On pense souvent que ce qui arrive aux autres, ça ne nous arrivera jamais. On se dit que les risques sont trop faibles, que c’est impossible. Alors, quand ce genre de situation impossible nous frappe, ça frappe fort, TRÈS fort.

Si on m’avait dit un jour que mon couple serait infertile, je n’aurais jamais voulu y croire. Pour être franche, je ne veux toujours pas y croire. Faire un choix, dans n’importe quelle sphère de notre vie, ce n’est déjà pas une tâche facile. Se faire imposer quelque chose, ce l’est encore moins.

Ce qui m’arrive, arrive à mon couple, c’est le genre de nouvelle qui chamboule le peu le sens que je me suis fait de la vie. Je ne dis pas que la vie ne fait que du sens par l’arrivée d’un enfant, mais, dans nos gènes, c’est un peu intuitif de se dire qu’on va fonder une famille et qu’une partie de nous va perdurer au fil du temps. Par contre, ce que j’aurais été prête à assumer il y a quelques années c’est la décision de ne pas vouloir d’enfants.

Quand j’étais jeune, je ne voulais pas d’enfants. En faisant d’une histoire longue une histoire courte, j’ai vécu le genre d’enfance qui laisse un être meurtri. Le genre d’enfance qui laisse incompréhensible le sens de la vie. Qui ne donne certainement pas le goût de léguer un bagage d’être sensible et souvent désorienté par l’abandon et la souffrance. Bref, quand j’étais jeune, je ne voulais pas d’enfants par peur de les anéantir autant que je l’étais à ce moment-là, anéantie.

peluche ourson détruit triste enfanceSource image: Unsplash

J’ai changé d’idée lorsque mon neveu a vu le jour. Quand mon frère m’a annoncé qu’il allait être père, j’aimais déjà son enfant. Alors, quand il est né, j’ai compris ce qu’était l’amour inconditionnel, même si ce n’était pas MON enfant. Je peux dire, en quelque sorte, que cet enfant-là m’a changé. Il m’a fait réaliser que je pouvais être douce, attentionnée et aimante, c’est-à-dire le genre de personne que je ne suis toujours pas capable d’être avec moi-même. C’est à ce moment que j’ai compris que j’avais peut-être quelque chose de beau à offrir, que j’avais envie d’offrir ce soi-disant beau là.

On a essayé d’avoir notre premier enfant pendant trois ans. Durant ces trois ans, je travaillais, j’étudiais pour mon baccalauréat et j’avais mille et un projets. De tous ces projets, celui qui me faisait le plus sourire était celui de concevoir un enfant. Mon copain et moi s’imaginions ce à quoi notre bébé ressemblerait, comment nous voulions l’élever, les valeurs que nous voulions lui transmettre, le nom que cet enfant-là aurait porté et bon, je te laisse imaginer la suite. Tout ça pour dire que mon horloge biologique sonnait vraiment fort à ce moment-là. Avec neuf ans de vie commune, l’achat d’un condo, l’approche de ma remise de diplôme et beaucoup de voyages derrière nous, c’était la prochaine étape évidente pour mon couple, étant donné les belles circonstances que l’on avait.

Mon couple a finalement reçu un diagnostic d’infertilité. C’est une autre façon de dire que l’on m’a annoncé la mort de l’enfant que j’avais tant imaginé, rêvé. Celui que nous aurions pu concevoir naturellement, biologiquement.

Avant ça, je pensais être quelqu’un d’implacable, que le temps m’avait forgée, mais je ne me suis jamais vue aussi détruite. La carapace que j’avais sur le cœur, on me l’a arrachée d’une telle violence… Démunie, oui, je crois que c’est le mot pour décrire la façon dont je me sens aujourd’hui.

On fait quoi maintenant? On nous a mis sur la liste d’attente d’une clinique de procréation assistée, mais il faut comprendre qu’il y a plusieurs mois d’attente. Alors, on attend. Comme nous sommes dans le contexte du COVID-19, on se doit d’être encore plus patients, car tout est mis sur pause. Toutefois, ma santé mentale, elle, ne prend pas de pause.

«Y’a-t-il des options pour déjouer l’azoospermie? Est-il possible de se faire miraculeusement annoncer que l’on peut finalement concevoir un enfant de nos gènes? Est-ce que nous sommes prêts à recevoir le sperme d’un donneur? Si mon copain n’est pas le père biologique, va-t-il l’aimer et l’accepter autant? Et si on adoptait? Si le temps fait en sorte que l’on se sépare, vais-je regretter tout ce processus? Vais-je être en mesure de tout accepter?»

Vous voyez, c’est le genre d’idées qui me persécutent actuellement, même si je n’ai accès à aucune réponse.

enfant bébé naissance main parent noir et blancSource image: Unsplash

Le rôle des autres dans tout ça? Si tu es mon voisin, ne me juge pas quand je sors boire ma coupe de vin avec un air déjà un peu tipsy. Si tu étais dans ma position, ce que je ne te souhaite pas, tu serais probablement toi aussi un client fidèle de la SAQ.

À ceux et celles qui donnent des conseils «bidons» aux femmes désireuses de concevoir un enfant, ce n’est pas nécessaire. Tu peux donner les conseils que tu veux, mais, au final, le seul valable, selon moi, est celui d’aller faire des tests de fertilité.

Finalement, à ces autres qui sont dans la même situation que nous, je sais qu’il est facile de teinter de notre peine toutes les sphères de notre vie lorsqu’on est affligé d’une aussi triste nouvelle. Je sais aussi que c’est crève-cœur de voir tous ces futurs parents sur nos réseaux sociaux qui partagent leur bonheur, celui auquel on était nous aussi supposé avoir accès. N’empêche que, je crois qu’il faut faire attention de ne pas tomber dans l’envie, la jalousie. Ce qui se passe pour nous n’est la faute de personne. D’une rencontre naît l’amour, de l’amour naît le désir de concevoir. Alors, mon cœur a envie de vous dire de déverser votre trop-plein d’amour sur ceux qui vous soutiennent durant cette rude épreuve, à défaut de pouvoir le donner à un enfant.

« À toi, petit être, que j’imaginais tant. Je ne sais pas si l’on se rencontrera un jour, mais, pour me protéger, je te dis adieu en espérant n’être que dans un mauvais rêve. »

Source image de couverture: Unsplash
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