Suis-je la seule à trouver que l'école nous a mal préparés pour la vie réelle? Même si aujourd'hui j'étudie à l'université, j'ai encore de la difficulté à cerner divers concepts primordiaux pour me débrouiller dans la jungle qu'est ce monde. Arrivés à l'âge adulte, beaucoup d'entre nous se sentent inadéquats face à certaines situations de la vie réelle et professionnelle, et ce, malgré le fait d'avoir passé pratiquement toute notre jeunesse sur des bancs d'école à apprendre des concepts dits «essentiels», comme l'infâme théorème de Pythagore ou bien comment écrire en lettres attachées . Non mais sérieusement, y a-t-il vraiment quelqu'un qui se sert du théorème de Pythagore dans la vie de tous les jours? Voici, à mon humble avis, ce que l'école aurait dû nous apprendre pour créer des adultes plus fonctionnels et mieux préparés aux multiples défis et situations auxquels chacun et chacune d'entre nous doivent faire face dans le monde moderne.

1. Comprendre et gérer ses finances

J'aurais probablement mieux prêté attention en cours de maths si j'avais appris par exemple, comment gérer un budget, plutôt que d'apprendre des concepts mathématiques appliqués dans des scénarios irréalistes et bidon. Tout adulte averti devrait savoir comment se créer et gérer un budget, comment marchent les systèmes bancaire et monétaire, comment fonctionnent l'hypothèque, les RÉER, les CELI, etc. Dès l'adolescence, on devrait s'initier aux rudiments de la carte de crédit, aux mécanismes l'entourant, ainsi qu'à l'importance de la cote de crédit pour l'obtention d'une maison, d'une voiture ou d'un bien de valeur. Sans oublier les circonstances et les actions pouvant amener quelqu'un à déclarer faillite. Beaucoup trop de jeunes adultes se retrouvent surendettés et ne connaissent personne pour leur expliquer clairement les rouages et les nuances autour des finances personnelles. Les citoyens ont aussi le droit de savoir et de comprendre comment fonctionne la fiscalité canadienne et québécoise, ainsi que l'utilisation des impôts et des taxes.

2. Reconnaître et gérer ses émotions

Il est prouvé que les enfants ne sachant pas comment reconnaître, exprimer et gérer leurs émotions de façon saine, risquent de devenir des adultes dépressifs, anxieux et ayant une plus faible estime d'eux-mêmes. L'intelligence émotionnelle est tout aussi importante que l'intelligence académique. Comme l'explique la chercheuse dans le domaine de l'éducation, Eunice Sanya Pelini : «De nombreuses études ont constaté que lorsque nous traitons la manifestation des émotions chez nos enfants comme un moment fort d'apprentissage, nous les aidons à développer leur régulation émotionnelle. À cet égard, les études de Gottman ont démontré que les enfants qui ont développé cette régulation émotionnelle parviennent à avoir de meilleurs résultats sociaux, scolaires et psychologiques.» Ces outils peuvent s'avérer très utiles dans la gestion de conflits, qui souvent peuvent miner la vie sociale et professionnelle d'une personne ayant plus de difficultés avec les relations interpersonnelles. Une meilleure intelligence émotionnelle permet aux adultes d'entretenir de meilleures relations avec autrui et d'avoir une approche plus saine et équilibrée face aux émotions difficiles.

