Le texte suivant a été rédigé dans le cadre du projet « Hommage aux fxmmes #metoo ». L’idée derrière ce projet est d'offrir une nouvelle voix au mouvement #metoo, particulièrement dirigé vers des dénonciations par les fxmmes d’agressions ou d’inconduites sexuelles, bien que les fxmmes ne soient pas les seules à être victimes de la violence sexuelle. Les auteurs.trices qui prendront part au projet partageront avec vous leurs réflexions, leurs opinions, leurs observations ainsi que leur soutien, leur amour et leurs souhaits pour l’avenir quant à la cause de la violence sexuelle. 

- Laurianne André, bachelière en sexologie

En octobre 2017, le mouvement #metoo émerge suite à une foulée d’accusations de comportements sexuels non désirés et d’agressions sexuelles envers des géants de l’industrie Hollywoodienne. L’évènement déclencheur a été lorsque l’actrice Alyssa Milano a encouragé sur Twitter les victimes d’agressions et d'harcèlement sexuel à commenter Me too sous son statut pour démontrer l’ampleur du problème. En quatre jours, 1.2 million de tweets #metoo sont créés 1. À l’insu du monde cependant, le mouvement avait été inventé en 2006 par la militante afro-américaine des droits humains Tarana Burke, qui encourageait l’émancipation (empowerment) des femmes à travers l’empathie (me too) 2. Ainsi, c’est la renaissance d’un mouvement international où #metoo deviendra un symbole de reprise du pouvoir des victimes à travers la dénonciation de masse.

Un des impacts saillants des évènements de #metoo a été de démontrer l’envergure du problème des violences fondées sur le sexe ou le genre (ci-après VFSG). C’est quoi les VFSG? Ce sont des actes violents perpétrés en raison d’être une femme (p. ex. les comportements sexuels non désirés, les agressions sexuelles, l’abus psychologique et physique, la coercition, et la séquestration) mais qui ne sont pas tous considérés criminels 3, 4. Au Canada, 39% des femmes âgées de 15 ans et plus ont vécu des agressions physiques ou sexuelles 3, et 28% des crimes violents rapportés en 2016 constituaient de la violence conjugale, avec 80% des victimes étant des femmes 5. L’ampleur de ces chiffres suggère un problème systémique, plutôt qu’individuel. Pourtant, les sentiments de honte, culpabilité, gêne, peur d’être dévoilée publiquement, peur de ne pas être crue ou d’être blâmée, et peur de représailles de la part de l’abuseur portent les femmes à ne pas rapporter les actes de violence commis envers elles aux autorités 6, 7. Ça pourrait être aussi dû au fait que plusieurs des VFSG ne sont pas des actes criminels, ce qui rend difficile d’obtenir justice. Par exemple, au Canada en 2016, 20% des plaintes d’agressions sexuelles faites à la police ont été jugées non fondées, et 14% en 2017 8. Tout ça ajoute au fardeau que vivent les victimes : elles sont plus à risque de développer des troubles de santé mentale comme un trouble dépressif, un trouble lié aux traumatismes ou au stress (p. ex. état de stress post-traumatique), des tendances suicidaires, et un trouble d’abus de substances9.

hommage aux fxmmesSource image : Unsplash

Compte tenu de ces défis, les victimes préfèrent se tourner vers leurs amis et famille pour se confier. La réaction qu’elles recevront est déterminante. Des réactions positives sont liées à un coping sain et un meilleur sentiment de contrôle. Au contraire, les réactions négatives (p. ex. blâme de la victime) sont liées au coping maladaptif (p. ex. évitement, retrait social) 10. C’est ici que prend toute l’importance du #metoo au niveau sociétal. Pour les femmes, la force réside dans le nombre : ayant finalement brisé le silence en masse, elles ont maintenant l’attention du grand public, qui semble vouloir écouter et sérieusement considérer leur expérience 11. Le mouvement a été majoritairement une source de réactions positives pour les femmes, qui ont trouvé un sentiment d’appartenance à une communauté, et qui ont bénéficié d’un espace sécuritaire pour dévoiler leurs expériences difficiles 2. Cette reconnaissance à grande échelle est une validation de leur souffrance qui a amené des discussions. Ces discussions n’ont pas toujours été confortables, ou faciles. Plusieurs femmes ont réalisé qu’elles avaient en fait été elles aussi victime d’agression sexuelle, même si elles n’en étaient pas conscientes 6, et plusieurs ont décrit se sentir dégoûtées et enragées face à l’ampleur du problème11. En somme, le mouvement #metoo semble avoir été une opportunité pour plusieurs de recevoir le soutien d’autres femmes qui avaient elles aussi vécu des expériences similaires (me too), leur permettant de mettre le blâme sur l’agresseur, et non la victime. Cependant, il ne faut pas oublier que malgré son ton inclusif, ce sont majoritairement des femmes privilégiées (blanches, dans la classe moyenne) qui bénéficient du soutien de #metoo 12. Je tiens à rappeler l’importance du soutien à toutes les femmes : autochtones, noires et de couleurs, transgenres, travailleuses du sexe, celles dans des situations socioéconomiques précaires, et toutes celles qui ne peuvent pas s’émanciper.

