Depuis cinq heure ce matin, je suis incapable de dormir. Je me roule en boule, m’étire de tout mon long; rien n’y fait. L’écume de mon cœur empêche à mon corps l’accalmie que lui apporterait le sommeil. Grand bien me fasse, je me lève et j'essaie de coucher sur papier ce qui me perturbe. On dit qu’écrire une lettre, même si l’on ne l’envoie pas, efface la moitié de ce qui nous rend « mal ». Je testerai donc cette théorie ce matin, en écrivant maintenant.
Je ne suis pas fière de moi. Honte à moi… Je fais, ces jours-ci, ce que j’ai toujours jugé être mal, ce que je sais être. Je m'enterrerais au fond d’un trou en attendant que ça passe, mais ça ne s’altèrera pas cette fois, puisque c’est moi la méchante dans l’histoire.
Ayant toujours été le porte-drapeau de la fidélité, de la monogamie, qui suis convaincue qu’un cœur n’est fait que pour « aimer » une seule personne à la fois, je suis attirée par trois hommes. Au secours… Que suis-je en train de devenir? J’aurais besoin d’un abat-vent pour faire taire, arrêter tous ces vents contradictoires qui tempêtent dans mon cœur.
Depuis l’âge de 14 ans, j’ai enchainé les amoureux jusqu’au début de ma quarantaine. J’ai, chaque fois, mis un point d’honneur à terminer une relation avant d’en commencer une autre. Je n’ai même jamais fantasmé, rêvé d’un autre homme, alors que j’étais en relation. J’ai pris une pause de deux ans pour me connaître et à la suite de cette pause, je serais donc devenue cette femme qui s’aime maintenant, mais qui arrive à craquer pour trois hommes?
Le premier, je l’ai rencontré début janvier et à l’instant même, j’ai craqué. Ça ne m’aura pris que trois secondes pour que je sache qu’il me plaisait. Nous avions préalablement texté, alors je savais qu’il écrivait bien, qu’il était drôle, et qu'il avait de la répartie. Physiquement, il était sportif, donc était attirant et avait un beau visage et sa voix me plaisait aussi. Mais, et je pourrais écrire, MAIS, je ne crois pas que ce soit un humain vrai, je pense même que c’est un maître parure. Il est faux, il y a peu en lui qui soit vrai… C’est l’archétype de l’homme parfait. Depuis tout jeune, il ne fait que suivre LA bonne voie, il écoute ses parents, suit les consignes. Il ne sort jamais du cadre, fait toujours ce qu’on attend de lui. TOUT! Il n’est que l’enfant qui a grandi dans l’étau où l’ont mis ses parents alors qu’il était au berceau. Il ne fait que ce qui est bien et politiquement acceptable. Par exemple, il n’a jamais pris de drogue, parce que la drogue, c’est mal.
Ce qu’il fait est en fonction de l’image ou l’idée qu’il veut donner de lui. Il s’habille bien pour qu’on le trouve beau, fait du sport pour avoir un corps athlétique, envoie ses enfants dans une école privée, en croyant qu’il leur offre ce qu’il y a de meilleur. Il a un boulot, au-devant de la scène, où il ne fait que briller. Mais c’est un Ken. À l’aube de la cinquantaine, il a encore peur de déplaire à papa et maman, à ses amis, à ses voisins, à ses collègues. Il fait tout en fonction de ce qu’il DOIT faire et non en fonction de ce qu’il a ENVIE de faire. Mais en réalité, il est peureux… Il porte des fringues de marques pour qu’on le voit bien sapé. Il pratique des sports où il saura qu’il sera vu et admiré, en utilisant le meilleur équipement (ne s’entraine pas dans son sous-sol où il passerait inaperçu). Il envoie ses enfants au privé, mais ne fait jamais d’activités avec eux, ne fait pas de sport, ne voyage pas, ne joue pas avec eux. Ceux-ci passent leur temps sur leurs appareils électroniques ou dans leurs chambres. Par contre, il se vante à qui veut l’entendre qu’il est le super papa de cinq enfants. Il est bon pour faire de beaux discours, passer pour un héros, mais dans les faits, il ne fait qu’exécuter les ordres qu’il reçoit d’en haut et n’est qu’un pion sur l’échiquier. Il ne fait que ce qu’on lui ordonne de faire. Il n’a jamais pris de drogue, mais il passe la plupart de ses soirées seul à la maison alors que personne ne le voit, à s’imbiber de gin.
