Je sais pas pour vous, mais essayer de se trouver un chum en vieillissant, c’est presqu’aussi impossible que de ne pas avoir le sourire aux lèvres quand tu lis des potins méchants sur les Kardashian. Moi je pense que les relations amoureuses saines c’est réservé juste pour les humains qui ont dû faire au moins mille BA dans leur vie antérieure. Ce qui fait que j’étais probablement une sous-merde ingrate dans un autre monde pis que depuis, mon karma d’ex-tueuse en série me colle au cul tel un bichon maltais à son maître. Peut-être que dans le fond, c’est même pas une histoire de passé sombre, peut-être que je donne juste une mauvaise impression quand je me mets à parler, ou que je dégage rien qui donne envie aux gars de me rappeler le lendemain, ou le surlendemain. Ouin, ma vie amoureuse c’est comme un oignon, ca me donne envie de brailler. C’est tellement nul qu’à force d’écouter mon amie se vanter de ses dates Tinder, je me suis inconsciemment laissée brainwasher le cerveau à coup de romance virtuelle pis de scénarios cons de moi pis l’homme de ma vie que j’aurais rencontré grâce à l’application.
Mais quelle naïveté.
« Je recherche un homme pour subvenir aux besoins manuels de mon appartement. »
Mon message sur mon profil était plus que clair; S’il me like, ça voudrait dire qu’il me trouve drôle, qu’il comprend mon sarcasme, qu’il aime mon intelligence linguistique développée, mon indépendance (j’habite quand même toute seule) et mon honnêteté (c’est vrai, j’ai plein de tablettes Ikea pis des pôles de rideaux à accrocher).
C’est la phrase que j’ai le plus analysée de toute ma vie, je vous le dis, c’était infaillible, les chances que j’aie un match avec mon âme sœur était de 3% contre 77 % matchs avec des gros pervers qui veulent me donner un «câlin» à trois heures du matin. Comme si je prendrais le bus pour venir chez vous, sale détraqué nocturne. Mais malgré tout, J’étais optimiste.
Après avoir mis trois photos de ma face où est-ce que je souris un peu, mais pas trop en même temps pour pas avoir l’air trop intense, j’ai ajusté le territoire de chasse à six kilomètres (mon âme sœur peut pas vivre loin d’une station de métro, les relations à distance, c’est pas fait pour moi).
J’étais prête.
Mon pouce dansait la macarena sous le poids des swipes à gauche qui me faisaient douter à chaque fois si j’avais pris la bonne décision de l’effacer de ma vie.
Mais si c’était lui?
Ou lui?
Est-ce que je pourrais l’aimer même avec sa calvitie précoce?
Est-ce qu’il pourrait être le père approprié pour nos futurs chiens même s’il fait une duckface sur sa photo de profil?
Est-ce que je pourrais avoir des conversations enrichissantes et intelligentes même s’il fait des fautes aux trois syllabes?
Est-ce que j’étais rendue superficielle?
Tinder m’avait complètement fait perdre la tête. J’étais devenue une boucherie à moi toute seule. Chaque notification qui m’indiquait que j’avais un nouveau match était devenu pour moi source de nouvelle viande fraîche. Je pouvais plus continuer à collectionner des têtes d’étrangers dans mon téléphone. Je devais faire un choix, avant que ceux-ci ne disparaissent dans les bras d’une fille plus intéressante que moi. J’ai donc décidé de parler à un gars au hasard, dans le but de l’inviter à prendre une bière, un bon soir (un lieu public c’est toujours gagnant, j’ai pas envie de finir en Europe de l’Est avec un rein en moins). Je fais ça straight de même, j’ai pas de temps à investir pour des conversations pis des textos qui aboutissent à rien, sans même avoir eu l’opportunité de lui voir un bout de visage tout d’abord. C’est ben facile d'avoir l’air de qui tu veux sur internet, mais en vrai, c’est autre chose. En plus, j’hais ça moi, écrire sur un téléphone. Parce dans la vraie vie, je sors pas la langue de côté, je dis pas «lol» quand ta joke est poche, je met pas des points à la fin d’une conversation juste pour faire croire que j’ai un peu l’air bête, pis je te fais pas un sourire niaiseux quand je sais pu quoi te dire.
