** Traumavertissement: Suicide, santé mentale. Des ressources d'aide sont listées à la fin de cet article.

Pour la partie 1 de mon article, c'est juste ici.

J'avais arrêté mon stabilisateur d'humeur depuis 6 mois. Mon psychiatre n'était pas très enjoué par l'idée, mais il m'avertit de surveiller de près les symptômes de rechute. Tranquillement les sauts d'humeur ont commencé à s'installer.

Je reprochais à mon conjoint de ne pas m'aimer, puisqu'il ne voulait plus d'enfant. Pourquoi un homme si exceptionnel pouvait aimer une fille ordinaire comme moi? Avec ma prise de poids, je me trouvais laide et sans intérêt. Je remettais constamment sont amour en doute, puisque ma confiance en moi était retombée à zéro. Nous pouvions passer une fin de semaine de rêve et tout d'un coup, sans aucune raison, je me mettais en colère. J’étais consciente que j'étais en train de rechuter et je cherchais déjà de l’aide depuis plusieurs mois, mais sans succès; j'étais sur des dizaines de listes d'attente.

Et puis la fameuse COVID arriva, isolés chacun de notre côté, dans nos maisons à faire du télétravail. Mon copain devait jongler entre le fait d'avoir ses jeunes enfants à la maison (dans un condo 4 et demi) la moitié du temps et sa période la plus occupée de l'année à son travail. De mon côté, j'étais seule chez moi, sans pouvoir voir personne et l'anxiété était devenue insoutenable.

Je lui mettais énormément de pression pour qu'il s'occupe de moi, j'étais méchante, colérique, je le textais sans arrêt pour avoir de l'attention. Et puis mi-avril, n'étant plus capable de vivre cette pression et mon comportement complètement irrationnel, il mit fin à notre relation.

fenetre femme tristesse solitudeSource image: Unsplash

Ce fût le début d'une descente aux enfers qui dura presque 3 mois. Je faisais énormément d'anxiété, c'était insoutenable et j'étais incapable de travailler. Quelques mois auparavant mon psychiatre m'avait prescrit un médicament pour dormir. Je commençais à en prendre pour calmer mon anxiété. Je pouvais en prendre jusqu'à 6 par jour.

J’harcelais mon ex-copain de me reprendre, en étant des fois gentille et des fois très méchante. Je n'étais plus en mesure de travailler, car j’étais devenue tellement anxieuse que cela me paralysait. J'étais en chute libre totale. J'avais un mal de vivre immense que j'endormais avec la médication. Je ne faisais que dormir et prendre mes médicaments. Et puis un jour, après avoir pris 30 comprimés en 5 jours, j'ai atterri dans le bureau de mon psychiatre avec l'espoir qu'il renouvela ma prescription. «Non Charlotte, tu aurais pu mourir en prenant autant de cette médication», m’a-t-il dit.

J'ai finalement eu la possibilité d'avoir un comprimé par jour, pour dormir, que je devais aller chercher aux 2 jours à la pharmacie, tel qu'on gère une toxicomane, ce que j'étais devenue. C'est à ce moment que j'ai été mise en arrêt de travail. Durant cette période, je devais déménager et j'en étais incapable. C'est ma famille qui s'est occupée de faire mes boîtes et de les défaire. J'étais paralysée, incapable de faire quoi que ce soit. Je me retrouvais dans une ville où, pour la première fois de ma vie, ma famille était loin.

Je ne faisais rien, j'écoutais la télé, je fumais des cigarettes et mon seul moment de bonheur et d'excitation était d'aller chercher, aux 2 jours, mes médicaments que je prenais au complet immédiatement en sortant de la pharmacie, dans le stationnement. Je ne vivais que pour cette fameuse journée où j'allais avoir ma dose.

J'étais méchante avec mes proches, j'harcelais mon ex-copain, j'étais totalement perdue, une épave. La médication m’avait complètement transformée, je n’étais tout simplement plus moi-même. Mes amis et mon copain me trouvaient complètement détraquée et ils avaient raison, j’étais devenue complètement déconnectée et je n’étais plus dans la réalité. Je me lavais qu'une seule fois par semaine, je ne faisais aucun ménage, je mangeais uniquement des chips. Durant cette période j'ai perdu près de 35 livres. J'étais morte à l'intérieur tellement je souffrais. Je n'avais plus aucun bonheur dans la vie. Plus rien ne me faisait plaisir, je refusais de voir qui que ce soit. Je disais à mes proches que je voulais mourir, car je n'étais plus capable de souffrir autant.

mer tristesse eau aide bras mainSource image: Unsplash

J'avais 32 ans, j'étais seule, sans enfant, sans copain et en totale chute libre. Je me disais que je ne pourrais jamais retrouver mon travail et que je finirais ma vie ainsi, seule, sans personne, uniquement mon chat. Je fermais toutes les toiles de la maison afin de ne pas voir le soleil. Cette période de mal-être dura un mois. Le désir de mourir était de plus en plus présent dans mes pensées, car je n'étais plus capable de cette souffrance intérieure et je ne voyais plus aucun moyen de retrouver le bonheur.