3. L'utilisation responsable des réseaux sociaux et d'Internet

On ne parle pas ici d'enseigner comment devenir un influenceur, mais plutôt comment agir de manière civilisée sur les réseaux sociaux dans le but de prévenir le cyberharcèlement, la cyberintimidation, les trolls, les messages haineux, etc. Les jeunes devraient apprendre que ce n'est pas parce qu'on est sur les réseaux sociaux que cela veut dire qu'on peut se comporter de manière inappropriée, voire criminelle, sans qu'il y ait de conséquences. On ne peut pas compter sur les plateformes numériques pour responsabiliser leurs utilisateurs, car cela ne fait pas partie de leur modèle d'affaires. En effet, le but premier des Facebook/Instagram/Twitter de ce monde reste de maximiser leurs profits. Plus de régulation=moins d'utilisateurs=moins de profits. De plus, il est facile d'oublier, autant chez les enfants que les adultes, que ce qui se retrouve sur Internet y restera pour toujours. Aujourd'hui, tout le monde a une identité numérique. Ce qui veut dire que, comme dans la vraie vie, nos choix/paroles/décisions sur le Net ont un impact, qu'il soit positif ou négatif.

4. La gestion du stress

Le stress fait partie de la vie, c'est un fait irréfutable. S'il est inévitable, alors on devrait tous être en mesure de savoir comment le gérer sainement, non? Même les adultes subissent les contrecoups d'une mauvaise gestion du stress, à savoir le burn out, la dépression, l'anxiété, l'insomnie et j'en passe. Si c'est prouvé que le stress chronique réduit l'espérance de vie, l'apprentissage de la gestion du stress à l'école devient alors non seulement une priorité pédagogique, mais aussi une question de santé publique. Étant donné que les moyens d'évacuer le stress diffèrent selon les individus, il faut montrer aux jeunes élèves que plusieurs options saines s'offrent à eux pour apprendre à vivre avec cette réalité. En montrant des alternatives saines pour gérer le stress, les jeunes n'auront pas nécessairement à se tourner vers d'autres stratégies d'adaptation néfastes comme l'alcool, les drogues, les troubles alimentaires, les comportements impulsifs ou agressifs, les TOC ou l'isolation sociale.

5. Monter et réparer des objets

On vit dans une société de consommation qui encourage les gens à jeter et remplacer ce qui est brisé plutôt que de le réparer. Beaucoup de couples n'ont pas survécu à l'épreuve du montage de meubles Ikea. Que ce soit pour monter une base de lit ou de bureau, apprendre à monter et démonter un ordinateur, fixer un cadre au mur ou procéder à de petites réparations dans une maison, ces habiletés nous apprennent la débrouillardise et la confiance en soi. Certes, il faut parfois savoir s'incliner et laisser la place aux pros, mais certaines réparations de base peuvent nous venir en aide quand on est mal pris. Ça vous rappelle quelque chose le pneu crevé sur le bord de l'autoroute en plein hiver?

6. Les bases de la cuisine

Dans un monde où nos journées filent à toute allure et que la fatigue de ce train de vie rapide se fait rapidement sentir, la cuisine devient vite une corvée plutôt qu'un plaisir. Faute de temps, de patience et d'énergie, les parents transmettent de moins en moins leur savoir culinaire à leurs enfants. Parfois, les jeunes ont aussi peu ou pas d'intérêt pour apprendre à faire bouillir des pâtes, cuire un œuf ou inclure les légumes dans des plats de résistance. Beaucoup de jeunes adultes, fraîchement déménagés et officiellement autonomes, se retrouvent démunis dans la cuisine et connaissent très peu de recettes nutritives et pratiques à mettre à leur menu. Ils finissent souvent par se tourner vers la malbouffe ainsi que les plats préparés et ultras transformés, qui prennent à présent beaucoup (trop) de place dans nos vies.

