** Traumavertissement: Suicide, santé mentale. Des ressources d’aide sont listées à la fin de cet article.
Quand j’étais petite, j’écoutais «Le petit Castor» et je pleurais toujours à la fin quand je le voyais parler avec sa maman dans la lune. En 1994, en septembre, j’ai eu 7 ans… puis ensuite, les comptines de Passe-Partout sont devenues de moins en moins intéressantes, de moins en moins drôles… de plus en plus bébé… comme les autres enfants autour de moi, de moins en moins intéressants, de moins en moins drôles, de plus en plus bébé…
Octobre avait été bizarre, nous à la maison, toi au sanatorium.
Novembre avait été bizarre, nous à la maison, toi au motel.
Décembre avait été bizarre, toi à la maison, maman à l’appart.
Nous, un peu entre les deux.
Puis est arrivé janvier, il y avait eu de la neige en janvier 1995. Mais cet hiver-là, les plus grosses tempêtes étaient dans nos têtes, dans nos cœurs, dans nos corps. Ta vie avait été bizarre depuis le début… secouée entre tes excès et tes échecs. Entre tes jours éclatants et tes grandes noirceurs, entre tes rêves et l’abîme qu’ils creusaient toujours un peu plus.
Le lundi 23 janvier 1995, le lendemain d’une grosse tempête de neige, le cancer de l’âme t’a emporté… Emportant avec lui, l’insouciance de notre enfance et laissant trop d’insécurité, de problèmes de grand, de non-dits et de chicanes pour deux enfants…laissant des gens peu équipés à faire face à tout ça faisant de leur mieux, faisant comme ils pouvaient avec ce qu’ils avaient, pour expliquer à une petite de 7 ans, pourquoi elle, son papa ne lui parlait pas dans la lune, comme la maman du petit castor.
Source image : Roxane Denis
Depuis 26 ans, à chacune de tes fêtes, chaque fête des Pères, à chaque évènement significatif de nos vies, je regarde vers le ciel et pense à toi… Et il y a cette date… Nous n’avons jamais pu chanter « Le plus fort c’est mon père », avons grandi en entendant constamment : « Au moins, il n’a pas amené les petites avec lui! » Seule consolation de ce geste. C’est assez choquant de penser que les seuls moments où je suis fière de mon père, c’est en voyant des tragédies aux nouvelles.
Mais, c’est ça le cancer de l’âme… Je t’en ai voulu, ça a été nécessaire pour faire la paix avec tout ça, pour en venir à comprendre ta grande souffrance. Pour en venir à te pardonner et pouvoir, après tout ce temps, être reconnaissante envers la vie d’avoir hérité de ta bonté, de ta générosité, ton empathie, ton esprit de rassemblement, des valeurs que la maladie n’a jamais pu te prendre et n’a jamais pu effacer.
Je t’aime mon pepa Guy xxx
Ta Tatoue *
Source image : Roxane Denis
* En 1995, le trouble bipolaire était encore très stigmatisé, tout comme la maladie mentale. Toutefois, maintenant, 26 ans plus tard, il ne devrait plus y avoir d’enfant qui grandit à moitié à cause du cancer de l’âme… Soyons indulgents, parlons-en, mettons fin aux préjugés et aux stigmates… Les troubles de santé mentale, ça se contrôle et ça se guérit!
Pour terminer, si vous vous trouvez dans une situation semblable, ou avez un proche qui semble avoir besoin d’aide, n’hésitez surtout pas à aller chercher du soutien. Voici une liste de ressources qui sauront vous épauler.
Ressources
- Pour les jeunes, il est possible de clavarder avec un professionnel de Tel-Jeunes par courriel, ou par téléphone en composant le 1-800-263-2266
- Pour tous, il est possible de communiquer avec Tel-écoute par téléphone au 514-493-4484
- 1 866 APPELLE (277-3553)
- Association québécoise de prévention du suicide