Sur son profil, il y avait quatre photos de lui dont deux sur un terrain de baseball. J’en ai déduit qu’il aimait les hot-dogs du Stade Olympique pis c’est un homme mature puisque tout le monde sait que la bouffe du stade c’est cher et que quand t’as les moyens de t’en payer, ça veut dire que t’es stable financièrement, ce qui démontre un signe de grande maturité et d’avenir.
En plus, c’était écrit en bas de sa photo quelque chose comme: «…Recherche une relation stable… »
On s’est finalement donné rendez-vous samedi soir après une bref échange de mots qui veulent rien dire, dans un pub au centre-ville.
C’était facile de même, comme mon amie m’avait prédit.
Le samedi suivant, j’étais toute ready à rencontrer les gênes qui serviraient d’inspiration pour mes futurs poèmes cul-cul d’amour pour mon journal intime.
Le jour arriva et il était 16 h et j’avais pas encore de nouvelles de lui. Je commençais à me poser des questions (bon ok, je freakais depuis déjà midi mais je faisais comme si c’était cool). J’ai décidé de l’appeler, question de voir s’il s’était pas fait frapper par un char en voulant aller me chercher des fleurs avant notre date.
«Oui, c’est Noémie, je voulais juste être certaine de l’heure de notre rencontre.»
«Ah oui, Noémie… Ouin en fait je m’en allais au gym, on peut se voir vers 10h du soir si tu veux. Pour être honnête, j’ai eu deux dates aujourd’hui, mais ca me fait plaisir de te voir quand même.»
«Quand même hein, wow, t’es en demande! Ouin ben à bien y penser, je pense que je vais passer mon tour. Bye. »
Esti de chromosome X à marde.
J’étais tellement fâchée et troublée et confuse par rapport à ce qu’il venait de «m’avouer», que je me suis déshabillée pour écouter cinq épisodes en ligne de Gilmore Girls, en pensant à moi un jour, qui aurait droit à un Jessy ou un Logan.
Mais juste avant de me coucher, j’ai eu droit à une dernière belle surprise de mon gros jambon: Un beau texto pour fonder ce que je pensais déjà de lui.
« Wanna talk dirty? »
Pfff, je connais très bien l’expression «Fais du bien à un cochon, et il viendra chier sur ton perron ».
Fait que j’y ai répondu que je préférerais simplement qu’il arrête de m’écrire, t’sais, en espérant qu’il comprenne une fois pour tout que je veux rien savoir de lui. Mais… Non.
«Pfff, c’est ça, t’es juste frue parce que t’étais mon troisième choix aujourd’hui.»
En plus de me faire narguer par un inconnu, j’en étais rendue à douter de moi-même. Étais-je effectivement son troisième choix? Pourquoi moi plutôt que la fille #1 et #2 ?
Qu’est ce qui faisait de moi la dernière en tête?
Probablement une question de beauté. C’est ÇA, Tinder, au final. Mais je préfère être moins belle qu’être assez stupide pour accepter ses avances dégueulasses. Je sais ce que je vaux, et je sais aussi que je suis très intelligente, la preuve, j’ai toujours eu de la répartie;
«Peut-être, mais venant d’une andouille, c’est peut-être mieux comme ca. »
Et j’ai pris le soin de lui envoyer le lien Wikipédia du mot andouille, lui qui semble apprécier les textos cochons.
J'ai survécu quatre jours, huit heures et trente-trois minute sur Tinder.
Source: miesfelds.com
Crédit photo de couverture: buzzfeed.com