Je me suis toujours sentie dans l’anormalité. Une case à part. Un cercle sans circonférence. Ou une sphère, puisqu’à certains moments de ma vie, je me suis sentie aussi vide que comblée, tout comme la surface de cette dernière.
Du plus loin que je me souvienne, dès mon enfance, j’étais dans la singularité, dans l’exception, l’anomalie. De par mes comportements, mes préceptes moraux, mes valeurs, mon paradigme de la vie ... étant encore à ce jour bancal, plus ou moins linéaire, voire chaotique. Je manque de cet équilibre. Celui qui rend libre. Celui qui libère.
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Mais à la fois, cette verticalité me remplit d’espoir.
Vous savez, je suis symbolique du syndrome du membre fantôme, désignant cette douleur, cette impression ressentie lors d'une amputation : s’exprimant par un inconfort éprouvé par le patient, post-opération.
De légers picotements, douleurs chroniques, sensation d’un membre toujours présent … alors qu’il est pourtant estropié, amputé… et donc, inexistant.
Comme notre mal. Comme mon mal, lorsqu’on révoque ma personne ainsi que ces sphères socio-affectives pour le moins paralytiques.
Dans mes souvenirs, je me visionne sous le règne d’une enfant roi, qui n’a jamais manqué de rien, n’étant que pure vérité. J’ai cependant d’autres mémoires, vives, animées, malséantes, instantanées, comme si je les avais vécus dans l’instant. Il est malheureux de dire que ces souvenirs ne sont pas aussi roses que l’illusion que je me peins, que je me brosse du portrait, nue, sans filtre, de mon enfance.
Dichotomique. Correspondant. Mais hétérogène.
Mes souvenirs sont à la fois l’image immaculée d’une enfance paisible ... et hautement déconcertante de par son occultation, sa volatilité. Ils sont à l’image de la personne que j’incarne aujourd'hui : le noir qui se marie parfaitement au blanc, sans pour autant se noyer, se nouer. Jamais les teintes n’ont eu de contraste. Jamais elles ne se fondent l’une dans l’autre.
Les palettes de peinture n’ont jamais eu suffisamment de teintes pour peinturer le faciès de mon innocence, de mon enfance.
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Je n’ai aucun contraste. Aucune ombre de couleur. Je suis blanche ou je ne le suis pas. Je suis noire, ou je ne le suis pas. Je suis couleur, ou je suis Charlie Chaplin, gris, rose, mais gris.
Mais, je n’incarnerais jamais le gris.
La zone grise, elle est grisée.
Inexistante. Annihiler.
Le juste milieu, l’entre-deux.
Univers étrange, inhabité.
Ce monde distinctif du mien.
Dont mon axe planétaire ne peut subsister
Je ne vis qu’aux premières lueurs de l’aube
Dans le confort de sa lucidité
La zone grise, elle est grisée.
Inexistante. Annihilée.
Avilie sous l’ombre d’une fraude
Je suis un poème inachevé
J’ai trop longtemps aimé les chemins
Je marche, je vole, je cours
J’ai longtemps aimé les trains
Puisqu’ils ne font jamais demi-tour
L’océan de mes courroux pointe sa boussole vers le nord
M’emporte, m’avale, l’océan se veut sans remous
Je ne veux qu’arriver à bon port
Ivre de feu, de joie. Ivre de mer morte.
Ivre dans le savoir, dans le pourquoi. Au fond j’ai suis ivre de ce qui me porte.
Le destin « cogne » à ma porte
Un continent sans issues
Tout comme les chemins qui mènent à Rome ;
Les voyages changent, mais se perpétuent
Je n’ai point de demi-teinte. Je suis un problème à moi tout seul. Je suis là maladie et la seringue qui guérit les cœurs trop jeunes.
Je suis les formes de ce monde qui ne conforment qu’à bon leur semblent,
Je serais toujours cette étrange chose : celle qui court à contresens.
Je suis la vieillesse et ses contraintes
La démence qui se termine bien
Le cœur léger, l’esprit tranquille
Je quête le chaos qui fait du bien
J’incarne à la fois le bonheur
Celui qui meurt au fond d’un verre
Comme la délicatesse d’une fleur
Celle qu’on ne peut jamais atteindre
Je ne serai jamais dans la normalité.
La normalité, j'ai substitué par un courant moins courant.
J’ai vogué au gré de mes tempêtes.
J’ai construit une ile,
Celle où tout le monde rêve
D’un monde où on encourage la diversité
Le bonheur, procréer
Je l’ai, je le tiens
Ne venez pas à ma rencontre, il ne suffit que du vôtre
Pour faire de ce monde le tien