longtemps cru que c’était de notre faute, tu sais. Que si nous avions été autrement, peut-être que tu nous aurais assez aimé pour ne pas nous abandonner. Si tu savais comment mon cœur de petite fille était en milles miettes, à quel point j’ai passé des nuits et des jours à pleurer ton départ en me questionnant sans cesse sur les vraies raisons de tes actions.
Tu as manqué tellement de choses. Ma remise de diplôme, mon premier appartement et même mon nouveau chum que j’aurais aimé te présenter. Tu l’as fait par choix, sans te soucier de ce que l’on vivait de notre côté. Je t’en ai tellement voulu. Maman a écopé de mon attitude de marde à l’adolescence par ta faute, car je n’arrivais pas à gérer convenablement tout ce qui se passait autour de moi. Une séparation n’est jamais facile, ça, je sais. Mais en être pleinement consciente, voir à quel point tu es devenu une autre personne, ça brise le cœur.
Je n’ai même pas tenté de reprendre contact avec toi depuis toutes ces années. À 32 ans, qu’est ce que je pourrais bien te dire? Par où commencer? Tu es devenu un étranger à mes yeux et mon cœur de fillette t’en veut toujours de m’avoir laissée là, comme si je n’étais que de passage dans ta vie jusqu’au moment où tu choisisses de refaire la tienne.
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Je t’ai croisé plusieurs fois, tu sais. À l’épicerie, à une station-service. Tu m’as même déjà tenu la porte sans même réaliser qui j’étais. Même si on change et on grandit, comment pouvais-tu ne même pas reconnaitre ta propre fille? Je l’ai vu dans tes yeux que je n’étais plus personne pour toi, tu n’as même pas bronché, je n’ai vu que du vide. J’en étais tellement chamboulée.
Mais grâce à toi, j’ai la plus belle relation qui soit avec Maman. Je sais profondément que je n’aurais jamais été aussi près d’elle si tu avais été encore là. Elle a su être notre pilier et notre phare et nous avons réussi à passer au travers les trois ensemble grâce à tout l’amour et le soutien qu’elle nous a donné.
Il y a longtemps que je t’ai pardonné, tu sais. Je pense fréquemment à toi, mais sans boule dans l’estomac à présent. J’en suis devenue plus forte, plus aimante et je prends soin des gens que j’aime. Tu m’as aidé à devenir la femme que je suis et j’estime être une vraie bonne personne. J’espère que tu es bien dans ta nouvelle vie et qu’elle te convient. Probablement que plusieurs choses te rendaient malheureux et que tu souhaitais seulement aller mieux. Je ne t’en veux plus maintenant. Je te souhaite d’être en paix et de t’être pardonné toi aussi si parfois tu y repenses et que tu éprouves de la culpabilité. La vie continue, nous sommes là les uns pour les autres et nous nous portons très bien.