Je m’appelle Marie-Soleil Lavoie, je suis une jeune femme de 21 ans, eh oui, je vis dans le Nord.

Je suis une fervente habitante de cette petite ville qui compte environ 2500 habitants, située à 565 kilomètres de Baie-Comeau, Fermont.

Les gens sont curieux et me demandent souvent à quoi ressemble ma vie par ici.

Alors la voici.

Mon igloo est construit en parallèle à celui de mes parents.

 Laissez-moi vous dire que la construction prend bien moins de temps et est bien moins chère que dans votre coin. De la glace : ça coûte pas cher.

Le soleil se lève et chaque matin la routine est la même. D’abord, je réveille mon coq ( Baptisé Bertrand ) . Il me chante le réveil avec 3-4 cris, qui faussent autant que ma sœur chantant sous la douche du Céline dans le tapis. Je le réveille avec une petite tape sur les foufounes, parfois deux. J’ai besoin de mon petit 5 minutes de plus, parce que 5h du matin, croyez-moi, ça fait tôt pour aller pêcher le déjeuner de mes 15 frères et sœurs dans le lac glacé.

Bon bien ce matin, je n’ai pas attrapé de poisson, ça fait que pas de déjeuner. On va boire de l’eau. Celle du lac qu’on a ramassée à la chaudière. Une fois bouillie et décontaminée.

L’eau courante ne s’est pas encore rendue dans mon coin de pays. Elle s’est sans doute perdue sur notre belle route 389, comme l’internet d’ailleurs, ou bien l’invention de la télévision, ainsi que le téléphone cellulaire.

Suite à ma petite routine matinale, j’emprunte les trois chiens de traîneaux de la famille.

Aller-hop, et en moins de deux, Bobby, Tophe et Tinus affrontent la tempête droit devant, direction le boulot.

Je rigole.

On est tout de même en 2020, ici aussi.

C’est seulement dû au fait que j’ai entendu mille et une questions de ce genre. Je me devais donc d’en rire un peu avec vous aujourd'hui.

Nord aurore boréale magnifique

Source image : Jocelyn Blanchette photographie

Maintenant, démystifions un peu les mythes et les réalités de ce que veut dire : Habiter à Fermont.

Oui, la route de la 389 est aussi rocambolesque qu’une montagne russe pas trop sécuritaire, où est-ce que t’as très peur de ne pas arriver à destination.

Oui, le réseau plante souvent.

Oui, les pannes de courant sont courantes.

Oui, oui et oui à tout cela.

Mais parlons d’un véritable exploit.

Le mur.

Le fameux mur, appelé mur-écran.

Je t’annonce en ce jour qu’il existe bel et bien. J’ai d’ailleurs habité cette légende.

Ce n’est pas que j’ai envie de me vanter, mais t’as-tu ça toi, un centre commercial, muni d’un bar de danseuses au centre, qui joue simultanément le rôle d’un beau petit coupe-vent jaune? Parce qu’avec une longueur de 1 300 mètres et une hauteur d'environ 25 mètres, crois-moi que les vents du nord font demi-tour aussi vite mon papy face à mamie quand elle est en ‘’ beau joualvère ‘’. Je veux dire, même la Covid a fait demi-tour face à ce mur-là, quoique face à mamie aussi. Par dessus le marché, cet établissement concentre dans une seule et même bâtisse : l’épicerie, le bureau de poste, une école primaire et secondaire, une radio communautaire, un hôtel et toutes les diverses installations sportives, comme l’aréna, la piscine, etc.

Je vis dans cette petite ville où est-ce que les maisons se ressemblent toutes.

De l’extérieure, elles ne ressemblent pas à grand-chose pour être franche et je vous mentirais si je vous disais que ce sont de belles maisons modernes.

 De l’extérieur, c’est laid, très laid. Personne ne vous dira le contraire.

 Mais l’intérieur… l’intérieur est de toute beauté.

De toute beauté, puisque la plupart du temps, elles sont occupées par de jolies petites familles.

De jolies petites familles, qui ont meublé leur cuisine de centaine de recettes de bonheur.

Qui ont encadré leur salon de milliers de souvenirs chaleureux.

