Il y a des jeunes qui ont une enfance super agréable, alors que d’autres vivent l’horreur. Bien que non cauchemardesque, la mienne n’a pas été la plus joyeuse.

Je venais d’avoir 7 ans lorsque ma mère s’est éteinte de sa longue bataille contre le cancer. Dans ces années-là — ou du moins dans cette famille-là — on ne parlait pas de choses graves et sérieuses aux enfants. Ma maman traînait sa maladie depuis plusieurs années, sans que je sache ce qui se passait réellement. On me maintenait dans l’ignorance. On avait surtout évité de me dire que mon anniversaire de 7 ans, qu'on avait d'ailleurs célébré dans sa chambre d'hôpital, allait être la dernière fois que j'allais la voir.

Pendant ses traitements et les moments où sa santé était fragile, je me faisais beaucoup garder par des tantes et des cousines super attentionnées. Je n’ai rien manqué de ce côté et je leur en suis très reconnaissante! Toutefois, après avoir rencontré une autre femme, mon père a cru bon de m’envoyer au pensionnat.

J’avais 9 ans.

garçon seul devant un coucher de soleil

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Une année pénible

C'était loin d’être mon année préférée. J’arrivais à l’école le dimanche soir (en larmes) et je revenais à la maison le vendredi en fin de journée. À 9 ans, j'ai appris à faire mon lavage, à faire ma valise toute seule, à cuisiner un peu et je faisais aussi l’épicerie avec la liste que mon père m’avait faite avant de me venir me chercher. J’avais à peine 10 ans et j’étais plus débrouillarde que certains adultes que je côtoie aujourd’hui. Je voyais les jeunes de mon âge et je les trouvais immatures et ignorants, voire stupides, de ne pas faire tout ce que je faisais.

Quand ma belle-mère a emménagé avec nous, je pouvais finalement revenir à la maison. J’étais contente de quitter ce cadre strict où tout le monde devait se lever, étudier, manger, se brosser les dents et se coucher à la même heure… sans parler du maudit dortoir où les micro cloisons qui nous servaient de murs partiels étaient impardonnables côté ronflements, somniloquie (réelle ou fausse, pas moyen de savoir) et allées et venues aux toilettes des autres pensionnaires. Heureusement que personne n’était somnambule.

élèves dans une salle de classe

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Pas si le fun que ça finalement

Sans affirmer que j’avais enfin une mère à nouveau, je m’étais dit que ce serait bien d'avoir une figure maternelle, qu’on aurait une vie un peu normale. Par contre, elle n’était pas préparée à vivre à temps plein avec une jeune de 10 ans et ses frères et sœurs.

Mon père, souvent déchiré entre elle et nous, était incapable de trancher, prendre des décisions et faire fonctionner cette famille « non reconstituable ». Après une année de frustration et d’insatisfaction, j’ai moi-même choisi de retourner au pensionnat. J’en connaissais maintenant les rouages et je savais à quoi m’attendre. J’avais deux options : me sentir de trop dans ma propre famille ou réintégrer une communauté très structurée de ronfleuses passablement tolérables.

Ce que j’ai appris pendant cette année-là, c’est que ma belle-mère était aussi atteinte de cancer. Adon ou pattern? Qu’à cela ne tienne, elle désirait se marier avant de mourir. Un rêve de petite fille qui allait se réaliser grâce à mon papa, pas chaud à l’idée, mais incapable de dire non.

Vive les mariés! Pour 11 mois.

Les tensions familiales ne s’étaient pas réglées parce qu’un papier avait été signé. Ça avait même rendu mon père malade. Avant que ça empire, ils se sont séparés, 11 mois après le mariage, d’un commun accord. Quelques semaines plus tard, le cancer l’emportait. J’étais en secondaire 1.

Pendant toutes ces années, j’ai vécu avec beaucoup de non-dits et, par la suite, avec des questions sans réponse. À un moment, j’ai décidé de lâcher prise. Personne n'allait me dire comment était ma mère,  quels points on avait en commun ou ce qui s’était vraiment passé avec sa famille. Veuf pour la deuxième fois, mon père était un peu amer et négatif, probablement dépressif, et ses comportements avaient déteint sur moi. Je devais changer cette mentalité que je copiais et qui faisait en sorte que je détestais les gens, simplement parce qu’ils étaient heureux. Non, mais, quels idiots!

Je devais trouver ma réelle personnalité, qui était fondamentalement celle d’une fille joyeuse, créative, curieuse et sensible.

fille seule sur le chemin avec ourson en peluche

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Les dommages collatéraux

En voyant les jeunes d’aujourd’hui, je repense à mon enfance. Je sais que certains sont très débrouillards et allumés, mais, j’estime que la grande majorité est beaucoup trop gâtée, super dépendante et incapable de faire quoi que ce soit sans assistance.

Ça me décourage et je le déplore.

C’est certain que j’aurais aimé que ma mère fasse mon lavage et m’aide à faire mes devoirs! La vie en a décidé autrement. Encore aujourd’hui, je trouve cela injuste, une trentaine d’années après tous ces événements. Le fait de devoir être mature avant le temps a eu des répercussions dans mon existence. Je ne déteste pas les gens comme avant, même si j’ai parfois de petites rechutes.

J’ai beaucoup travaillé sur moi et c’est un chantier qui n’a pas de fin. Je crois d’ailleurs qu’on devrait tous faire cette introspection tout au long de notre vie, peu importe notre passé ou les épreuves qu’on a traversées.

Je travaille encore

Mon inconscient a enregistré que les gens qu’on aime finissent par mourir ou nous abandonner d’une certaine façon. J’ai donc du mal à m’attacher, malgré moi. J’ai beau me dire que mes amies et mon chum ne partiront pas et qu’ils tiennent à moi, c’est quelque chose de très ancré en moi. Je peux d’ailleurs quitter du jour au lendemain et ce, sans difficulté, que ce soit une ville, un emploi, quelqu'un. Je l’ai déjà fait. Je n’ai pas tendance à m’ennuyer.

J’ai aussi une certaine aversion envers les enfants qui crient MAMAN, PAPA 50 fois avant d’avoir leur attention (oui, il y a une part d’éducation là-dedans, mais c’est un sujet dans lequel je ne veux pas embarquer). Sans nécessairement être capable de faire une lasagne à 10 ans, peux-tu au moins verser ton propre verre de jus tout seul ?!

Bref, chacun a ses blessures et un passé. Je travaille à ce que mes bibittes d’antan ne pourrissent pas ma vie maintenant. Toutefois, certaines plaies ne se referment jamais totalement. On reste marqué à vie. Alors, quand tu vois quelqu’un avec des habitudes, une mentalité ou un comportement différents, dis-toi qu’au fond, c’est peut-être juste un petit enfant qui souffre encore.

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