On se connaissait par des amis communs. Je savais qu’il n’était pas indifférent à moi puisque nous nous étions croisés à un événement spécial dans ma ville où il avait confié son intérêt à ses amis, qui l’avaient confié à leur tour aux miennes, pour finir par se rendre à mes oreilles. Le jeu du téléphone version cupidon. C’était le genre de petit tannant avec qui je ne me visualisais pas. C’est ce que je pensais à ce moment.

Nous avons commencé à nous parler. Je le trouvais drôle, je le trouvais gentil, ses compliments me faisaient plaisir. Je le trouvais cute, beau, attentionné. Je me surprenais parfois à m’impatienter à recevoir un de ses messages, à espérer le croiser en faisant des commissions ou à l’entraînement. L’attachement se développait peu à peu à coup de messages, tandis que ma vigilance, elle, fléchissait. Mes amies tentaient de me ramener à l’ordre en me disant qu’on était complètement différents l’un de l’autre. Je me suis entêtée à vouloir me faire mon idée par moi-même. Je me disais qu’il pouvait avoir un bon fond et qu’un futur ne pouvait pas être condamné à des prédictions basées sur des routes plus sinueuses de chemins autrefois empruntés. J’étais qui pour le juger si je n’avais pas marché dans ses souliers? Et puis, s’il y avait quelque chose qui cloche, j’étais assez grande pour tourner les talons au bon moment.

fille qui marche de dos automneSource image: Unsplash

Il me faisait sentir importante, désirée, merveilleuse. Il me répétait sans cesse qu’il se trouvait chanceux de côtoyer une fille comme moi parce que j’étais pour lui intelligente, belle, drôle et spéciale. Il était fier de me présenter à sa famille et à ses amis et ceux-ci m’appréciaient. Nous avons fini par sortir ensemble. Ça allait bien. J’étais contente de ne pas m’être fiée aux commentaires désobligeants à son égard puisque je me serais éloignée de cette relation ô combien merveilleuse, loin de me douter de ce qui m’attendait.

On avait des accrochages comme dans tous les couples. Certains accrochages me laissaient perplexe et me faisaient dire « voyons, c’est dont ben intense ce comportement-là » ou « pourquoi se mettre en colère pour cette banalité? ». Ça arrivait une fois de temps en temps, une ou deux fois par mois. Je me disais qu’il avait un très gros problème de gestion de la colère, mais je n’en faisais pas de drame parce que j’avais aussi un problème de gestion de l’anxiété, donc je me disais qu’on avait chacun nos bobos. J’essayais de le tempérer et ça fonctionnait. Il m’écoutait quand j’étais angoissée et me rassurait. L’équilibre était préservé, du moins jusqu’à maintenant.

Peu à peu, les colères occasionnelles devinrent plus fréquentes. Elles étaient orientées vers les autres la plupart du temps. Il pouvait être irrespectueux envers les gens de façon très intense et je ne me cachais pas de lui en faire part puisque ça me dérangeait beaucoup et que ça me faisait honte. Il finissait par m’écouter et se ressaisir. Peu à peu, ses colères envers les autres furent orientées vers moi plus souvent qu’autrement. Les colères fréquentes sont devenues hebdomadaires. Les colères hebdomadaires devinrent à leur tour présentes aux 2-3 jours pour finalement se présenter à chaque jour. En dernier, c’était plusieurs fois dans la même journée.

homme lumière rouge lunettesSource image: Unsplash

Tout pouvait le faire exploser, surtout quand il était question de la gente masculine. La fois où je m’étais préparée à un souper entre amies et que je m’étais mise coquette, à l’inverse de me dire « tu es vraiment belle, passe une belle soirée avec tes amies », il avait plutôt opté pour un « coudonc, tu t’arranges pour qui là? »

Si je ne répondais pas à plusieurs appels ou plusieurs textos durant une soirée où j’avais laissé mon cellulaire de côté, ça commençait par « rappelle-moi quand tu auras deux minutes mon petit coeur d’amour » et finissait par « tu veux vraiment me faire pogner les nerfs hein, t’es vraiment une petite conne ». Je me rappelle de la fois où il était embarqué dans mon auto et qu’il avait fait un commentaire sur le siège qui avait été bougé. Il s’était mis à me questionner à savoir qui avait été le dernier à être du côté passager. C’était un de mes amis qui avait été assis à cet endroit alors que deux de mes amies étaient assises à l’arrière. Je n’avais pas pensé que j’aurais eu droit à une colère parce que ça aurait dû être une amiE qui aurait dû s’asseoir à l’avant avec moi.  Je ne pensais pas qu’on pouvait penser à ça.

Je me rappelle de la fois où il m’avait pété sa coche à cause qu’il m’avait vu passer en auto pendant mes heures de travail avec un gars assis à côté de moi. Le gars en question était un de mes clients atteint de déficience intellectuelle que j’accompagnais à un endroit. Il n’avait pas voulu me croire.

Il s’est mis à ne pas aimer ma famille, dire que j’étais la petite fille à maman et papa, celle pour qui ils feraient tout. Il s’est mis à détester mes amies lorsqu’elles ont commencé à devenir inquiètes pour moi. J’ai commencé à avoir peur de lui parce que j’avais l’impression que quand il était fortement en colère, c’était le black-out dans son cerveau. Et que ça faisait en sorte qu’il aurait pu faire n’importe quoi.

Lorsque je tentais d’aborder le sujet qu’il faudrait peut-être que l’on prenne nos distances, il me disait: « si tu me laisses, je détruis TOUT en arrière de moi avant de partir ». Je lui répondais et je lui disais que s’il avait réussi à contrôler d’autres filles avant moi, ça s’arrêtait à mon passage. Je lui tenais tête, mais j’avais peur. Plus que je me tenais droite et forte, plus il était en colère. Plus il était en colère, plus il devenait incontrôlable. Plus il devenait incontrôlable, plus j’avais peur. J’avais toujours l’impression qu’il était sur le point d’exploser. Je devenais plus distante. J’avais de la misère à me coller et à être intime avec lui après qu’il m’ait insultée. Je n’étais  pas capable de faire abstraction des méchancetés quand il revenait à lui quelques heures après en voulant me coller. Pour lui c’était oublié, mais pour moi non.

femme noir et blanc couché dans le litSource image: Unsplash

Ça lui faisait encore plus pogner les nerfs que je réagisse ainsi et par le fait même, j’avais encore moins envie de me coller. Il m’a même déjà dit: « peut-être que si tu me collais plus, je ressentirais moins de rage pis je serais plus fin avec toi ». Et voilà, la faute sur l’autre. Il reconnaissait ses fautes seulement quand il sentait que ça pouvait attirer le pardon. Je me disais que, moi aussi, j’avais mes défauts, donc je normalisais les siens. Même si les siens étaient malsains...

Source image de couverture: Unsplash
Accueil