J'avais un mal de vivre extrême, intolérable, cruel et malsain. Jusqu'à la date fatidique du 16 juin 2020. Je me suis levée un matin et j'ai décidé que c'était assez. J'avais trop souffert je n’étais plus capable de me projeter dans un futur heureux, mes proches étaient épuisés, j'étais un boulet pour tout le monde. J'avais déjà perdu trois de mes amies proches qui ne savaient plus quoi faire avec moi, à qui je mentais, elles ne me reconnaissaient plus, elles avaient pourtant raison j’étais devenue l’ombre de moi-même. Une toxicomane qui ne vivait que pour sa médication qui l’endormait.

J'avais préparé mon coup, j'allais prendre de la médication qui allait m'endormir pour ne plus me réveiller, facile, rapide et sans douleur. J'ai écrit un message d'adieu à une bonne amie qui m'avait aidée beaucoup au cours des dernières années. J'ai décidé d'aller prendre une douche et en sortant, on cogna à la porte. C'était les policiers que mon amie avait avertis afin d'éviter le pire. Ceux-ci me firent parler à une travailleuse sociale qui devait évaluer ma situation. Le résultat : j'étais un cas de P-38. J'étais obligée, même si je ne le voulais pas, de me rendre à l'hôpital, car j'étais dangereuse pour moi-même. Les policiers ont fait un travail exceptionnel, des gens compatissants et humains.

J'ai donc atterri, pour la deuxième fois de ma vie, en psychiatrie. J'avais totalement atteint le fond du baril. Comment moi, jeune professionnelle avec une belle carrière, intelligente, autonome financièrement, jolie, avec un entourage exceptionnel, en suis venue à faire une tentative de suicide? Comment ai-je pu me rendre jusque-là? N'est-ce pas supposé arriver qu'aux personnes faibles? Ce court séjour en psychiatrie fût pour moi, une révélation. Une véritable claque dans le visage. J'étais hospitalisée avec d'autres patients qui eux, étaient schizophrènes. Eux, ne pourront jamais réellement guérir. Mais qu'est-ce que je faisais ici?

J'avais tout pour être heureuse, j'étais une personne chanceuse dans la vie. J'ai eu une longue discussion avec mon psychiatre, on a réintroduit le stabilisateur d'humeur, finie la médication et tu vas vivre chez tes parents. C'est ainsi qu'à 32 ans, je retournais chez mes parents pour un certain temps. C'est à partir de ce moment que je me suis reconstruite, en m'assurant d'avoir une fondation solide. Cette fois-ci, j'allais prendre le temps de me reconstruire, lentement afin d'être heureuse une fois pour toute. Je voulais le faire pour moi, et non pas pour les autres, comme les fois d'avant.

Tranquillement, j’ai repris goût aux petites choses de la vie, cuisiner, voir ma famille, faire des petites sorties, faire du ménage, tout ça avec mes parents.

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J'avais l'impression de me réveiller après 2 mois. Ma consommation excessive avait totalement changé mon comportement et j'avais énormément de trous de mémoire. Mes proches m’ont raconté des choses que j’avais dites et faites et je n’en avais littéralement aucun souvenir. J'ai compris pourquoi mon copain m'avait laissé et pourquoi mes amies s'étaient éloignées, j'étais devenue une toxicomane.

Alors me voilà, deux semaines après mon hospitalisation, toujours chez mes parents. J'ai encore des mauvaises journées, mais elles sont plus rares. Je fais de petites choses, je prends du temps pour moi. Je suis avec ma famille et je suis bien. J'ai confiance de pouvoir retourner travailler d'ici quelques mois et de retourner vivre chez moi. Je vois une lumière au bout du tunnel.

Mais plusieurs questions me tourmentent encore. Est-ce que mon ancien copain va me donner une dernière chance et allons- nous former une famille à nouveau? Je ne sais pas. Est-ce que mes amies vont me pardonner mon comportement des derniers moi et allons-nous retrouver notre complicité? Je ne sais pas. Malgré tout, je serai zen, car je comprends que j’ai énormément blessé toutes ces personnes et je ne leur en veux pas. Lorsque je me serai complètement reconstruire, je serai en mesure de me refaire un cercle d’amis et d’avoir un amoureux qui m’aimera pour qui je suis; une fille heureuse, qui a confiance en elle, une bonne personne, intelligent, attachante, dévouée, aimante, attentionnée, drôle, jolie, zen, bien dans sa peau et qui contrôle maintenant ses émotions et ses sauts d’humeur. Vais-je quitter la région? Je ne sais pas. Mais pour l’instant je ne suis pas en mesure de répondre à ce genre de question.

Charlotte Harrison, 32 ans

Mission dans la vie : S’aimer et être heureuse

Pour terminer, si vous vous trouvez dans une situation semblable, ou avez un proche qui semble avoir besoin d'aide, n'hésitez surtout pas à aller chercher du soutien. Voici une liste de ressources qui sauront vous épauler.

1 866 APPELLE (277-3553)

Tel-jeunes (1 800 263-2266)

LigneParents  (1 800 361-5085)

Association québécoise de prévention du suicide

Liste des centres de prévention du suicide 

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