Aujourd’hui, j’ai envie de parler d’un combat que j’ai dû à affronter, un qui m’en a fait voir de toutes les couleurs. Maintenant âgée de 22 ans, je crois bien avoir repris le contrôle, ce dernier n’ayant plus d’emprise sur moi… Toutefois, je le sens toujours près de moi, prêt à attaquer dans mes moments de faiblesse et j’espère juste avoir la force nécessaire pour me défendre le moment venu.
C’est étrange à quel point, jusqu’à présent, je semblais décrire une relation troublée entre un homme et une femme… Ce que je vous confie s’y apparente un peu de par la domination que ce trouble a sur les gens… Je vous parle ici de la relation malsaine que j’ai eue avec la nourriture pendant plusieurs années. Les troubles alimentaires sont, à mon avis, encore plus forts que l’homme et c’est ce qui me fait le plus peur. Je n’ai plus vraiment peur pour moi, croyant peut-être naïvement que ce problème est chose du passé (je touche à du bois). Je m’inquiète plutôt pour tous ceux et celles qui auront à traverser ce combat, parfois seuls, dans l’inconnu.
Source @David Cutler
J’ai en fait commencé à avoir une relation plutôt confuse avec la nourriture vers la fin de mon secondaire. Je n’ai jamais été la personne la plus confiante, mais avant cela mon poids ne m’importait pas maladivement. Au secondaire, j’ai commencé à m’entraîner à la maison et je surveillais un peu ce que je mangeais sans toutefois aller dans l’excès.
C’est au cégep que les choses ont commencé à dégringoler. Comme mon horaire scolaire était variable, je passais beaucoup de temps à la maison et j’ai commencé à m’intéresser davantage à la cuisine (qui est maintenant pour moi une véritable passion), surtout à la cuisine santé ! Comme je me suis toujours assez bien alimenté, personne ne s’est posé de questions, se disant que c’était normal pour moi.
Plus les années passaient, plus je m’entraînais (à l’occasion même plus d’une fois par jour) et la grosseur de mes repas commençait à diminuer petit à petit. Mon entourage a commencé à se poser des questions puisque j’avais perdu du poids (je ne faisais aucunement d’embonpoint donc je n’avais pas besoin d’en perdre) et j’étais extrêmement sélective envers les aliments que je consommais. Heureusement, malgré toutes mes restrictions, je n’ai jamais arrêté de prendre mes trois repas par jour.
Malgré les remarques des gens autour de moi qui me disaient que c’était assez et que je deviendrais malade si je continuais, je ne pouvais pas lâcher prise. J’étais surtout tannée d’entendre des remarques du genre : « Eille, tu t’en viens pas mal maigre la, mange dont un bon gros steak ça va t’aider ! » Puis d’un autre côté, je recevais tous ces compliments. Les gens commençaient à remarquer ma perte de poids et ils passaient beaucoup de commentaires positifs (du moins, c’est ce que je croyais à l’époque), chose à laquelle je n’étais pas vraiment habituée et qui me poussait à continuer. Un « Crime tu as perdu du poids, t’es vraiment belle » était sans doute le plus beau compliment que je pouvais recevoir. Quand j’y repense aujourd’hui avec du recul, je me rends compte que c’est la pire chose à se faire dire et quand j’entends quelqu’un le mentionner à une autre personne, ça me sille dans les oreilles!
Je sais que les gens ne le disent pas par méchanceté, mais un simple « T’es belle! » suffirait non?
Bref, l’année dernière, j’ai craqué! Lors d’un souper avec mes amies, j’ai tout déballé. J’ai expliqué qu’à chaque fois que je mangeais, un stress s’emparait de moi. J’étais tellement à bout de souffle, tellement tannée de planifier ma vie dans les moindres détails. Tannée de devoir dire à mon chum qu’on ne pourrait pas se voir tel ou tel soir parce que je devais m’entraîner. Tannée de regarder le plat de pâtes devant moi qui me faisait tant envie et de finalement en manger une portion grosse comme celle d’un enfant pour être sûr de toujours rentrer dans mes jeans qui étaient loin d’être serrés. Tannée de ne plus avoir d’énergie pour m’entraîner (sans toutefois m’arrêter), d’avoir toujours froid et de tomber malade super facilement ! J’étais surtout tannée que toute ma vie se résume à ça. C’est à ce moment que j’ai décidé d’agir!
J’ai alors cherché des centres sur Internet pour les troubles alimentaires…J’étais si nerveuse d’appeler, non pas par crainte d’admettre mon problème puisque j’en étais pleinement consciente. J’étais plutôt anxieuse à l’idée de me présenter à la rencontre et que la conseillère me dise : « Tu n'es pas si maigre que ça quand même, c’est juste une phase qui va te passer ! Nous, on traite les vrais cas, les filles qui n’ont plus que la peau sur les os ! ».
Finalement, je me suis lancée et je suis allée à la maison L’Éclaircie, et ce, malgré mes appréhensions. J’ai rencontré une intervenante et je lui ai avoué ma crainte et ce qu’elle m’a dit a probablement réglé mon problème de moitié sur le coup. Elle m’a dit que la plupart des filles étaient dans ma situation, même que certaines faisaient de l’embonpoint, mais que ça ne voulait pas dire qu’elles n’avaient pas un problème pour autant. Je crois que c’est à ce même moment que j’ai réellement saisi l’ampleur de mon trouble.
Le simple fait d’avoir discuté avec elle a complètement changé ma vision de la nourriture. Je voulais recommencer à manger ce que je voulais et quand je le voulais et je souhaitais redevenir « normale ». La maison L’Éclaircie m’a contactée pour une thérapie de groupe à laquelle je n’ai malheureusement pas pu participer, mais je n’ai aucun doute des bénéfices liés à cette dernière.
Source de l'image de couverture @Aidan Koch