Il ne cherche pas à tomber amoureux, à mettre son cœur à nu. Il cherche le pétard absolu au bras de laquelle il pourra se pavaner, et qu'ils sembleront être un couple parfait. Barbie et Ken. Pourtant, je suis attirée par lui d’une façon que je ne peux comprendre. Il fréquentait/fréquente peut-être encore sa Barbie de revue. Pourtant, nous avons échangé plusieurs moments intimes, plusieurs écrits, plusieurs en personne, bref plein de trucs. Il m’a dit, dernièrement, qu’il avait envie qu’on essaie ensemble « pour vrai ». Il devait donc mettre fin à sa relation amoureuse et moi, je devais dire à l’homme avec qui je commençais une relation que c’était fini. Pas question de commencer une nouvelle idylle en ne mettant pas un terme au préalable à celles que nous vivions chacun de notre côté. J’ai tenu ma part du marché le jour même, alors qu’il ne l’avait pas fait 48 heures plus tard. N’était-ce pas prévisible? Après près de deux mois de « niaisage », je lui ai dit que je n’avais plus de temps à perdre dans cette relation stérile, mais surtout avec un homme qui n’avait pas de parole (honte à moi: pour être capable d’avoir cette dite conversation, je m’étais enfilée au préalable une couple d’onces de gin et mes souvenirs de ladite conversation et du message que je lui envoyais par la ensuite sont vagues). Pour les besoins de la cause, nous l’appellerons numéro un (parce que c’est lui qui a happé mon cœur en premier).
À un moment où numéro un avait décidé de me tasser dans le coin, j’ai décidé de rencontrer d’autres hommes. De voir si je pouvais ressentir de l’intérêt pour un autre mec. Un jour, fin janvier, je l’ai rencontré… Nous nous connaissions depuis plusieurs années, sans nous connaître vraiment. Lorsque nous nous sommes vus une première fois, je l’ai trouvé beau, grand, il était aussi physiquement attirant, j’ai été charmé par sa gentillesse, par les égards qu’il avait à mon endroit. Je me sentais en sécurité avec lui; il marchait du côté du trafic, m’a offert ses gants alors qu’il voyait que j’avais froid aux mains. Il s’intéressait à moi pour vrai. Il avait été blessé amoureusement par le passé et voulait prendre son temps pour essayer de ne plus avoir mal. Il n’a pas voulu me brusquer, aller trop vite. Nous nous sommes racontés en profondeur, avons partagé notre passé. Le beau et le moins beau, le facile et le difficile…
Il voulait une relation amoureuse où nous bâtirions sur du long terme. Il voulait « refaire » sa vie avec la femme qu’il aimerait. Un vrai de vrai bon gars. Un gentil comme il ne s’en fait plus. J’avais besoin de lui, il était là. J’avais besoin d’air, il m’en laissait. Il se foutait que je déconne un soir et que le suivant, j’aie de la misère à sortir de ma bulle. Il acceptait tout de moi, appréciait tout de moi. Mes imperfections, il arrivait à les accueillir. Je n’ai pas un corps parfait et il le désirait tel qu’il est. Il me souhaitait bon matin, prenait des nouvelles de moi, me souhaitait bonne nuit. Passait en surprise pour m’embrasser ou me faire un câlin. Il était compréhensif, savait m’écouter. Il me respectait à tous les niveaux. Il a rencontré mes enfants et moi, son fils. Nous nous entendions tous bien et passions du temps ensemble comme si ça faisait plusieurs années qu’on se connaissait. Je savais qu’il serait un amoureux aimant, prévenant, doux, gentil, respectueux, affectueux. Bref, le genre d’amoureux que toute femme rêve d’avoir.
Mais mon cœur n’arrivait pas à suivre le pas du sien. J’ai mis fin à notre relation, alors que numéro un et moi avions décidé d’essayer. Malgré que je lui aie dit qu’on arrêterait de se « fréquenter », il a continué à m’écrire, me disant combien cette décision le peinait, qu’il s’était attaché à moi, qu’il nous voyait bâtir une relation à long terme. J’étais encore plus mêlée… Il était si gentil, j’aurais eu UNE relation idéale…