Mon cœur de maman a fait 200 tours quand j’ai appris que ton petit cœur à toi ne survivrait peut-être pas à ce grand voyage.

Tout au long d’une grossesse, on écoute ce battement rythmique si réconfortant pour s’assurer que bébé va bien. Le cœur est un pilier pour le corps, et s’il ne fonctionne pas normalement, alors tout est fichu. Du moins, c’est ce que je m’imaginais.

Je me souviens de ce moment où la technicienne en radiologie a froncé les sourcils, se rapprochant le nez de son écran pour s’assurer que c’était vraiment ce qu’elle voyait. Elle n’a rien dit, les yeux vides, les mains toujours agrippées à son appareil sur mon bedon.

Tout est allé si vite après. On m’a référée à un hôpital qui avait plus d’expérience en cardiopathies congénitales, on m’a donné ton diagnostic, les enjeux qui viennent avec. On m’a donné des documents qui parlaient de choses épouvantables, d’interruption de grossesse, de décès suite aux interventions chirurgicales. Tout ça n’avait aucun sens. Pourquoi nous ? Pourquoi toi?

Papa et moi refusions catégoriquement de ne pas te donner ta chance. Peu importe à quel point ton petit cœur était différent, nous voulions que tu décides, par toi-même, ce qu’il adviendrait de ton destin.

Alors nous avons pleuré et angoissé pendant six mois en t’attendant. Je m’en veux d’avoir mis sur pause la mise en place de ta petite chambre parce que j’avais peur que tu ne puisses jamais la voir. Je m’en veux d’avoir douté de toi pendant si longtemps. Je m’en veux de ne pas avoir cru en un avenir paisible à tes côtés.

Tout nous semblait maintenant tellement obsolète. Nous aurions voulu dire à ces autres parents de serrer leurs petits très fort dans leurs bras ce soir, de cesser d’être impatients avec eux, de ne plus se fâcher lorsqu’ils brisent quelque chose dans la maison. Si seulement nous avions la certitude que toi tu pourrais briser des choses dans quelques années. Si seulement nous étions certains que tu allais nous réveiller toute la nuit pendant des mois.

Te voir faire une crise de bacon au milieu de l’épicerie nous aurait fait beaucoup de bien. Te voir te chamailler avec ta grande sœur pendant un long voyage en voiture aurait eu l’effet d’un baume sur nos plaies.

Le jour de ta naissance, les médecins t’ont presque arraché à moi et tu es parti, pendant plusieurs heures, pour te préparer à ta chirurgie. Si j’avais pu, j’aurais donné mon cœur pour que le tien fonctionne. Mais la vie, ce n’est pas comme ça.

Et malgré tout ton petit cœur a survécu. Tu as survécu.

Même si tes moindres inconforts nous rendent paranoïaques après toutes les épreuves que tu as du endurer, nous sommes tellement reconnaissants que tu aies pris cette chance dans tes petites mains, que tu aies saisi la bouée que nous t’avons tendue. Que tu te sois battu pour être à nos côtés, pour compléter notre petite famille qui ne se voit maintenant plus sans toi.

Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve, mais nous avons appris à lâcher prise. À être résiliants, à t’aimer de toutes nos forces sans penser à ce que demain sera. Parce que nous n’avons aucun moyen de savoir. Nous pouvons seulement profiter du moment présent, en essayant du mieux que nous pouvons d’être à la hauteur pour toi. Mon petit guerrier.

Tu as fait de nous des parents plus conscients, plus forts. Tu nous a donné une résilience que nous ne pensions pas avoir au fond de nous. Cette différence qui nous effrayait tant au départ est maintenant un cadeau et nous permet d'avancer, les yeux fermés, dans cette merveilleuse aventure qu'est la vie, avec toi.

Source de l'image de couverture: Unsplash
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