En 2016, quelque part en Thaïlande, après avoir été malade comme t’es malade en Thaïlande (je t’épargne les détails, je vais juste te dire que ça faisait deux-trois jours que je ne faisais pas grand chose à part dormir, prendre des douches froides et essayer de me convaincre que le ventilateur me poussait de l’air dessus, et là, soudainement top shape en plein milieu de la nuit), j’ai fait de l’insomnie et j’ai réfléchi à ma vie. Du genre, qui suis-je, où vais-je, la grosse affaire. Je revenais à Montréal dans deux semaines, dans un nouvel appartement parce qu’avant j’habitais avec mon copain et que... ce n’était plus mon copain. Une nouvelle vie.

Et c’est à ce moment-là que — tu vas aimer ça — en plein milieu de ma grande réflexion sur le fait que j’aimais donc ça être en voyage, essayer plein de nouvelles choses, rencontrer de nouvelles personnes et suivre des coups de tête, et qu’en même temps, je revenais avec un sentiment d’appartenance en moins (tsé, j’avais été « la blonde de », et ma gang, c’était pas mal sa gang) que j’allais bien devoir combler quelque part, j’ai reçu LE courriel :

« Le Club d’aviron de l’Université de Montréal recrute! » On a ça, ici, de l’aviron? Je connaissais vaguement ça à cause du film The Skulls (#joshuajacksonlove) et bon, j’en ai vu passer aux Olympiques sans trop regarder, mais j’ai googlé, pour en savoir un peu plus... Tu me vois venir, là, avoue!

JE ME SUIS INSCRITE.

Crédit photo : Étienne Triaud — Club d'aviron de l'Université de Montréal

C’était fou, fou, fou. Tout le monde a fait comme « Tu vas faire... quoi? Ça sort d’où? ». De nulle part. Justement. Ah et puis, j’ai oublié de te préciser un truc. Un truc quand même important : dans la vie, moi, je ne suis pas une athlète. Pas du tout. J’ai commencé l’aviron freestyle comme BARREUSE. Pour ceux qui ne s’y connaissent pas, vite comme ça, la barreuse, c’est la (petite) personne qui est assise au bout du bateau, à l’envers des autres, et qui tient la barre. Qui dirige le bateau, dans le fond, et qui donne le rythme aux athlètes et qui les motive en compétition (avec un micro). Bref, la barreuse, elle ne rame PAS.

Debout à 5 h du matin, dans le premier métro à 5 h 30, entraînement à 6 h au Bassin olympique du Parc Jean-Drapeau, 5 jours par semaine, les fesses dans le bateau, le micro sur la tête, à compter, à répéter les mêmes choses, à faire des allers-retours dans un bassin de 2,2 km sur 110 m. Ça change un rythme de vie, mettons. Se coucher à 22 h, c’était rendu tard. J’étais pompette après deux verres. Ça fesse un peu, surtout au début, de devoir gérer l’université, la job, les entraînements, les fins de semaine de compétition et d’essayer d’avoir un semblant de vie sociale. Mais sais-tu quoi? J’ai tripé comme jamais j’ai tripé dans ma vie. J’ai rencontré des gens extraordinaires, je me suis fait des amis pour la vie, je me suis impressionnée, des fois. J’ai été impressionnée par ce qu’on peut faire quand on travaille ensemble. J’ai fait grimper mon taux d’adrénaline et j’ai donné tout ce que je pouvais. J’ai ramé, même. C’est une sensation incroyable. On m’a initiée au coaching, aussi, en vélo sur les bords du bassin. J’appartenais à quelque chose. C’était magique. J’ai réussi à faire tout ça pendant un an et demi, sans jamais remettre mon coup de tête en question, parce que je n’étais pas la seule à le faire. Tout le monde est fatigué en arrivant à 6 h. Mais quand on repart pour commencer notre journée, « turboréveillé », à 7 h 40 dans le métro, alors que tous les autres passagers ont les yeux collés, on se dit que... l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, tiens.

Dans le dernier épisode de Dawson’s Creek, en 2003 — je te jure qu’il y a un lien, autre que Joshua Jackson — Jen disait à Jack : « I feel like I never really quite fit in. [...]  I want [my daughter] to belong, I feel like I never really did. » C’est sûr que ce n’était pas exactement du même sentiment qu’elle parlait, mais ça m’a marquée, parce que c’est vrai qu’on a tendance à se définir comme « l’amie de », « la blonde de », « l’étudiante en », bref, par notre sentiment de « belong ». Ça nous donne des points de repère, ça nous situe dans la vie. On veut tous « fit in » quelque part. Et je dis ça comme ça, mais l’aviron, c’était une appartenance vraiment plus saine que Dawson et Joey. #teampacey

Alors je t’encourage, toi aussi, à sortir de ta zone de confort et à essayer une nouvelle activité, à t’investir dans quelque chose. À te définir un peu plus. Et si tu aimes ça au moins autant que moi j’ai aimé mon expérience — même la moitié de ça — ça aurait valu la peine. On s’en reparlera, parce que je me cherche une nouvelle aventure!

Source photo principale : Unsplash

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