J'ai senti que soudainement, je manquais d'air. D'un coup, c'est comme si je venais de monter un volcan en courant et que l'altitude m'enivrait, mais sans la belle vue. Juste un point entre mes seins. Ou un coup de poing. Ma gorge se serrait, je me sentais désorientée, comme si je perdais un peu pied, mais que je pouvais encore me cacher sous ma carapace. J'ai gardé le sourire avec la larme qui se dissimule derrière les longs cils, cachée des autres, mais rendant l'oeil juste assez humide pour le brouiller. Et j'ai accéléré le pas. Je ne pleure pas en public. En fait, normalement, je ne pleure pas.

Fin 2019, j'ai craqué.

Le bonheur, quand on te dit qu'il te colle à la peau depuis l'enfance, tu y crois et ça devient une marque de commerce: tu es une personne qui a le bonheur facile, tu l'as eu cette pilule à la naissance. Besoin de s'inquiéter pour toi? Non. Non, tu l'as le bonheur. On dit souvent que la jeunesse se croit invincible. Je faisais partie du lot. Invincible. Amenez-en des défis, des projets, des heures de travail sans fin, j'étais au poste. J'écoutais ceux qui s'avouaient avoir des faiblesse. Je comprenais, mais je ne les vivais pas. Et je me disais que j'étais chanceuse.

Je le suis encore. Mais j'ai craqué.

Craquer comme tu penses que ça n'arrive qu'aux autres. Craquer pas parce que tout va mal, juste parce que tout va trop vite. Craquer.

Mais, y'a eu un raz-de-marée dans ma tête pour la première fois. 

Cheers 2020? En vieillissant, j'ai parfois l'impression que plusieurs Camille se font compétition. Elles veulent toutes un maximum de temps, mais je n'ai plus le feu d'avant alors que l'énergie semblait éternelle, tandis que j'accumulais les siestes nocturnes au lieu des nuits. Mon corps capitule: le sommeil n'est plus optionnel. Mon temps disponible devenant une ressource plus rare, les Camille lutte pour l'obtenir : femme d'affaires, femme de famille, amie, amoureuse, blogueuse, animatrice, sportive... Les chapeaux s'accumulent, mais l'empilage chancelle. Suis-je la seule qui parfois ressent ce vertige?

On dit parfois qu'il faut faire les choses une étape à la fois. J'ai pris les bouchées triple. Nouvelle maison, changement de personnel à l'agence, projet de rénovation, temps des fêtes, être une hôte parfaite, ça cognait fort à la porte de ma tête. Et je répondais présente. Présente et souriante. Alors qu'en dedans, je voyais la tornade...sans fin.

camille dg plongée raz-de-maréeCrédit photo: Benoit Bruhmuller

S'en sortir un souffle à la fois.

Je respire très lentement. Aucun lien avec cet article? Oui. J'ai appris à faire ralentir mes battements cardiaques très jeune. J'ai appris à me détendre par la respiration. Quand tu nages toute jeune, tu apprends vite à utiliser adéquatement l'oxygène. C'est comme quand on fait de la plongée, plus je me calme, plus je reste longtemps au fond de l'eau.

Alors je me dis qu'un souffle à la fois, je verrai le bout de la tornade. Ma solution depuis le retour au boulot? Je ralentis davantage. J'arrive à la maison et je dévore des romans. Loin des écrans, des projets potentiels, des invitations de dernière minute et de cette envie de tout faire. Drôle de manière de commencer l'année, mais je me sens me reconnecter avec celle que j'étais adolescente, alors qu'un livre n'attendait pas l'autre. Et ça m'apaise. Je me suis même réinscrite en natation. Comme si me recoller à la Camille ado allait me permettre de me détacher de toutes ces tâches qui se bousculent et qui me font sentir étouffée...

Cheers 2020! Je ferai de toi une année qui commence le souffle court, mais qui finira en beauté... parce que je mettrai tout en oeuvre pour qu'il en soit ainsi.

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