C’est la réalité de tous aujourd’hui: on est confinés pour une durée indéterminée et le temps n’a jamais été aussi long. L’hiver n’en peut plus de finir et même si l’heure du printemps a sonné depuis quelques temps déjà, la saison froide récidive encore à coups de quelques flocons indésirables. On a beau apercevoir des arcs-en-ciel partout, j’ai l’impression que nos vies manquent de couleurs. On est beiges. On est gris. Entre notre divan, notre cuisine et notre lit, les allers-retours sont fréquents, on se lasse, on tente de s’occuper, puis on se re-lasse et on va se coucher. Je crois que tous le sentent: nos vies sont chamboulées et ne seront probablement plus jamais les mêmes.

J’ai lu à plusieurs reprises que, pour ne pas sombrer dans ce confinement et devenir esclave de son pyjama et ennemi de sa douche, il fallait s’établir des routines précises et les suivre à la lettre chaque jour, pour s’occuper. « Pour s’occuper ». Ce bout de phrase m’a beaucoup interpellée lorsque je l’ai lu. On veut s’établir des listes de choses à faire, de plats à cuisiner, d’entraînement à faire, pour que notre cerveau ne centre pas son attention sur la pandémie qui prend d’assaut notre humanité.

cahier ouvert today...Source image: Unsplash

Bien que je ne sois pas contre l’idée de s’organiser des journées (je soutiens moi aussi que c’est nécessaire), je crois que nous devrions toutefois y inclure, pour chaque activité que nous faisons, des moments d’observation. Je prenais une marche l’autre jour et il ne faisait même pas beau: il faisait gris et froid, il ventait. Je m’étais apporté de la musique, car je n’apprécie pas beaucoup le silence lorsque je suis seule. Or, j’ai mal géré mes affaires et à mi-parcours, mon lecteur de musique a rendu l’âme. J’étais donc prise avec mes pensées, avec moi-même. Malgré le temps qu’il faisait, j’ai regardé autour de moi et j’ai aperçu la beauté du paysage qui m’entourait: le ciel m’est apparu argenté et le vent, soudainement, semblait chanter. Puis j’ai pris conscience de l’action que je faisais: marcher. On sous-entend souvent les bienfaits de la marche. Je me sentais vivante, le cœur battant (je marchais d’un bon rythme), le bout du nez froid et les pommettes rouges, le petit serrement que je commençais à ressentir dans mes quadriceps, etc. Cette action, d’une spectaculaire banalité, sur le moment, m’a semblé extraordinaire.

J’ai donc voulu retenter cette expérience avec d’autres petites actions que j’accomplis au quotidien et qui paraissent, elles aussi, banales: faire des travaux d’université, cuisiner, flatter mon chat, manger, prendre une douche, passer du temps sur les réseaux sociaux et recommencer ce cycle ad vitam eternam. Et en prenant conscience de chaque chose que j’effectuais, j’ai pu apprécier chacune d’entre elles comme je ne l’avais jamais fait avant: mon chat ne m’a jamais semblé aussi doux, ma nourriture me paraissait encore plus colorée et goûteuse, j’ai apprécié comme jamais l’eau chaude et l’odeur du savon dans mes cheveux, même mes devoirs m’ont paru plus intéressants!

cactus ordinateur et croquisSource image: Unsplash

Et c’est la que j’ai réalisé une chose: la banalité peut être routinière et lassante. Mais elle peut aussi être belle, si on s’y arrête. Avant la période historique que nous vivons en ce moment, la vie nous emportait à la vitesse grand V. Je n’avais tout simplement pas le temps de m’arrêter. Maintenant que nous en avons l’occasion, je crois qu’il est important de oui, continuer une routine pour ne pas tomber dans des réflexions trop intenses, mais également de peser chacun des mots que l’on prononce, que l’on écrit, et de rendre la valeur à tout ce que l’on fait, aussi minime que ce la puisse être.

Et lorsque tout cela sera fini, qui sait, peut-être que cette habitude restera avec nous… Et ce sera pour le mieux.

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