Ça aurait fait 12 semaines. 12 semaines que tu aurais été bien au chaud et à l’abri de tout, dans mon ventre. 12 semaines que tu aurais reçu tout l’amour du monde, de ma part, de la part de ton papa et de tes deux frères. Malheureusement pour nous, tu nous as quitté déjà depuis trois semaines. Du haut de tes neuf semaines, tu as jugé que tu avais atteint le bout de ton monde. Je ne saurai jamais pourquoi ni comment, mais je sais que tu es parti et que ça fait mal.

On ne saura jamais si tu étais notre petit Charles ou notre belle Romy. Je ne pourrai pas voir ton visage et entendre ton premier cri. Nous ne saurons pas si tu aurais ressemblé à tes frères et ça fait tellement mal. Je ne verrai jamais ton sourire alors que ton papa aurait fait toutes sortes de niaiseries pour te faire rire. Je ne verrai jamais tes frères te tenir par la main pour t’aider à marcher. Je ne verrai pas mes parents et ma belle-mère venir te rencontrer pour la première fois et découvrir les traits de ton visage. Tu ne rentras jamais à la maison avec nous mais je te promets que tu vivras à travers nous. J’aurai une pensée lors des vacances que nous ferons tous ensemble, lors de Noël, des anniversaires et des fêtes, parce que tu aurais dû y être avec nous. Et quand je pense à tous ces moments que nous ne vivrons pas ensemble, ça fait mal.

À la suite de mon enterrement de vie de fille, tu es arrivée dans mon ventre sans qu’on s’y attende. Nous avions décidé qu’après ton frère, Raphaël, la famille était complète. Mais le destin avait d’autres plans. Alors que je disais oui je le veux à ton papa, tu t’accrochais dans mon ventre envers et contre tous.  Au retour de notre voyage de noces, j’ai fait un test et surprise, les deux lignes étaient bien là. Comme une évidence que notre amour avait fait un petit miracle.

Nous avons donc fait d’autres plans. Ceux qui t’incluaient maintenant. La famille avait beau être complète, elle le serait complètement avec toi dans nos bras. Je me voyais déjà avec ton frère qui aurait à peine 14 mois de plus que toi et j’étais aux anges de penser que vous alliez grandir ensemble. Et ce qui fait mal dans tout ça, en plus de te perdre, c’est que les deux derniers mois, j’ai fait des projections dans le futur de ce que notre vie allait devenir et je n’ai pas profité du temps que j’avais avec ton frère. Alors que j’aurais dû profiter de ses six mois, j’ai l’impression que je ne les ai pas vus passer, parce que je pensais à toi, à nous et à tout ce que nous allions devenir. Et maintenant que tu n’es plus là, j’ai le sentiment d’avoir laissé filer du temps de qualité avec Raphaël. Ce temps-là ne reviendra pas et ça fait mal.

Lors de ma huitième semaine de grossesse, je me suis sentie moins bien qu’à l’habitude. J’avais de la misère à manger et à garder ce que je mangeais. J’avais peine à m’occuper de ton frère et j’ai dû demander de l’aide. J’ai même été hospitalisée parce que j’étais déshydratée et ils m’ont dit, suite à une prise de sang, que tu allais bien malgré tout. La journée suivante, j’ai eu des signes qui m’ont fait comprendre que tu n’allais pas si bien après tout. J’avais tellement peur que tu sois en danger. Durant cette nuit-là, je me suis levée et je me suis mise à perdre beaucoup de sang. Ça n’allait pas et il n’y avait rien que je pouvais faire pour t’aider. À 1 :30 du matin, le 4 novembre, tu es sorti de ton nid et j’ai eu le cœur brisé. La peine que je ressens est immense alors que toi, tu n’étais pas plus gros qu’un bleuet.

art ange pierreSource image: Pexels

J’ose croire que je suis une femme forte. J’ai dû traverser plusieurs épreuves plus difficiles les unes que les autres et je me suis toujours relevée. Mais cette fois-ci, je me remets en question. Je me dis que finalement, je ne suis peut-être pas aussi forte que je le crois. J’ai besoin de soutien mais comment lever la main et faire signe que ça ne va pas, alors que personne ne savait que tu étais dans mon ventre? Et que dire de la culpabilité que je ressens. Une grossesse planifiée, on fait attention, on ne fait pas d’excès, on ne boit pas, on se dorlote et on pense avant tout au miracle de la vie. Mais tomber enceinte alors que ce n’est pas planifié, je n’ai pas fait attention. J’ai fait des excès lors de notre voyage de noces, j’ai fait du rappel, de la tyrolienne, j’ai mangé de la nourriture que je n’aurais peut-être pas dû. Bref, je n’ai pas fait attention. Est-ce que j’ai pu causer ton départ? Je ne le saurai jamais, mais la culpabilité est bien là, et ça fait mal.

Je me suis remise en question. Est-ce que j’aurais pu faire quelque chose de différent? Est-ce que j’aurais dû demander des examens plus approfondis lors de mon hospitalisation? Pourquoi est-ce que la vie m’avait donné une petite âme pour ensuite me la reprendre? Quel sentiment d’injustice alors que certains parents maltraitent leurs enfants. J’ose croire qu’il y a une explication pour des évènements comme celui-ci. Je ne peux pas croire que la vie fasse vivre des deuils comme ceux-là, gratuitement. Mais pour le moment, je n’arrive pas à voir ce que je pourrais retenir comme leçon. J’aurais été prête à tout pour pouvoir te garder. J’aurais fait un pacte avec le diable si j’avais pu. Alors que je te parlais en caressant mon ventre, la seule chose que je t’ai demandée, c’est de t’accrocher. Je m’occupais du reste. Faut croire que même ça, c’était trop demander.

Alors, mon coeur, je te pleure, souvent en silence alors que personne ne me voit. Ensuite, je me relève les manches et je me dis que malgré la douleur, je me dois de continuer pour ton frère. Mais sache que je t’aime et malgré le fait que ça ne va pas, le temps va finir par diminuer ma douleur et que je vais survivre à ton départ.

Seulement neuf semaines ensemble, mais je vais t’aimer pour toujours mon bébé.

Ta maman xxx

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