J’étais toute petite que, déjà, j’écrivais des histoires. Exutoire de prédilection pour exprimer toutes les idées sauvages qui couraient dans ma tête, mon esprit s’allumait en une myriade de couleurs vives et inventait des histoires de coccinelle géante, de cité perdue ou de pouvoirs magiques. Bien vite, j’ai compris que le contenu des livres était milles fois plus intéressant que la réalité. Surtout, les mots connaissent moins de limites que la vraie vie.

Avec le temps, j’ai délaissé les histoires fantaisistes et mon imagination fertile de petite fille. Je n’y croyais plus, à cet univers en technicolor, à ce monde où tout scintille et rutile. Car j’avais vieilli. Il arrive un moment où, aussi fort qu’on essaye, on ne peut plus fuir la réalité. Elle court toujours plus vite que nous.

tasse, carnets et livres rosesSource image: Unsplash

Au secondaire, les cours de français sont restés mes préférés et, au contraire de mes camarades de classe, j’étais toujours plus qu'heureuse de rédiger une dissertation, de prendre position et de laisser libre cours à mon inspiration sur un sujet donné. Ce n’est qu’en secondaire trois que j’ai commencé à écrire plus sérieusement et plus régulièrement. J’aurais dû le savoir, car c’était inévitable.

J’étais dans cette période critique, l’adolescence, où les hormones nous font ressentir les choses si brutalement et où plusieurs questionnements fondamentaux nous assaillent. Cette période étrange où l’on se sent incompris et immortel, mais qui s'avère hautement formatrice.

C’est donc à cette époque que l’inéluctable s’est présenté à moi: jeune fille sensible accablée par ce trop-plein d’émotions, par les gens qui ont le pouvoir de ternir ou d'embellir cette existence précaire, par la réalisation que ce monde est rempli d'échardes qui te grafignent le coeur. Après les premières peines, violentes ou insignifiantes, les premiers grands bonheurs, les amis, les amours, j’ai réalisé que l’écriture, pour moi, était vitale. Aussi essentielle à ma survie que me nourrir, dormir et respirer.

J’ai réalisé que d’apposer mes pensées sur papier, de les confiner et de les rendre captives d'un carnet calmait la tempête qui rageait à l'intérieur de moi. J’ai compris que, souvent, les préoccupations virevoltent dans ma tête, et je vois flou, et je deviens perdue, et j’ai mal au cœur. Il y a quelque chose de particulièrement apaisant au fait de mettre ses idées, autrefois concepts intangibles, en mots concrets. De pouvoir les toucher, les palper, les parcourir du doigt. L’écriture me permet de rassembler mes idées, de ranger le désordre dans mon crâne et de le classer pour qu'il fasse plus de sens.

write without fear edit without mercySource image: Unsplash

Prendre ma plume me force à opérer une réflexion sur moi-même. Parfois, il arrive que je me sente triste sans raison et c’est le pire. Je ne trouve rien pour recouvrir cette peine, pour l’habiller, lui donner une forme. Le fait de le mettre en mot m’oblige à prendre du recul et identifier plus clairement ce qui me tenaille. L’écriture me permet d’exprimer plus justement l’intensité et la fureur qui semblent peupler tout mon être.

C’est grâce à l’écriture que j’ai surmonté tout ce que j’ai eu à affronter jusqu’ici. Cette forme d'art m’a sauvée, m’a guérie plus de fois que je ne peux compter. C’est dans mes carnets que j’ai déversé mes pensées hors de ma tête, que j’ai laissé mes plaies exsuder, mon cœur saigner. J'ai écris désespérément, impétueusement, allègrement, follement, agressivement.

Si ce n’était pas de l’écriture, je ne serais pas ici aujourd’hui.

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