Dans ces maisons où est-ce que les chambres à coucher sont tapissées de rires et que les murs sont repeints de rêves excentriques, l'air y est parfumé de gaieté et de douceur.

J’aime me répéter que l’extérieur raconte le travail de notre communauté et de ses habitants , si acharnés et persévérants, tandis que l’intérieur reflète la beauté de leurs accomplissements.

Parce que SAINTE que les gens travaillent. Ils travaillent dur, ils travaillent fort. Il ne m’est pas rare d’entendre que les gens du Nord font un bon salaire. Oui c’est le cas, on ne se le cachera pas. Néanmoins,  ils le travaillent en tabarouette.  Je tiens à lever mon chapeau à tous ces courageux ouvriers. Je vous dis bravo. Bravo, parce que vous n’êtes pas assez souvent félicités, pas assez souvent valorisés, pour tout ce que vous accomplissez.

J’aime ma ville. Je n’ai pas grandi ici, mais j’y prends peu à peu mes racines.

Si je devais décrire Fermont en un mot, j’utiliserais le mot : Famille.

Par ici, tout le monde se connaît (parfois les potins circulent un peu trop vite à mon goût, semblable à toutes les familles : On a tous un oncle Nicol qui veut savoir  ‘’ qui s’que t’as bécoté samedi soir ‘’ pis une tante Lisette qui commère la couleur de tes sous-vêtements à tout son petit club de sacoche. )

Je continue.

Tout le monde se connaît.

Alors, imagine-moi, le vendredi 16h, finissant ma journée, quand soudain, je croise Zazou mon grand chummey.

On s’ouvre une petite frette dans ma cour, l’avantage de l’igloo c’est que ça garde ma bière plus que froide.

Les amis de ma mère passent devant la maison, s’arrêtent.

Les voisins débarquent.

Johnny arrive avec sa douze de Bleue et Sam ne tardera pas avec ses petits drinks de filles. Mon père l’écœure avec ça, mais y finit toujours par les boire.

Petit tournois de basket, suivi d’une petite partie de 21.

Commence à faire frais, commence à faire noir.

On allume un feu, ça illumine nos petits visages heureux.

Emeric arrive avec sa guitare, nous joue une couple de beaux accords.

'' Maudite belle soirée '',  ces mots tournent en boucle dans ma tête.

Me crois-tu, si je te dis que j’ai hâte en titi d’aller acheter ma pinte de lait le vendredi après-midi? Parce que je le sais que ça finit toujours avec une caisse de bière et de bons amis.

Notre ville est belle.

Remplie de nature, de simplicité.

Le temps est littéralement mis sur pause ici, et donc le stress de la vie aussi. On est moins pressé, on prend le temps d’apprécier.

On découvre la vie, la vraie.

On respire de nouveau. On respire le renouveau.

On découvre le plein air et ses merveilles, ainsi que les plus magnifiques couchers de soleil.

On y découvre un sentiment paisible qui flotte dans les airs, qui calme nos eaux claires.

On découvre la pêche, le kayak, la randonnée, tandis que la beauté du lac Carheil et la splendeur du mont Daviault, ne cessent de m'émerveiller.

On découvre une nouvelle musique une fois l’hiver arrivée, celle des moteurs de sled, la main sur le gaz accoté.

On se fait des soirées karaoké un peu trop arrosées.

On reçoit des présents sur le seuil de notre entrée.

La petite barmaid du petit bar d’à côté, qui reçoit chaque semaine les meilleurs sucres à la crème. Qui reçoit beaucoup trop d’amour, et qui ne vous dira jamais assez merci en retour.

On s’aide, on s’entraide.

Fermont, c’est bien plus qu’une ville de travailleurs,

On est une communauté, une méchante belle communauté

On est une famille.

Merci Fermont, du plus profond de mon cœur.

Un merci spécial à Monsieur Truchon pour l’excellente et unique tarte au sucre que je mange en ce moment, nourrissant mes petits neurones de douceurs sucrées, inspirant chacun des mots que je réfléchissais tout bas, aujourd'hui écrits tout haut.

tarte sucre crème comptoir

Source image : Jocelyn Blanchette photographie
Source image de couverture : Jocelyn Blanchette photographie
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