Le texte suivant a été rédigé dans le cadre du projet « Hommage aux fxmmes #metoo ». L’idée derrière ce projet est d'offrir une nouvelle voix au mouvement #metoo, particulièrement dirigé vers des dénonciations par les fxmmes d’agressions ou d’inconduites sexuelles, bien que les fxmmes ne soient pas les seules à être victimes de la violence sexuelle. Les auteurs.trices qui prendront part au projet partageront avec vous leurs réflexions, leurs opinions, leurs observations ainsi que leur soutien, leur amour et leurs souhaits pour l’avenir quant à la cause de la violence sexuelle. 

- Laurianne André, bachelière en sexologie

Pour la première fois, je me permets et j’accepte de parler en tant que victime. Je me permets seulement maintenant malgré les mouvements qu’il y a eu comme #metoo, mais ce n’est pas de cette manière-là dont j’avais envie de prendre la parole. Et c'est en tant que victime, parce que oui aujourd’hui je l’affirme, il aura fallu 11 ans pour que je me considère comme celle-ci et non en retournant ce que j’ai subi contre moi. Je ne juge pas ces femmes ou ces hommes qui ont pris la parole pendant ces mouvements, bien au contraire, ils ont toute mon admiration, mais pour moi, personnellement, ce n’est pas ma façon de dénoncer et d’exprimer. Je ne voulais pas crier sur tous les toits et surtout sur les réseaux mon viol, c’est personnel, c’est ma vie, les personnes qui doivent le savoir le savent : mes proches, les professionnels de la santé qui me suivent et la justice française (on y reviendra à cette justice).

Ma façon à moi de m’exprimer, c’est d’éduquer, de prévenir et non de guérir. Malheureusement, les actes d’agression et de crimes sexuels ne datent pas d’aujourd’hui et ont toujours existé. Par contre, maintenant, les langues se délient, on en parle et le tabou se lève petit à petit. Mais cela ne suffira pas à arrêter ces monstres qui détruisent des vies tant que la justice ne fera pas son devoir et laissera ressortir de prison tous ces prédateurs, pour ceux qui ont pu être attrapés, car ce n’est pas le cas du mien. Dans ces conditions, ça n’avancera pas. Si l’on regarde les statistiques, beaucoup de ceux qui sont coupables sont récidivistes et ont été relâchés. Je ne dis pas que ça enlèvera toutes les agressions, mais doucement, ça en éliminerait.

Ce n’est que ma petite idée du haut de mes 25 ans qui est connue juste dans son village, mais pour moi, nous devrions inonder l’État de lettres, de témoignages, quitte à en envoyer chaque jour, en terminant chaque courrier par « au nom de toutes ces victimes qui ont osé parler ou pas, il faut revoir la loi ! ».

lâchez rienSource image : Unsplash

Ce mouvement #metoo a permis à chaque victime de ne pas se sentir seule, d’arriver à se dire qu’elles seront enfin entendues et crues. Mais je trouve triste dans ces mouvements que des personnes ont osé accuser des innocents et profiter de ce mouvement pour atteindre ceux qui n’ont rien fait et régler des problèmes qui n’ont rien à voir avec ces faits. C’est un manque de respect inouï pour les réelles victimes qui ont enfin osé parler.

À 14 ans, j’ai subi, mais j’ai dénoncé, puis j’ai fait ma vie comme si je n’avais jamais vécu une telle chose. À 24 ans, je suis tombée de nouveau à cause de ce traumatisme qui m’est revenu en pleine tête. Aujourd’hui, après presque un an de travail avec ma psychologue en utilisant la méthode EMDR, j’ai décidé de rouvrir l’enquête et d’apporter les éléments sur mes levées d’amnésie. J’ai complété ma plainte qui ne contenait pas tous les éléments, oui le cerveau occulte pour pouvoir survivre. Peut-être que ça ne mènera à rien, mais j’aurai fait tout ce qu’il fallait pour retrouver celui qui m’a fait tant de mal et qui après tant d’années me fait encore souffrir. Ces mouvements sur les réseaux sociaux et dans les médias ont eu deux impacts sur moi : de la fierté pour les victimes qui osent parler sans forcément cacher leur identité, mais aussi de la douleur de voir tous les jours le nombre de personnes qui ont pu subir de tels actes. Aujourd’hui, je ne suis plus sur les réseaux sociaux, mais mon but n’est pas de me désengager et de fermer les yeux, mais au contraire, de m’engager dans cette voie par d’autres moyens.

Le chemin de la guérison est long et passe par des phases terribles, mais s’unir, que l’on ait vécu ou non de tels faits, c’est beau. Oui c’est beau de se dire qu’il peut y avoir de la solidarité au milieu de cette cruauté. Ce combat de chaque jour, en tant que victime, en vaut la peine. J’espère atteindre la résilience, je suis sur ce chemin, le bon chemin. Je souhaite à chacune et chacun d’entre vous d’atteindre cette résilience qui n’est pas inaccessible. Nous n’avons pas eu le choix alors aujourd’hui choisissons de vivre et non de survivre.

Ne lâchez rien !

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