Une soirée épique. Quatre amies dans un resto du Mile-Ex : Le Diplomate. Deux bouteilles de bulles plus tard, nos conversations n’ont rien de diplomatiques.

Rires et effervescence. Parler de sexe trop fort. Manger comme des cochonnes. Cruiser le serveur qui a la moitié de notre âge. La débauche. Avec classe.

Il est 23h. C’est le temps de passer aux choses sérieuses : danser. On se déplace donc au Taverna qui est situé juste à côté. Première impression : bar miteux. Je fais un tour d’horizon : des cinquantenaires vêtus de chapeaux de cowboy, des hippies sortis tout droit des années 70. Bref, une clientèle grisonnante d’habitués. Ça promet.

Mon manteau enlevé, je sens qu’on continue à me déshabiller des yeux. De la chair fraîche, voilà ce que je suis. Je prends une grande respiration. J’assume. J’assume mon âge. Mes courbes. Mes lèvres. Mon pouvoir d’attraction. Tant et aussi longtemps que les regards intrusifs ne se transforment pas en actes d’agression, je me dis que tout va bien.

Tout va bien. Je suis en sécurité. Je me le répète pour m’apaiser. Car je sens monter en moi une certaine anxiété. Celle d’éveiller le désir chez des hommes qui ne l’éveilleront pas en moi. Des hommes qui me colleront, qui me tripoteront et qui m’embrasseront malgré moi. Et que je devrai repousser du haut de mes 5 pieds.

Des mini-agressions vécues trop souvent. Tellement, que ces dernières années, j’ai développé des techniques d’autodéfense. La première : l’évitement. Soit, éviter de sortir danser. Carrément. Dommage… Car j’adore danser. Ayant des années de patinage artistique et de cours de danse dans le popotin, j’ai le rythme dans le sang. Disons que je n’aurais pas trop de problème à intégrer les partys de la bande du beau Johnny dans Dirty Dancing. Seigneur, Patrick Swayze… t’étais tellement sexy!

dirty dancing

Source: http://www.doyouremember.co.uk/

Ma deuxième technique d’autodéfense : me faire toute petite. Danser à moitié. Pognée. Surtout, ne pas trop bouger. Pour ne pas être remarquée. Pour ne rien provoquer. Encore une fois, dommage. Car dans ce temps-là, je m’emmerde. Mon mental est prisonnier de la peur. Mon corps est figé. Je suis incapable de ressentir la musique. De m’y abandonner.

Mais cette fois-ci, entourée de mes bonnes amies, j’ai la ferme intention que rien ni personne ne m’empêchera d’avoir du fun. Je laisse donc de côté les mauvaises expériences du passé et je m’accorde le droit de m’amuser. Le droit de danser comme je le veux. D’attirer les regards. D’éveiller le désir. D’être qui je suis. Pour le reste, on verra. Alea jacta est. Je saurai me défendre.

Passé minuit, la crowd s’intensifie et se diversifie. Il y a de tout pour tous les goûts. Je suis d’abord prise en charge par un Brésilien plutôt cute qui danse plutôt bien. Bon, un peu trop brusque et rapide dans ses mouvements, mais sinon, je passe du bon temps. Toutefois, quand il m’embrasse l’ensemble du visage en un seul baiser, j’ai davantage l’impression de participer à une « danse lessive » que « lascive ». Je m’éloigne. En m’essuyant.

Ensuite, il y a l’épisode « vieux-cochon-dégueulasse-aux-allures-de-pirate-qui-me-met-son-doigt-dans-l’cul-pendant-que-j’danse ». Sérieusement, avoir porté une jupe plutôt qu’un pantalon, j’y passais. Non mais! Quand j’ai senti ledit doigt fouiller mon arrière-train, je me suis retournée en un éclair vers l’ennemi et avec des yeux qui tuent, je lui ai crié : « Ça, c’est non. Fais de l’air. » Heille, Capitaine Crochet. Si tu penses qu’en me harponnant le cul tu vas pouvoir le posséder, tu te mets le doigt dans l’œil pas rien qu’à peu près. Non mais! Ça m’a tellement pompée que j’étais à deux doigts de lui « crisser mon poing dans’face ». Je mesure peut-être seulement 5 pieds, mais 5 pieds fâchés, ça fesse.

Au diable, le pirate! Je continue à danser. À m’amuser. Un moment donné, un John Doe sorti de nulle part me suit jusqu’aux toilettes et me dit : « J’ai beaucoup aimé danser avec toi. Je trouve qu’on danse bien ensemble. Tu as une belle énergie. » Quoi?!! Premièrement, on n’a pas dansé ensemble. Du moins, ce n’est pas parce que tu t’es frotté sur moi sans que je ne m’en rende compte parce qu’il y a ben trop de monde que j’ai dansé avec toi. Deuxièmement, ta pick-up line « tu as une belle énergie » me fait penser à « Je choisis Jonathan » dans Like-moi. Alors, tes avances sonnent comme une joke. Finalement, bien franchement, tu ne me plais pas. On va donc arrêter ça là, ok? Bien sûr, j’épargne le pauvre gars de tous mes commentaires acides et je lui glisse un timide « merci ». En me sauvant.

jonathan

Source: https://images.telequebec.tv/

À écouter : ce sketch 

Last call. Je sens de plus en plus de regards désespérés et affamés autour de moi. C’est le temps de partir, comme là là. Je mets mon manteau. Le bouncer me prend par le bras et me demande de rester. Euh non. Je me déprends. Enfin dehors. Je respire.

J’arrive chez moi, saine et sauve. Je fais le bilan. Outre un lavage facial brésilien, un doigt de pirate dans le cul et une pick-up line de Like-moi, je peux affirmer que… I’ve had the time of my life. J’ai dansé comme j’aime danser. Je me suis sentie libre, belle, désirée. J’ai bu, ri, chanté. Je me suis laissée aller. Certes, j’aurais pu atteindre des sommets si j’avais rencontré un Johnny. Un Johnny qui me regarde droit dans les yeux et qui, en me pointant du doigt, me dit de sa voix sexy : « On laisse pas Bébé dans un coin. Suis-moi. »

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