Rester mince à tout prix, mauvaise image de soi, refus de s’alimenter, voici ce à quoi certaines jeunes femmes sont confrontées quotidiennement. Lorsque j’étais plus jeune, je me demandais comment ces femmes faisaient pour rester en vie sans rien manger de la journée. Je me disais que jamais je ne serais atteinte par ce trouble du comportement alimentaire majeur. Quelques années plus tard, sans me rendre compte de rien, je me suis mise tranquillement à sombrer dans un trou noir, le piège de l’alimentation. Eh oui, moi qui me croyais au-dessus de ce trouble, loin d’en être une victime.
Comment cela est arrivé? Aussi banal que cela puisse paraître, tout a débuté par un mal-être relié à un surplus d’acidité dans l’estomac, ce qui me donnait des hauts le cœur, donc moins le goût de manger. Avant que les médecins me donnent le bon médicament pour régler ce petit problème de santé, je me suis vu perdre du poids dû au fait que je mangeais moins. Les gens ont commencé à commenter ma perte de poids de manière positive, excepté mes parents, qui eux, commençaient à se poser des questions sur ma santé. Moi, j’ai commencé à me trouver de plus en plus belle, plus mince, plus attirante, plus femme. Mais il n’a pas fallu grand temps pour que cela tourne au cauchemar. La fixation que j’avais sur mon corps prenait de plus en plus de place dans mon quotidien. Pour vous montrer à quel point cette obsession prenait de l’ampleur dans ma vie, voici à quoi ressemblait une journée typique dans ma vie, celle d’une anorexique.
Source: Unsplash
Il est 6 heures, le cadran sonne. Mon tout premier réflexe me venant en tête est de prendre le ruban à mesurer caché en dessous de mon oreiller. En me regardant dans le miroir, je prends soin de mesurer certaines parties de mon corps, dont les plus importantes, mes poignets et ma taille. Par la suite s’impose un petit rituel du matin. Je m’assure que mes parents soient toujours couchés à l’heure où je me lève pour mettre en action mes trucs pour qu’ils croient que j’ai bien déjeuné. À tous les matins, je sors un bol vide en émiettant quelques graines de céréales au fond en y ajoutant un peu de lait. De cette manière, mes parents pensent que j’ai réellement mangé et moi j’éprouve un sentiment de bien-être. J’ai tout simplement à jeter les céréales dans la toilette, ni vu ni connu. En réalité, je n’ai fait que boire des verres d’eau pour me remplir l’estomac.
Prête à partir pour l’école, je quitte mon domicile avec des vêtements très amples. Moins on peut apercevoir mes courbes, mieux je me sens. Pendant mes cours du matin, je réussis à rester concentrée jusqu’à l’heure du midi. Sachant que l’heure du dîner avec mes amies approche, j’ai déjà préparé mon speech pour qu’elles ne se posent pas trop de questions. J’ai plusieurs phrases déjà préparées pour chaque situation dans laquelle je peux me trouver. Par exemple, quand je dîne avec mes amies, je leur dis souvent que mes parents m’ont préparé un gros déjeuner santé et nutritif le matin. De cette façon, je peux me nourrir d’une moitié de pomme. C’est ce que je mange à tous les midis. Une petite voix intérieure ne cesse de me parler. « Lâche pas tu es capable, il ne faut pas que tu gâches tout ce beau travail ». Cette phrase tourne en boucle tout au long de l’après-midi et c’est ce qui la motive jour après jour.
À la fin des cours, je me dirige vers mon lieu de travail où je m’y rends trois soirs par semaine. À ce moment-là de la journée, il est plus facile pour moi de mentir. Les gens avec qui je travaille ne savent aucunement ce que j’ai fait ou mangé dans la journée. De plus, à mon travail, personne ne me pose de questions. Juste avant de commencer mon quart de travail, je mange l’autre moitié de pomme restant de mon diner. À partir de cette heure, soit 17 heures, plus aucune nourriture n’est consommée. Si je dois retourner chez mes parents, je vais leur dire que j’ai mangé avec mes amies tout juste avant de revenir à la maison. Pour mes parents, cela a du sens puisqu’ils ne se doutent pas que je suis anorexique.
En rentrant chez moi, fatiguée, je fais ma petite routine du soir. La première chose que je fais en arrivant chez moi est d’aller me peser pour être certaine que je n’ai pris aucune livre. Par la suite, je me dirige vers le miroir. Miroir miroir, dis-moi, suis-je la plus belle? Malheureusement, la réponse n’est jamais positive. Je suis toujours fâchée contre moi à ce moment-là, car je trouve que tous mes efforts ne sont pas assez apparents. Je me trouve laide et toujours aussi grosse. Enfin, il est temps pour moi d’aller au lit et de mettre à off, pour l’instant d’une nuit, la maladie.
Il est 6 heures, le réveil sonne…
Source: Unsplash
De l’adolescence au début de l’âge adulte, j’ai souffert de ce trouble alimentaire. Il y a eu un moment marquant, déclencheur, qui a fait que je me suis réveillée et que j’ai décidé de me sortir de ce trou noir. La journée où ma mère s’est mise à pleurer lorsque je suis arrivée en bikini et qu’il me restait seulement que la peau sur les os. Ouf! Dès cet instant, j’ai su que je devais me sortir de là. Je suis allée chercher de l’aide auprès d’une psychologue et d’une infirmière de l’école. J’étais décidée à me prendre en main. Aujourd’hui, je peux dire que je suis guérie, mais pas complètement. Dans le sens où, non je ne me prive plus de manger, mais il va m’arriver souvent de me trouver grosse, pas à la hauteur des fameux standards de la société; et pourtant, je suis en pleine forme et je n’ai aucun poids à perdre. L’important dans tout cela, c’est qu’aujourd’hui, je suis consciente de ma fragilité et je ferai tout pour ne pas retomber dans cet enfer. Je suis fière de moi et j’espère pouvoir un jour venir en aide à des jeunes femmes qui, elles aussi, se sont fait prendre dans ce trou noir.
Pour celles qui sont prises dans ce tourbillon, sachez que vous n’êtes pas seules et surtout qu’il y a espoir de s’en sortir. ????
J’ai confiance en vous!
Si jamais vous avez besoin d’aide ou simplement d’être écoutée, n’oubliez pas qu’il y a l’organisme ANEB qui est toujours là pour vous!