Dans exactement un mois, cela fera 14 ans qu’il nous a quittés subitement, sans avertir. Lui-même n'était pas au courant de son tragique destin. Je ne sais pas si vous le savez, mais devenir enfant unique en l’espace de quelques heures, on ne le réalise pas! Même encore aujourd’hui après toutes ces années j’ai de la difficulté à m’y faire.

L’accident

C’était un mardi soir d’octobre, il faisait noir à partir de 16 h 30 environ. Vers 20 h 30, j’étais installée devant la télévision, mon père m’appelle au téléphone avec la terrible nouvelle: « Ton frère a eu un accident, il est à l’hôpital ». Ma première pensée, à ce moment, a été qu’il s’était probablement fait mal au dos, les poignets foulés ou quelque chose du genre. Je ne m’y rends pas d’emblée. N’aimant pas trop les hôpitaux, je préfère attendre d’avoir d’autres nouvelles. Une heure passe. Maintenant devant mon écran d’ordinateur à surfer sur Internet, mon père m’appelle une deuxième fois: « Tu es encore chez toi ? L’ami à ton frère qui était avec lui dans l’auto est décédé… ». QUOI ?

C’est précisément à ce moment que j’ai saisi la gravité de la situation. Je me suis rendue à l’hôpital illico. C’est une fois arrivée dans la salle d’attente des soins intensifs, que mes parents et mes grands-parents maternels m'apprennent qu’il avait fait un face-à-face en voiture (celle de mes parents, je précise) à haute vitesse. Sa copine du moment le suivait derrière avec sa voiture, elle a tenté un dépassement et mon frère avec son esprit compétitif aurait accéléré pour ne pas se faire dépasser. Il a ensuite dévié de sa voie pour faire un face à face avec une autre voiture qui arrivait dans le sens inverse. Vous voyez le tableau ?

Résultat: 3 décès sur le coup. Il n’y a que mon frère qui a été transporté en ambulance encore en vie, mais dans un état critique.

L’enterrement

Il est finalement décédé vers 1 h 15 du matin, d’un polytraumatisme. Trop d’organes vitaux étaient touchés. L’avion-ambulance était prêt pour le transport vers un hôpital de Québec (c’est ça habiter en région). Après tout ce bouleversement était venu le temps de lui dire adieu. Ç’a été extrêmement rapide à l’époque, il avait fait son accident le mardi soir et le samedi suivant avait lieu la cérémonie d’adieux. Toute la famille était dans le déni total: nous ne le réalisions pas.

Pour moi, le plus choquant a été de voir son urne avec sa photo de finissant au salon funéraire. Il avait 17 ans, la vie devant lui et cela faisait à peine 4 mois qu’il avait participé à son bal de finissants. Des tonnes de fleurs, de bouquets et même de petits arbustes jonchaient l’emplacement de son urne. C’était une double cérémonie: mon frère et son ami, le passager du même âge que lui. Je déteste pleurer en public. Je ne suis pas une femme émotive. Mais là c'en était trop: j’ai pleuré un bon coup! C’était libérateur, j’avais besoin d’évacuer le trop-plein d’émotions qui m’habitaient.

L’acceptation

Pourquoi nous ? Pourquoi le sort s’est acharné sur notre famille ? Malheureusement, il ne faut jamais dire que ça n’arrive qu’aux autres. Il faut faire preuve de résilience pour passer à travers ce genre d’épreuve. Je ne vous cacherai pas, la période des fêtes qui s’en est suivie cette année-là a été extrêmement pénible. Je dirais même que chaque date « anniversaire » de l’accident ET la période des fêtes est pénible chaque année. Je n’ai pas perdu d’enfant personnellement, mais je peux vous dire qu’en ayant observé mes parents, c’est loin d’être facile. La blessure ne se referme jamais, en revanche, on s’habitue à son absence.

Quand je me fais poser la question: « As-tu un frère ou une sœur »? J’ai automatiquement une boule dans la gorge, réfléchissant à ce que je vais dire: « Non, je suis enfant unique ». J’ai carrément l’impression de le trahir en disant cela! Ou bien: « J’avais un frère plus jeune, mais il est décédé en 2010…». Ça crée un léger malaise. J’évite la question ? Ça laisse croire que je veux cacher quelque chose… Bref, je préfère créer un malaise que de le « trahir ».

Il continue de vivre à travers nos pensées et c’est ça le plus important. Ma première fille est née 5 ans après son décès et quand je lui parle de son oncle, j’ai l’impression qu’il n’est jamais complètement disparu.
Image de couverture de Phil Botha
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