Maintenant, où est-ce qu’on va, et comment est-ce qu’on transforme ce mouvement en changement culturel? Les femmes ont besoin d’alliés. C’est quoi un allié? C’est une personne qui fait partie du groupe dominant et qui travaille avec et pour les groupes minoritaires à éliminer les systèmes qui permettent leur oppression 13. Les hommes peuvent devenir des alliés, s’ils le veulent. Il y a toutefois des défis : les hommes ont souvent peur d’être mal perçus par leurs pairs (p. ex. comme étant faibles), peur d’empirer la situation, ou peur de rendre les femmes inconfortables en abordant le sujet 14. Pour les aider dans ce cheminement, c’est important que les hommes soient sensibilisés aux enjeux des VFSG (p. ex. à travers des témoignages d’êtres chers et l’éducation), aient des opportunités de participer à des groupes anti-violents (p. ex. expérience de bénévolat), soient exposés fréquemment à des personnes qui ont les mêmes attitudes féministes, et encouragés à agir 15. Qu’est-ce que ça veut dire pour vous, les hommes qui veulent participer à la lutte contre la violence faite aux femmes? Ça veut dire que c’est important pour vous de continuer à rechercher activement des milieux anti-violents envers les femmes. Ça veut dire que vous devez continuer de vous entourer d’alliés et d’activistes. Ça veut dire que vous devez continuer de vous poser des questions difficiles sur comment vous avez participé ou continuez de participer à ce système d’oppression. Ça veut dire de travailler à réparer vos erreurs. Ça veut dire que vous allez devoir tolérer d’être inconfortable, de remuer les choses, d’avoir des discussions difficiles, et peut-être de perdre des gens dans votre entourage qui continuent d’oppresser malgré tout. Mais surtout ça veut dire de continuer de faire tout ça même quand il n’y a pas de femmes pour vous tenir responsable. Et pour tout cela, les femmes vous disent merci, et bienvenue dans les rangs.

Source image de couverture : Unsplash
1- n.d. (2017). More than 12M "Me Too" Facebook posts, comments, reactions in 24 hours. (2017, October 15). Retrieved November 29, 2020, from https://www.cbsnews.com/news/metoo-more-than-12-million-facebook-posts-comments-reactions-24-hours/
2- Hillstrom, L. C. (2018). The# metoo movement. ABC-CLIO.
3- Cotter, A., & Savage, L. (2019, December 05). La violence fondée sur le sexe et les comportements sexuels non désirés au Canada, 2018 : Premiers résultats découlant de l'Enquête sur la sécurité dans les espaces publics et privés. Retrieved November 29, 2020, from https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2019001/article/00017-fra.htm
4- World Health Organization (n.d.). Violence against women. Retrieved November 29, 2020, from https://www.who.int/health-topics/violence-against-women
5- Burczycka, M. (2018, January 17). Police-reported intimate partner violence. Retrieved November 29, 2020, from https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2018001/article/54893/03-eng.htm
6- Alaggia, R., & Wang, S. (2020). “I never told anyone until the# metoo movement”: What can we learn from sexual abuse and sexual assault disclosures made through social media?. Child Abuse & Neglect, 103, 104312.
7- Sable, M. R., Danis, F., Mauzy, D. L., & Gallagher, S. K. (2006). Barriers to reporting sexual assault
for women and men: Perspectives of college students. Journal of American College Health55(3), 157-162.
8- Statistic Canada. (2018, July 23). Unfounded criminal incidents in Canada, 2017. Retrieved November 29, 2020, from https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/180723/dq180723c-eng.htm
9- Dworkin, E. R., Menon, S. V., Bystrynski, J., & Allen, N. E. (2017). Sexual assault victimization and psychopathology: A review and meta-analysis. Clinical psychology review56, 65-81.
10- Ullman, S. E., & Peter‐Hagene, L. (2014). Social reactions to sexual assault disclosure, coping, perceived control, and PTSD symptoms in sexual assault victims. Journal of community psychology42(4), 495-508.
11- Mendes, K., Ringrose, J. (2019). Digital Feminist Activism: #MeToo and the Everyday Experiences of Challenging Rape Culture. In Fileborn, B., & Loney-Howes, R. (Eds). #MeToo and the Politics of Social Change. (pp. 37-51). Springer International Publishing.
12-Kagal, N., Cowan, L., Jawad, H. (2019). Beyond the Bright Lights: Are Minoritized Women Outside the Spotlight Able to Say #MeToo? In Fileborn, B., & Loney-Howes, R. (Eds). #MeToo and the Politics of Social Change. (pp. 37-51). Springer International Publishing.
13- Washington, J., & Evans, N. J. (1991). Becoming an ally. In Evans, N.J., Wall, A. V. (Eds). Beyond tolerance: Gays, lesbians, and bisexuals on campus. (pp. 195-204). American Coll. Personnel Association, Alexandria, VA.
14- McMahon, S., & Dick, A. (2011). “Being in a Room with Like-Minded Men”: An Exploratory Study of Men's Participation in a Bystander Intervention Program to Prevent Intimate Partner Violence. The Journal of Men’s Studies19(1), 3-18.
15- Casey, E., & Smith, T. (2010). “How can I not?”: Men’s pathways to involvement in anti-violence against women work. Violence Against Women, 16(8), 953-973.
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