J'aimerais témoigner.

Cette semaine j’ai appris une nouvelle bouleversante. J’ai appris que ma mère allait bientôt mourir.

En mai dernier, elle eu un diagnostic, une récidive de cancer de l’ovaire appelé carcinomatose péritoniale. C’est un type de cancer qui se développe sur la paroi du péritoine suite à un cancer de l’ovaire. Je suis tout de suite allée voir ces longs mots sur internet. Ce que j’ai lu m’a jetée par terre. On me disait qu’elle n’allait pas y survivre, que les chances de guérison étaient pratiquement nulles et que la chimio dans ce cas servait seulement à prolonger la vie. Avec toute cette information en tête, j’ai décidé de l’accompagner chez l’oncologue ayant la ferme intention de le confronter afin d’entendre ces même mots de sa bouche. Je voulais l’entendre d’un professionnel, sinon je n’y croyais pas.

Nous avons donc été appelées, ma mère et moi. Nous sommes entrées dans le bureau de ce médecin spécialiste en cancer qui, je croyais, allait me dire que le temps était compté. Il a donc commencé en disant à ma mère qu’il était triste d’apprendre qu’elle devait revenir ici se faire traiter, il aurait plutôt souhaité qu’elle guérisse complètement de son premier cancer, survenu 2 ans auparavant. Il décrivait les derniers mois, où la rémission semblait complète.

Puis, il nous a parlé du nouveau cancer. Il a dit que c’était encore le cancer de l’ovaire, mais sous une autre forme. Il a dit que le mieux, c’était de faire les traitements de chimio. Après quelques traitements, une scanographie allait être passée pour voir si elle y répondait bien, puis on allait voir. Ma mère et moi, nous nous sommes regardées, perplexes. Qu’est-ce que ça veut dire : «on va voir après»? et «On va commencer par»? C’est quoi la suite? Nous avions une tonne d’interrogations. Le médecin a répondu à nos questions. Il a dit que la chimio était la meilleure option, que les patients répondaient souvent très bien au traitement. Je lui ai donc demandé ce que ça voulait dire bien répondre au traitement... et il a dit que dans plusieurs cas, la chimio fonctionne. Des phrases finalement très évasives. Je trouvais cela étrange. Pour moi, quelque chose n’allait pas. Nous lui avons donc demandé qu’elles étaient les chances de guérison. Il nous a sorti un paquet de statistiques, mais rien de très clair. Il nous a dit qu’entre 10 et 15% des patients répondent positivement au traitement de chimio. Finalement, la même chose encore et encore a été répétée. Nous sommes donc sorties du bureau pensant que les chances de guérison étaient entre 10 et 15%, pourcentage qui nous semblait juste. Nous sommes allées voir l’infirmière qui a dit la même chose que le médecin en voyant ma mère. Elle était très attristée de la voir revenir, elle aurait voulu la savoir remise totalement, comme dans les derniers mois. Elle nous a donné un peu plus d’information sur la gravité du cancer. Elle nous a dit que ce n’était pas beau à voir, qu’il y avait une plage de métastase dans son ventre. Nous lui avons encore demandé qu’elles étaient les chances de guérison et elle a répondu la même chose que le médecin : des fois, les patients réagissent bien à la chimio. Elle nous a expliqué que l’activité du cancer pouvait descendre. Vous aurez compris que personne ne nous a parlé de réelle guérison jusqu’à maintenant. Cependant, personne ne nous a dit non plus que notre temps était compté. Bien entendu, dans ce cas, l’espoir prend le dessus.

