Il y a quelques jours, j’ai appris le décès de celle que je considère comme mon arrière grand-mère. 99 ans de vie, un sourire à faire rougir, et une envie de vivre comme j’en ai rarement vue. Des histoires drôles, des cheveux rouges, et ses petits pas de danse.

deuil lanterne

Source: Bhavishya Goel

J’ai appris la nouvelle avec 6 h de décalage. Ma famille en France, moi à Montréal. Eux avaient déjà commencé à souffrir alors que je me réveillais à peine. L’onde de choc à la sortie du lit, quelques larmes sous la douche, et puis direction le travail. Une journée moins agréable que les autres certes, mais je n’ai pas vraiment réalisé. On a tendance à dire qu’on ne croit que ce que l’on voit, et moi je n’ai rien vu. Ni ma famille en deuil, ni rien du tout. Juste des messages m’annonçant la nouvelle.

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Source: Janak Chandarana

Comment fait-on pour réaliser ce genre de choses quand on vit aussi loin des tiens? Je me suis posé tout un tas de questions, j’ai retourné ça dans ma tête, j’ai très peu parlé à ma famille. Pour leur dire quoi? Que je pense à eux, que j’aimerais être près d’eux, que je suis triste. Ils le savent déjà, mais au final je suis quand même toute seule à l’autre bout du monde, et ça, personne n’y peut rien. Alors peut-être que c’est mieux de ne pas vraiment réaliser, de laisser en suspens ce moment qui de toute façon me fera du mal. Je réaliserai lors de mon retour en France, où comme à chaque fois je serais allée lui faire un bisou et lui raconter mes péripéties. Mais elle ne sera pas là, je ne ferai de bisous à personne, et je raconterai mes histoires à une chaise vide dans laquelle je la vois encore rire, avec son plaid rouge sur les genoux.

J’appréhendais de vivre un deuil à distance, c’était peut-être l’une des choses qui me faisait le plus hésiter à partir. C’est une autre manière de gérer, de se confronter à ses sentiments. À Montréal, très peu de gens connaissent ma famille, et pourtant, ils ont été là pour moi, à leur manière. Au final, le deuil à distance ça ne se vit pas, ça s’impose à toi. Tu n’as pas le choix que de continuer ta vie, d’aller au travail, de faire la fête, de profiter. Comme si tout ça n’était qu’un mauvais rêve. Le retour à la réalité, lui, risque d’être plutôt brutal.

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