À quand les renforts dans nos écoles? 

On veut ajouter des élèves dans les classes au détriment de la santé mentale des professeur-es. L’air est pourtant manquant dans les locaux d’une école où l’espace est restreint. Où va-t-on les mettre ces jeunes ? Va-t-on faire des bureaux superposés ? Le confort n’est déjà pas la priorité de l’encadrement académique. Les récréations seraient plus longues et les semaines plus courtes. Il est vrai qu’on manque de professeur-es et pas d’élèves. Cherche-t-on à savoir pourquoi les professeur-es abandonnent ce poste valeureux et que d’autres n’ont pas même l’intérêt de commencer cette carrière ?

C’est une faute grave du système de ne pas miser davantage sur le développement scolaire, mais d’offrir encore plus d’argent au corps policier.

Ça, c’est une bonne idée ? Ça, les bureaux de deux étages et les professeur-es virtuel-les ? On donne 63 millions de plus au SPVM. L’argent est mal investi ! Les démarches policières visent souvent à arrêter des gens n’ayant commis aucune infraction, donner des tickets pour collecter des sous, et pourchasser « les criminels » les brutalisant parfois. (Bon OK, je leur enlève beaucoup de crédibilité pour appuyer mon point.)

On devrait songer à rembourrer ce budget scolaire pour mieux encadrer les élèves et les professeur-es en leur procurant un soutien permanent, soit par l’ajout d’un-e professeur-es ou d’un-e TES. Est-ce réaliste ? Ça devrait l’être ! Ouvrez des postes et augmentez le salaire des enseignant-es. La prévention est l’une des meilleures solutions pour prévenir la criminalité et pour le mieux-être en société.

Quand je mange dans la salle du personnel, je tends toujours les deux oreilles aux discussions portant sur le comportement de leurs jeunes et sur le fonctionnement de la classe. Il n’y a pas à douter, c’est difficile. Trop difficile. Gérer un groupe de 24 élèves, alors que chacun-e a une personnalité et un niveau d’apprentissage complètement différent, demande une réserve d’énergie bien au-delà d’une capacité réaliste. Imaginez-vous la charge de travail ? Moi, je n’ai plus besoin de l’imaginer, je fais de la suppléance.

Chaque jour passé dans une école ajoute une couche à ma compassion pour nos enseignant-es.

Chaque fin de journée me fait compiler les histoires de manque de respect, de sauvagerie, d’arrogance, de la part des enfants. Chaque soir, j’ai juste envie de me coucher en boule dans mon lit et de retourner au stade d’enfant qui n’avait pas besoin de travailler pour des petits se souciant de moins en moins de la richesse contenue dans les couloirs d’école.

Je reviens de l’école… Oui, encore. Après deux ans au cégep, trois ans de baccalauréat et une année de maîtrise, je me trouve encore à aller à l’école et à en revenir, puis à recommencer le processus éreintant. Je n’en reviens pas toujours en fait. Je casse des noix sur le chemin du retour, puis à la maison. Juste trop fatiguée. Oui, plus « casser » que « cogner des clous », parce que je me sens moins en mode construction que destruction. Tout mon corps se fatigue. Les muscles de mon cou s’affaissent et ma tête lourde veut se percuter contre la rigidité d’une noix.

J'ai beaucoup d'histoires à raconter.

Une fois, un élève désorganisé m'a lancé sa botte d'hiver bien fort dans le dos alors que j'essayais de gérer le restant de la classe. Il m'a dit qu'il était fâché... par la suite seulement... Il y a constamment des conflits, des incidents, des paroles lancées dans les airs et flirtant avec la sensibilité d'autres enfants. Ceux-ci me les rapportent alors qu'elles ne les concernent pas...Faire de la suppléance, c’est tourner dans le carrousel un peu trop longtemps, rester coincé-e dans un ascenseur, manquer d’air en nageant, avoir un quelque chose de bloqué dans la gorge ou encore devenir la personne qui crie aux enchères. M’époumoner toute la journée pour surpasser mon manque de contrôle fait partie de l’emploi. Tout en surchauffant mes poumons, je dois savoir endurer les tapes constantes des enfants tournant autour de moi comme des insectes autour des plantes. Puis briller malgré l’ombre que projettent les enfants trop présents dans ma bulle.

Mais oui, on les aime. C’est juste un emploi épuisant et… on a besoin de renfort.

Image de couverture de Taylor Flowe