Donc, pendant 4 mois, nous avons vécu dans l’espoir. Je dis nous, mais de mon côté, j’avais été témoin des paroles nébuleuses des spécialistes et elles résonnaient dans ma tête de plus en plus fort. J’avais l’impression qu’il manquait une information, que nous avions mal compris la gravité de ce cancer. En même temps, je résistais à ces pensées puisque, lorsque je les verbalisais, les personnes me reprenaient souvent me disant de rester positive (ce qui voulait dire que j’étais à ce moment négative) et de ne pas perdre espoir. J’ai donc vécu 4 mois où la culpabilité, la honte et le tourment faisaient partie intégrante de mes journées. Jusqu’à ce que le résultat de la scanographie se montre le bout du nez : 30% de diminution. Wow! Ma première réaction fut : juste ça! Toute cette souffrance pour un petit 30% de réduction. J’ai changé mes pensées, me disant que j’avais eu tort de croire qu’il y avait quelque chose qui clochait. Il se peut que notre jugement nous joue des tours. J’ai donc fait la paix avec mes 4 derniers mois de mal être et je me suis dit que finalement, la guérison était réellement possible, comme ma mère et mon frère le croyaient et j’ai célébré avec eux. Nous avions tout de même quelques questions : quelle est la suite des choses? Les trois derniers traitements allaient-ils suffire pour éliminer complètement le cancer? 30% de réduction, ça représente quoi exactement? Toutes ces questions, ma mère les a posées à l’infirmière. Femme très gentille, très tendre et empathique, sa figure a changé lorsqu’elle a entendu ces questions. Ma pauvre Lorraine, elle s’est certainement dit. L’infirmière lui a expliqué que la chimio qu’elle fait est de type palliatif, donc le 30% de réduction, c’est juste une réponse positive au traitement, mais le cancer ne s’en ira jamais. La tristesse ressentie par l’équipe de spécialistes était grandement justifiée, sachant qu’ils allaient perdre cette femme si agréable et pleine de bonté. Les «ça fonctionne pour certains» voulaient en fait dire «tu pourrais gagner du temps». Un médecin veut donner de l’espoir au patient. Il tente de dire, en des phrases floues, qu’elle ne survivra pas à cette maladie. Si on arrive à lire entre les lignes, on comprend immédiatement. Par contre, il est possible d'interpréter ces phrases d'une façon très optimiste également, si nous avons envie de vivre dans l'espoir d'une guérison future.

Suite à tout cela, ma mère a  décidé de rencontrer son gynécologue puisque, de toute façon, son rendez-vous était dans la même semaine que cette triste nouvelle. Elle ne lui a pas laissé la chance d’être évasif. Elle lui a demandé si ce cancer pouvait être guéri, il lui a dit que non, malheureusement, c’était un cancer trop gros, trop grave, aucun traitement n’en vient à bout. Elle lui a demandé ce qui va arriver quand la chimio va finir. Il lui a expliqué que peu à peu, tous ses organes allaient être touchés. Elle lui a demandé si c’était le dernier Noël qu’elle allait passer avec sa famille, il lui a dit que oui, c’était le dernier.

La mort est une étape de la vie. On doit franchir cette étape un jour ou l’autre. On doit voir nos proches franchir cette étape également. On doit continuer à vivre malgré tout. Je vais certainement perdre ma maman dans la prochaine année. Voici ce que j’ai su cette semaine. Maintenant, je suis perdue. Je suis totalement perdue.

Et pourtant, le matin, je me lève, je prends mon café, comme d’habitude. Je regarde mon copain avec le même sourire. Mon cœur reste rempli d’amour pour toutes les personnes qui m’entourent. J’apprécie encore plus le temps passé avec cette femme merveilleuse qu’est ma maman. Je respire, toujours, encore et encore. Je m’intéresse aux même choses, je me pose les même questions, je regarde encore les bottes de la fille à droite de moi dans le métro parce que caline, j’en voudrais une paire comme ça! Je ris encore aux blagues stupides de mon meilleur ami, je dis merci aux personnes qui me tiennent la porte en sortant de l’épicerie, j’écris, encore. Oui, la vie continue, que tu sois perdue, que tu sois triste, en colère, que tu perdes un être cher, que ton cœur se brise ou que tes rêves s’éteignent, la vie doit continuer et on peut toujours y trouver une beauté si le cœur nous en dit. Je compte bien honorer ma mère en ne laissant jamais aller mon espoir et en continuant à me lever, chaque matin en remerciant le ciel de tout ce que j’ai et de tout ce que j’ai eu. J’espère trouver la force en moi afin d’inspirer chaque femme vivant un moment difficile à contempler leurs émotions, les laisser sortir, les embrasser, les accepter, en parler avec leurs proches ou avec un professionnel, pour finalement lâcher prise et se laisser la chance de continuer à vivre pleinement.

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Source: http://cherrybam.com/

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