Lundi 4 septembre 2017, j’ai rendez-vous au Darling avec Véronique Grenier. La Véronique Grenier. L’auteure de Hiroshimoi (Éditions de Ta Mère, 2016) et de Chenous (Éditions de Ta Mère, 2017). La chroniqueuse de la Gazette des femmes et d’Urbania. La conférencière féministe aguerrie. Et la prof de philo au cégep de Sherbrooke. Entre autres. Parce que son cv fait 4 pages en taille 10 à simple interligne, je vais m’en tenir à ça. Mais Véro Grenier, c’est plus que ça. Je le sais, je le sens.

Chenous

Crédit photo: Myriam Leblond pour La fabrique culturelle

Je rentre. L’endroit est bondé. Je cherche Grenier des yeux. C’est elle qui me trouve. On va s’asseoir près de la fenêtre, « ça va être plus calme », me dit-elle. Parce que oui. C’est la cacophonie, au Darling. Mais quand Véro commence à me parler, une étagère à vaisselle complète aurait pu tomber suivi d’un hold up à main armée que je ne m’en serais pas rendu compte. Car je n’entends plus qu’elle. Elle et son flot de paroles signifiantes, significatives. C’est tellement bon à mes oreilles que je n’ai pas le choix de la suivre.

Après deux minutes d’échange, mon sentiment premier se confirme : Véronique Grenier est une grande dame. Une grande dame dans un tout petit corps frêle de femme. Un mélange complexe de solidité et de fragilité, de retenue et de laisser-aller, de calme et de fébrilité… Décidément, auprès d’elle, je me sens vaciller entre deux extrêmes, sans jamais passer par le centre, la norme... Mais dans cet état d’écartèlement, je me sens bien, je me sens chez moi, car Véro m’amène dans son univers, chez elle, avec générosité et sincérité.

« J’assume de plus en plus mon univers, m’avoue-t-elle, après avoir passé plusieurs années à essayer de faire fiter le morceau de casse-tête que j’suis dans le cadre d’la normalité. » Ce qu’elle dit me parle tellement… Car combien sommes-nous à s’éclater la tête contre le « cadre » pour essayer de fiter dedans, de peur de le dépasser… alors que la joie se trouve justement dans l’éclatement de ce dernier?

Chenous

Dans Chenous, son plus récent recueil de poésie paru en août dernier, Véronique Grenier présente un Moi fragile sous un toit qui l’est tout autant. Un être en souffrance pris entre ses quatre murs et ses deux oreilles, qui jette un regard cru mais ô combien poétique sur la réalité quotidienne qui l’entoure, l’épuise, l’aliène : la poussière dans l’air, les miettes de biscuits sur le lit, les cheveux sur le plancher, la vaisselle sur le comptoir, la poubelle qui déborde, les manteaux pas sur leurs crochets… Toutes ces maudites petites réalités routinières, obsédantes, et humiliantes, parce que c’est donc ben pas comme dans les magazines de déco où tout est bien placé, rangé, beau… faux.

Chenous

Source: https://www.leslibraires.ca/

Chenous, c’est donc aussi un regard sur la maladie. La grosse fatigue. La dépression. Sur l’envie d’en finir là là avec une vie pleine de non-sens. Alors regarder les escaliers desquels on peut se lancer. La garde-robe de laquelle on peut se pendre. Mais malgré cette envie de non-vie qui isole et pèse lourd comme une tonne de briques, résister. Parce que l’amour de ses enfants et le bleu du ciel. Oui, pour eux et pour la beauté qui s’infiltre partout, malgré tout, telle la lumière dans une craque, Grenier résiste à cette pulsion de mort qui l’habite, qui nous habite, tous. Une pulsion de laquelle aucun mur, aucune maison ne peut nous protéger. Mais la poésie, oui. Et la sienne, en particulier.

Alors merci pour ta poétique beauté, Véronique Grenier*. N’arrête jamais de la faire briller. Elle et toi aurez toujours une place de choix, chez moi.

*Venez rencontrer Véronique Grenier chez nous, au Salon du livre de l’Estrie, du 12 au 15 octobre 2017.

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La programmation détaillée du Salon du livre de l’Estrie sera dévoilée le 19 septembre 2017 au SALONDULIVREDELESTRIE.COM

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