7. La vraie sexualité et les relations amoureuses

Il est plus que temps d'instaurer de VRAIS cours de sexualité à l'école, ainsi que d'y inclure le volet des relations amoureuses. Ces cours devraient se dérouler non pas quelques heures par année, mais plutôt faire partie intégrante du programme du ministère de l'Éducation. Ils devraient être donnés par des sexologues, non pas par des professeurs mal à l'aise, ignorants sur plusieurs aspects et qui ont déjà une lourde charge de travail. Le sexe ne se résume pas aux moyens de contraception (exit la prof de sciences qui enfile maladroitement un condom sur un concombre/une banane/un gode de bois) et aux maladies transmissibles sexuellement. Les jeunes ont besoin de modèles en qui avoir confiance, ayant une approche sexuelle positive, où les tabous doivent être défaits. La notion de plaisir n'est jamais abordée dans les cours actuels de sexualité. Dès l'école primaire, les enfants devraient apprendre les concepts de consentement et de respect mutuel. De plus, il est primordial de faire réaliser aux jeunes que la porno est (très) loin de la réalité et que les modèles de relations sexuelles montrés sur les sites pornographiques sont majoritairement phallocentriques, misogynes, dégradants et promeuvent un rapport basé sur le pouvoir et la domination. Le cours de sexualité devrait aussi conscientiser les élèves aux réalités des jeunes LGBTQIA+ et ceux ayant une identité de genre hors-norme. La plupart des jeunes ne savent pas concrètement ce qu'est une relation amoureuse saine basée sur le respect. Certains finissent par l'apprendre à leurs dépens lorsqu'ils se retrouvent dans une relation toxique ou abusive. Toute personne devrait connaître les indices d'une relation problématique versus une relation saine.

 8. Comment produire sa propre nourriture

Savoir jardiner et se créer un potager nourricier ne devrait pas être un savoir réservé aux hippies nouvelle génération! Il n'y a rien de plus satisfaisant que de cuisiner avec les ingrédients venant de notre jardin. On apprend ainsi comment est produite la nourriture, donc on l'apprécie plus. Les efforts investis dans l'épanouissement de notre potager nous encouragent à maximiser nos récoltes afin d'éviter le gaspillage alimentaire. Le but ultime derrière ce cours serait de savoir comment développer une certaine autonomie alimentaire tout en apprenant comment devenir moins dépendant des épiceries, dont les prix sur les produits frais grimpent sans cesse…

9. L'autodéfense

Malheureusement, certains individus peu scrupuleux n'hésitent pas à s'attaquer aux autres et à avoir recours à la violence. Ceci est encore plus vrai pour les femmes. Les écoles devraient inclure un volet autodéfense dans les cours d'éducation physique. Savoir se défendre lorsqu'on est attaquée ou agressée peut faire la différence entre la vie ou la mort. Il faut briser la culture de la demoiselle en détresse en apprenant aux femmes à être confiantes et qu'elles ne sont pas impuissantes lors d'une situation critique. On ne parle pas ici d'encourager la violence, mais plutôt d'être prête à toute éventualité.

10. Démêler le vrai du faux

À l'ère des fake news, il est plus important que jamais de former des citoyens alertes à la désinformation, en particulier sur les réseaux sociaux. Développer son sens critique et savoir démêler le vrai du faux permet non seulement d'être mieux informé, mais aussi de participer de manière active à la démocratie. On devrait pouvoir reconnaître les signes d'une fausse nouvelle et départager la science, appuyée par des données vérifiables, de la pseudoscience. Comment fait-on pour savoir si des «faits» sont effectivement des faits, et non une opinion déguisée en faits? On ne devrait pas limiter les élèves à mémoriser des chiffres sans comprendre pourquoi ces chiffres sont appuyés par des données factuelles. On devrait aussi apprendre comment lire une étude, comment l'interpréter et comment déterminer si elle est légitime ou si elle comporte des lacunes.

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Si le but de l'école est de préparer les jeunes à la vie active, alors pourquoi reste-t-on figés dans un modèle d'éducation unidimensionnel? Je me souviens qu'au fil de ma scolarité primaire et secondaire, plusieurs réformes furent apportées par le ministère de l'Éducation. On ne nous expliquait pas en quoi elles consistaient, ce qui ne faisait qu'apporter plus de confusion. L'école doit pouvoir évoluer en fonction des besoins de la société, qui changent constamment. Parce que ce n'est pas une fonction sin-cos-tan qui nous fera sentir mieux préparés au marché du travail ni à la vie active.

Source de l'image de couverture : Unsplash
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